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Laurent Bili : Un 14 juillet pour « tendre la main aux amis de la France »

La France et les Etats-Unis sont de « vieux alliés ». Laurent Bili, ambassadeur de France aux Etats-Unis, le sait mieux que quiconque. Au-delà des enjeux électoraux de part et d’autre de l’Atlantique et des complexités géopolitiques, le diplomate aguerri sait que l’Histoire a scellé à jamais nos deux pays, preuve en est la richesse des échanges bilatéraux. A l’occasion du 14 juillet, il revient avec nous sur les enseignements du passé et la symbolique d’un jour pas comme les autres : « J’aime faire vivre ce lien entre tous les Français ». 

Laurent Bili, ambassadeur de France aux Etats-UnisLaurent Bili, ambassadeur de France aux Etats-Unis
Écrit par Damien Bouhours
Publié le 9 juillet 2024, mis à jour le 14 juillet 2024

Quels sont aujourd’hui les principaux enjeux de votre poste d’Ambassadeur aux Etats-Unis ?

Nous sommes dans un monde compliqué avec des échéances électorales mais le rôle d’Ambassadeur reste le même : maintenir les liens entre deux grands pays, qui sont de vieux alliés. Nous devons maximiser les convergences, minimiser les divergences et faire vivre cette relation bilatérale avec un effort d’explication de part et d’autre. 

 

Laurent Bili, ambassadeur de France aux Etats-Unis

 

L’année 2024 a été marquée par les commémorations des 80 ans du débarquement, en quoi ces célébrations trouvent-elles encore aujourd’hui une résonance dans les relations franco-américaines ?

Cela remet notre relation dans la durée. Il y a un pont assez naturel qui se fait entre la Seconde guerre mondiale, la Première Guerre mondiale et l'indépendance américaine. Les Américains étaient touchés de l’accueil sympathique et très humain réservé par nos autorités et la population normande aux vétérans qui avaient fait le déplacement. Tous les parlementaires présents, et moi y compris, avons confessé avoir une petite larme à l'œil en voyant ces vétérans que nous avions accompagnés, pour certains, ces derniers mois. Je pense en particulier à Arlester Brown, que le Président a décoré et qui a fêté son anniversaire à la maison française. Il a pu assister le 8 mai à une petite reconstitution du débarquement avec un petit groupe de vétérans, qui m’a impressionné en se levant pour les hymnes. Je crois que ces commémorations trouvent un écho dans ce contexte international qui nous rappelle que nous sommes plus forts lorsque nous restons unis. 

 

 

 

Est-ce que vous pensez que cette page de l’histoire touche encore les plus jeunes générations ? 

Cela peut paraître moins naturel mais je pense que ces commémorations et ces rencontres ont eu une vraie résonance. Une image me vient d’ailleurs à l’esprit. Un des vétérans américains était entouré de cinq jeunes Normandes et leur a raconté son histoire. J’ai pu assister à ce vrai moment de partage. Ces jeunes femmes étaient ravies d’avoir pu avoir un témoignage direct. Cela fait partie du plaisir de la transmission mais aussi des sacrifices qui ont été faits. 

 

Cette année sera aussi l’occasion d’une célébration plus joyeuse avec l’arrivée des Jeux Olympiques à Paris. Est-ce que vous sentez un engouement des Américains pour Paris 2024 ? 

L’engouement commence à monter aux Etats-Unis. Les premiers athlètes américains arrivent d’ailleurs en France. Nous avons mis en place de nombreuses opérations depuis plusieurs mois. Nous avons travaillé avec les Twins pour une opération de communication avec NBC qui va couvrir les Etats-Unis. Cela m’a fait plaisir de les retrouver après les avoir rencontrés à leurs débuts, il y a 20 ans, en Thaïlande. Nous avons aussi mis en avant le breakdance, qui est une nouvelle discipline qui résonne des deux côtés de l’Atlantique. On me pose beaucoup de questions sur ces Jeux, même si je reste plus évasif sur celles qui concernent le fait de pouvoir nager dans la Seine. Le 26 juillet sera l’occasion pour nous de faire vivre ces Jeux et de contribuer à cet intérêt grandissant.  

 

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Quelle est l’importance du sport dans le rayonnement français aux Etats-Unis ? 

Nous sommes fiers d’avoir des athlètes français de renom aux Etats-Unis. Victor Wembanyama avec ses millions de followers fait des miracles. Nous avons ici, à Washington, Bilal Coulibaly. J’ai également eu le plaisir de rencontrer Rudy Gobert, un joueur français impressionnant, qui a fait un très beau documentaire sur tout son parcours. Dans le nouveau draft de la NBA, nous avons également deux nouveaux Français qui vont arriver. Tous ces athlètes font vraiment honneur à la France. 

