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Le détectorisme est autorisé dans certains États américains

Détectorisme Détectorisme
Crédit photo : Xavier Delestre
Écrit par Alexandre Dumont-Castells
Publié le 16 janvier 2020, mis à jour le 19 janvier 2024

Le détectorisme regroupe les usagers du détecteur de métaux, appelés « détectoristes ». Il se caractérise par une pratique dite « ludique » de la prospection métallique des sols. Ce matériel est toujours en service au sein de nos armées pour déminer les sols.

Les premiers prototypes apparaissent à partir de 1830, avec pour vocation de faciliter la recherche de filon métallifère. C'était avant la ruée vers l'Or, vers la Californie (1848-1856). Ces appareils permettent de localiser le métal. L'invention a été adaptée au domaine médical et utilisée par Alexandre Graham Bell (1831-1881), à Washington, le 2 juillet 1881 lorsque le 20e président des États-Unis, James Abraham Garfield, fut victime d'un attentat, après qu'il eut reçu deux balles dans le dos. Comble de malchance, l'armature métallique du lit présidentiel empêcha l'appareil de fonctionner correctement.

 

Un lobby américain

L'intérêt du public pour ce matériel militaire apparaît aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Un lobby se forme principalement aux États-Unis autour de nombreux fabricants. En 2017, dans le monde ils étaient 24. On y recensait dix groupes américains. Ces derniers s'appuient sur un réseau de professionnels (exportateurs/importateurs, distributeurs, vendeurs etc.). Même si les détecteurs de métaux se vendent bien auprès des chercheurs d'or en Australie ou en Guinée, ils sont de plus en plus proposés à des fins ludiques. La « chasse au trésor » fait vendre. Elle s'intéresse à la recherche archéologique, historique, au « militaria » (objets anciens des guerres liés à l'activité militaire : uniformes, armes, munitions etc.) et ce, en fonction des législations patrimoines des états, dont nombreux ont souscrit à la Convention de l'UNESCO de 1970 afin de conserver leur patrimoine archéologique menacé

En effet, par des motifs divers (dépollution, recherche de jetons ou d'objets contemporains, rallyes-détection etc.), les pillages de détectoristes génèrent le trafic illicite des biens archéologiques. En France, en 2010, un sondage de la Fédération Nationale des Utilisateurs de Détecteur de Métaux (FNUDEM) prouvait que 68 % des détectoristes effectuaient des recherches historiques ou archéologiques avant d'aller prospecter, les 32 % restants détectaient au hasard. 26 % d'entre eux vendaient leurs « trouvailles », ce qui induisait que 74 % les conservaient en vue de constituer une collection. 

Lots de monnaies, de fibules et de statuettes antiques Crédit photo : Xavier DELESTRE – DRAC-SRA PACA

Lots de monnaies, de fibules et de statuettes antiques - Crédit photo : Xavier DELESTRE – DRAC-SRA PACA

 

Quelles que soient ces différentes formes du pillage archéologique (ou de la quête légalisée selon les législations des états : Angleterre, Pays-Bas etc.), la recherche de l'objet archéologique décontextualisé porte atteinte aux vestiges archéologiques, à la stratigraphie des sites connus ou à découvrir, aux données du terrain (étudiées par la palynologie, carpologie, numismatique etc.), elle perturbe les strates du sol par les excavations sauvages. Les détectoristes prétextent ne jamais creuser les sols au-delà de trente centimètres, ils s'intéresseraient à la seule couche superficielle, perturbée dite terre arable, pour ne pas détruire le contexte des sites archéologiques, ce qui est inexact comme le révèle l'archéologue de l'INRAP Frédéric Gerber, qui est intervenu à plusieurs reprises sur des vestiges à faible profondeur, comme en 2018, sur le site de Saint-Benoit « Pièces de la Chaume » (Vienne), la présence en contexte rural d'un aqueduc romain apparaissait à moins de 10 cm sous la végétation par endroits. Celle de 2007 à Asson « Zac de la Bastide » (Pyrénées-Atlantiques) présentait des structures d'occupation médiévale entre 20 et 30 cm de profondeur.

Détectorisme aux USA

Coupe stratigraphique. Illustration réalisée dans le cadre d'ateliers de médiation scientifique Cap Archéo - Crédit photo : Bertrand DUCOURNAU – INRAP

 

Retenons que l'archéologie est une discipline scientifique, la détection métallique n'en est pas une. C'est simplement une technique. Cette dernière ne convoite que l'objet archéologique pour ses valeurs esthétiques, matérielles voire financières. L'une est la représentante d'une recherche normée professionnelle, régie par une éthique, une intégrité scientifique et un code déontologique. L'autre ne se raccroche qu'à une conception d'une archéologie des origines ou commerciale, dénuée de toute règle et de tout respect pour les principes mêmes de la recherche scientifique archéologique.

