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Les nouvelles mesures de rétorsion des Etats-Unis contre l’UE

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Écrit par Rédaction - New York
Publié le 24 mars 2020, mis à jour le 24 mars 2020

Le bureau du représentant américain du commerce a annoncé de nouveaux droits de douanes sur les produits venant d'Union Européenne, y compris les produits français. Quels produits sont concernés ? Le point avec le cabinet d’avocats Holland & Knight.

 

Les produits concernés 

• Le bureau du représentant américain a annoncé que dès à présent, les droits douaniers sur les avions importés de l’Union Européenne passent de 10% à 15%, et une longue liste d’autres produits EU, comprenant le fromage, les olives, les citrons, les yogourts etc. seront assujettis à des droits de douanes supplémentaires à hauteur de 25% ;

• Les entreprises françaises sont invitées à consulter le Registre Fédéral pour vérifier si les produits ou les composantes qu’elles importent, sont assujettis aux nouveaux tarifs.

• L’administration Trump a également menacé d’augmenter les droits douaniers sur d’autres produits européens, dont les voitures, en riposte à la taxe française sur le numérique.

• Il a été clairement indiqué que faute d’un accord franco-américain sur la taxe sur le numérique, ou d’un accord commercial plus global, de nouveaux tarifs seront appliqués sur les biens importés de l’Union Européenne.

La dispute commerciale entre l’administration Trump et l’Union Européenne, a récemment connu plusieurs développements, en ce compris l’augmentation des tarifs sur les avions Airbus et divers autres produits de provenance de l’Union Européennes. L’administration Trump a, par ailleurs, menacé d’introduire de nouvelles mesures de rétorsion en riposte à la taxe française sur le numérique, impliquant notamment les voitures importées de l’Union Européenne.

Cette alerte de Holland & Knight se penche sur toutes ces mesures.

 

La dispute des grands avionneurs civils

Les droits de douanes sur les nouveaux avions Airbus passent de 10% à 15% et d’autres produits de provenance européenne, tels que les fromages, les olives, les couteaux, les viandes etc. sont assujettis à un nouveau droit de douane de 25%.

C’est ce qu’a annoncé, le 21 février 2020, le bureau du représentant américain du commerce. Cette notification est le dernier envoi d’une longue dispute commerciale entre les États-Unis et l’Union Européenne remettant en cause les subventions injustifiées, dont chacun des deux avionneurs respectifs aurait bénéficié.

Les États-Unis ont été les premiers à introduire une action devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 2006, soutenant qu’Airbus (détenu conjointement par l’Allemagne, la France et le Royaume Uni) a reçu 22 millions de dollars en subventions illicites. En Juin 2010, l’OMC s’est prononcé en faveur des États-Unis. En Septembre 2016, l’OMC a confirmé que les gouvernements européens ont failli à remédier au versement de 17 milliards de dollars de subventions illicites versées antérieurement, mais qu’en outre, ils ont depuis lors versé 5 milliards de dollars d’aide illégale.

Le commerce américain subirait un préjudice estimé à 11 milliards par an, du fait des subventions versées à Airbus par l’Union Européenne

Après avoir renoncé à conclure un accord proposé par l’Union Européenne en Juillet 2019, les États-Unis ont annoncé qu’ils entendent appliquer des tarifs de rétorsion à hauteur de 11 milliards par an sur les importations européennes, comprenant avions, fromages, vin, poisson, horloges et autres. Ce montant correspondrait au montant annuel du préjudice subi par l’industrie américaine comme, à la suite des subventions européennes selon le bureau américain du représentant du commerce américain.

L’Union Européenne réclame à son tour à l’OMC l’autorisation d’appliquer des contre-mesures à hauteur de 12 milliards de dollars dans le dossier idoine déposé contre Boeing, dont la décision est attendue dans quelques mois

Le 28 mars 2019, l’organe d’appel de l’OMC conclut en dernier ressort que les États-Unis avaient continué à subventionner Boeing illégalement en dépit des décisions antérieures condamnant ces pratiques de subvention massives, lesquelles faussent les échanges commerciaux.

En 2012, l'OMC a estimé que les États-Unis avaient accordé à Boeing des subventions massives, en violation des règles de l'OMC. Entre 1989 et 2006, Boeing a bénéficié de subventions octroyées par la NASA, le ministère américain de la défense et l'État de Washington/le Kansas pour un montant total supérieur à 5 milliards de dollars. Ces subventions ont permis à Boeing de vendre ses avions moins chers et ce au détriment d'Airbus.