 

Si on cumule avec les investissements américains en France, nous sommes dans une relation bilatérale qui pèse 500 milliards de dollars et 1,25 million d’emplois. 

 

Est-ce que les Etats-Unis représentent toujours une terre d’opportunités pour les Français qui viennent tenter leur chance ? 

Oui et certainement plus qu’il y a quelques années. Nous voyons qu’il y a un vrai dynamisme économique aux Etats-Unis. Les capacités de financement américain attirent beaucoup d’entreprises. Nous sommes dans une dimension toute autre et au-delà de ce que j’ai pu vivre en Chine ou au Brésil. L’investissement français aux Etats-Unis représente 325 milliards de dollars chaque année avec des sociétés qui emploient 750.000 emplois. Si on cumule avec les investissements américains en France, nous sommes dans une relation bilatérale qui pèse 500 milliards de dollars et 1,25 million d’emplois. 

Les échanges scientifiques entre nos deux pays me fascinent également. Nos chercheurs sont présents dans de nombreuses universités et dans beaucoup de secteurs. Cette population de ressortissants français et de binationaux font vivre notre relation bilatérale.

 

Que viennent chercher les entrepreneurs français aux Etats-Unis ? 

Suite à la simplification des visas investisseurs, nous avons eu beaucoup de demandes dans le sens France-Etats-Unis. Les entrepreneurs qui viennent s’installer ici cherchent à conquérir un marché avec des politiques de prix et de marges plus confortables qu’en Europe. Le marché américain des capitaux est également prêt à prendre des risques. Cela renvoie d’ailleurs au débat que nous avons en Europe sur la nécessité d’unifier les marchés des capitaux pour être aussi capable d’offrir cette offre et pouvoir avoir des échanges équilibrés.

 

Laurent Bili, ambassadeur de France aux Etats-Unis

 

La France continue-t-elle aussi d’attirer les investisseurs américains ? 

La France attire beaucoup les investisseurs américains ces dernières années. Ils étaient même le plus gros contingent lors du sommet Choose France. Il y a eu un vrai changement de perception de la France, qui est devenue un pays davantage « pro-business ». Je le vois d’ailleurs lors des opérations de promotion auxquelles j’ai pu prendre part. Les CEO américains prennent eux-mêmes la parole pour dire à quel point la France regorge de talents, notamment dans l’intelligence artificielle, les mathématiques, les sciences, la médecine ou encore l’ingénierie. 

 

La francophonie est un supplément d’âme

 

Un autre aspect du rayonnement français passe par l’apprentissage du français aux Etats-Unis. En quoi est-ce important de garder cette francophonie vivante ? 

La francophonie est un supplément d’âme. C’est aussi un plaidoyer pour nos nationaux et binationaux dont les enfants vont à l’école américaine et qui ont des difficultés à faire vivre le français à la maison. Mais comme on pourrait le dire en Louisiane : « lâche pas la patate ». Dans nos programmes et notamment ceux liés à l’héritage francophone pour les diasporas, l’idée reste de démontrer que la maîtrise du français est un plus pour les jeunes. 

A New York, dans les écoles où le français est utilisé comme une langue d’immersion en plus de l’anglais, les résultats sont meilleurs et les opportunités professionnelles plus nombreuses. Je crois qu’il est important de pouvoir continuer à jouer ce lien entre les deux rives de l’Atlantique. Alors que la cohorte de locuteurs français est vieillissante, notre défi est de réinvestir dans une nouvelle génération de francophones et de francophiles qui vont faire vivre cette relation dans nos communautés américaines. 

 

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Je crois qu’il faut travailler sur l’enseignement du français dans les écoles mais également encourager la mobilité étudiante. C’est un des sujets que nous allons essayer de porter avec notre nouveau conseiller culturel et directeur de la Villa Albertine, Mohamed Bouabdallah, dans le prolongement de l’initiative lancée par le président de la République lors de sa dernière visite d’Etat. 

 

Le 14 juillet est aussi un moment pour tendre la main aux amis de la France qui viennent célébrer avec nous la liberté, l’égalité et la fraternité.  

 

Vous qui avez été en poste à Ankara, Bangkok, Brasilia ou encore Pékin, quelle signification prend pour vous ce 14 juillet ?

Le 14 juillet est toujours un moment pour faire le point et aller à la rencontre de la communauté. J’essaie toujours d’aller à la rencontre des communautés plus isolées, même si cela reste plus compliqué à l’échelle des Etats-Unis. J’ai pu le faire en Thaïlande à Pattaya et Chiang Mai ou encore à Istanbul quand j’étais en poste à Ankara. J’aime faire vivre ce lien entre tous les Français. Le 14 juillet est aussi un moment pour tendre la main aux amis de la France qui viennent célébrer avec nous la liberté, l’égalité et la fraternité.  

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