Pour les pillards, les antiquités valent mieux que la préservation d'un site archéologique, parce qu'il faut selon eux « sauver » les objets du patrimoine de l'oxydation, de la détérioration inexorable du temps, parce que les objets sont déjà connus des études scientifiques et parce que l'histoire est commune à tous. À leurs yeux, les objets doivent l'être, aussi bien au sein d'une collection privée que d'une collection publique. Il convient pour eux de les faire vivre, de les admirer, de les laisser librement circuler, de les échanger : de les commercer... au détriment du travail scientifique, dont ils auraient dû faire l'objet afin de leur donner une valeur culturelle et archéologique.

 

Autorisé dans certains États

Pourtant, le patrimoine archéologique n'est pas une ressource renouvelable. Creuser les parcelles, c'est empêcher aussi que les strates récentes n'entrent dans l'histoire avec leurs objets et leurs données : l'archéologie contemporaine les étudie. Dans le milieu des années 1980, aux États-Unis, dans le Montana, au Little Bighorn Battlefield National Monument, l'archéologue Douglas D. Scott a fouillé sur le site de Custer's Last Stand (25/26 juin 1876). Elle s'exprime en France sur les sites de la Grande Guerre (1914-1918) ou sur le lieu de tournage cinématographique (Peau d'âne - 1970). Hollywood et ses studios sont aussi des lieux chargés d'histoire.

C'est encore les techniques mêmes de cette discipline scientifique qui font les succès de l'archéologie forensique en matière judiciaire. Creuser les sols, c'est s'exposer physiquement au danger des explosifs, moralement aux sanctions prévues par les codes législatifs et les règlements des états. En France, la nature de l'objet découvert est régie par les codes en vigueur (codes pénal, du patrimoine, de la sécurité intérieure, minier, environnement etc.). Sans autorisations des propriétaires et des administrations, des poursuites et des sanctions sont certaines.

L'Arizona, le Michigan, l'Angleterre, la Belgique, les Pays-Bas ou le Danemark autorisent la détection métallique, avec ou sans permis de détecter. La fouille des sols est légitimée, cela dit la découverte d'objets archéologiques doit être déclarée à l'administration compétente afin qu'ils soient recensés et inventoriés. Il en est tout autre en France, Espagne, Irlande, Allemagne, Pologne ou la majorité des états américains réglementent l'usage du détecteur de métaux. D'autres États l'interdisent : Chypre, la Grèce, la Tunisie, la Chine, l'Islande, la Biélorussie, le Texas, le Nevada ainsi que d'autres états de l'Union. 

Le détectorisme aux USA

 

Pour juguler le détectorisme sauvage qui menace son patrimoine archéologique, nuit à la recherche et à la conservation des vestiges, la France met en œuvre des actions pédagogiques et répressives. L'information et la formation des publics jouent leur rôle grâce à des acteurs impliqués tels que M. Yann Brun, Conseiller-sûreté près la Direction Générale du Patrimoine (Ministère de la Culture), M. Xavier Delestre, Conservateur régional de l'Archéologie en Provence-Alpes Côte d'Azur, d'autres conservateurs et archéologues français. Les préfectures ont pris des arrêtés pour rappeler la loi voire pour interdire le détectorisme, comme elles le font aussi pour la « pêche à l'aimant » et l'orpaillage sauvages.

En effet, le patrimoine culturel et archéologique fait partie des intérêts fondamentaux de la Nation (art. 410-1 du Code pénal), son intégrité ne se négocie pas. La France est considérée comme un site archéologique à part entière.

En coopération avec les Parquets, les autorités judiciaires et fiscales, des actions coercitives sont engagées afin de mener la lutte contre les pillages et les trafics illicites d'objets archéologiques (dont web). La jurisprudence française s'enrichit des jugements qui condamnent les archéopilleurs, les archéocollectionneurs et les archéotrafiquants. 

Détectorisme aux USA

Lot de détecteurs de métaux saisis- Crédit photo : Xavier DELESTRE – DRAC-SRA PACA

Comment empêcher le détectorisme d'être détourné au détriment du patrimoine archéologique et sans qu'il expose physiquement et pénalement ses usagers ? Il convient de réaffirmer les lois aux publics, les sensibiliser, les inviter à devenir les acteurs du patrimoine commun en se subordonnant aux règles et en intégrant les programmes scientifiques. Il est indispensable que tous adhèrent à l'esprit d'éthique, aux codes de déontologie et à l'intégrité (dont celle au profit des scientifiques).

Comme pour les organes humains, les mobiliers archéologiques décontextualisés ne doivent plus faire l'objet de trafic, il faut qu'ils bénéficient du concept de non-patrimonialité et que l'on oblige leur traçabilité.