Dans l’intervalle, les États-Unis ont été autorisé à appliquer des tarifs à hauteur de 7.5 milliards de dollars

En Octobre 2019, l’OMC a autorisé les États Unis à imposer des tarifs à hauteur de 7.5 mil. de dollars par an sur les importations de provenance européenne. Les États-Unis ont immédiatement imposé des droits douaniers de 10% sur les avions Airbus et des tarifs allant jusqu’à 25% sur d’autres produits incluant des vins, des fromages, des olives et du whisky single malt.

La Direction Générale du Commerce extérieur de l’Union Européenne a indiqué envisager les mesures à entreprendre en ce compris l’appel contre la décision de l’OMC dans l’attente d’un accord global

Cependant, un appel a peu de chances d’aboutir. En effet, depuis le 10 décembre 2019, l’organe d’appel de l’OMC a cessé de fonctionner en raison du blocage des États-Unis quant à la nomination de nouveaux membres. A ce stade, les appels diligentés tombent dans un vide juridique.

Le 12 décembre 2019, le représentant du bureau d’américain du commerce a sollicité les commentaires du public sur les tarifs de rétorsion à venir, impliquant jusqu’à 100% de taxes ajoutées sur certains produits dont les vins pétillants.

A la suite des commentaires publics, et les vives protestations des distributeurs et détaillants de vins, mettant en exergue qu’une telle mesure représente une menace au sein même des États-Unis et affecterait l’économie américaines, l’idée d’imposer un tarif supplémentaire de 100% sur les vins pétillants a été abandonnée.

Il n’en demeure pas moins, que la notification du 21 février dernier impose des tarifs supplémentaires sur toute une liste d’autres produits européens.

Les entreprises sont invitées à prendre connaissance de cette liste sur le registre fédéral afin de vérifier si elles sont concernées et d’en évaluer l’impact.

 

La taxe sur le numérique

La taxe française sur le numérique impose une taxe de 3% sur les revenus annuels générés par les entreprises proposant certains services digitaux impliquant des consommateurs français. Cette taxe est applicable seulement aux entreprises dont le chiffre annuel des services concernés est de minimum 750 millions d’euros dans le monde et 25 millions d’euros de revenus générés en France. Les services assujettis sont ceux dans lesquels les entreprises américaines sont les leaders mondiaux.

Les négociateurs de l’Organisation de coopération économique tentent depuis 2017 de trouver un consensus sur le problème d’évasion fiscale des plus grandes entreprises technologiques

Face à l’opinion publique outragée, les négociateurs de l’Organisation de coopération économique travaillent depuis 2017 pour trouver une solution au problème d’évasion fiscale des plus grandes entreprises technologiques mondiales. Un consensus semblait proche l’année dernière, sur la base d’une proposition visant l’imposition des multinationales dans le secteur de la technologie, dans les pays de consommation de leurs produits – là où les consommateurs et les utilisateurs en ligne sont situés - nonobstant la présence physique ou pas de entreprises elles-mêmes.

Cependant, en Décembre 2019, Steven Mnuchin, le Secrétaire américain du Trésor, a informé l’Organisation de coopération économique que les Etats-Unis n’appuieront pas cette proposition aux motifs qu’elle va à l’encontre des principes mêmes du droit fiscal et qu’elle ne devrait être utilisée que comme optionnelle, choisie de gré par les contribuables qui souhaitent éviter les tracas de l’incertitude des audits et des mesures de recouvrement. Cette idée, toutefois, s’est heurtée au scepticisme de la France pour laquelle, cela ne constitue pas une alternative sérieuse.

Faute d’un accord franco-américain sur la taxe sur le numérique, ou d’un accord commercial plus global, de nouveaux tarifs seront appliqués sur les biens importés de l’Union Européenne

Le 21 janvier dernier après sa réunion avec le Chef de la Commission Européenne, le Président Trump a renouvelé sa menace d’imposer des tarifs de rétorsion sur les voitures de l’Union Européenne, dans une interview pour la CNBC, au Forum Économique Mondial à Davos, Suisse.  

Les Etats-Unis et l’Union Européenne peinent à débuter les négociations commerciales formelles et commencent par un désaccord sur la portée même de débats

En outre, à l’occasion du Forum Économique Mondial Trump a annoncé que maintenant que l’accord commercial avec la Chine a abouti, il peut enfin s’occuper de l’Union Européenne. Trump a également annoncé qu’il avait une date en tête quant à l’imposition de nouveaux tarifs sur les voitures importées de l’UE, sous-entendant qu’elle pourrait être appliquée prochainement.

A ce stade, il est impossible de se prononcer sur l’issue de la dispute sur la taxe sur le numérique ou quant à un accord plus global, tant l’agenda commerciale de l’administration Trump est volatile, sans compter la saison électorale à venir et la panique du coronavirus.

 

Pour contacter les auteurs Ronald A. Oleynik  & Alexandra Bochnakova

Avocats à Washington, D.C.

Droits de douanes
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