Tirs contre Donald Trump : “les Américains aspirent à une ré-union nationale”

Peut-on imaginer que cet événement rendra la campagne plus respectueuse entre les candidats, qu'une unité nationale peut se recréer ?

Marie-Christine Bonzom : Joe Biden et Donald Trump ont fait des déclarations depuis la tentative d’assassinat contre le candidat républicain en parlant de la nécessité d’unité nationale. Ils ont pris quelques mesures en ce sens. Biden a indiqué lundi 15 juillet qu’il regrette avoir récemment dit qu’il était temps de « mettre Trump dans la ligne de mire ». Trump a pour sa part dit qu’il a déchiré son discours d’investiture initial qu’il va prononcer à la « convention » républicaine à Milwaukee parce que cette allocution était « extrêmement dure » pour l’Administration Biden.

Ce qui est sûr, c’est que les Américains aspirent désespérément à une ré-union nationale et à la fin de la rhétorique politique si toxique que servent depuis trop longtemps les candidats et les partis républicain et démocrate. Reste à savoir si les promesses de la classe politique seront tenues et si Biden et Trump seront à la hauteur des aspirations de  leur peuple sur ce point.

Cette épreuve rend-elle Donald Trump intouchable de la part de ses adversaires démocrates, des médias et aussi de la justice pour la suite de la campagne ?

Non, il ne sera pas considéré comme intouchable par ses adversaires démocrates. Il y aura cependant une sorte de période de grâce qui, nonobstant la tentative d’attentat contre Trump, devait de toute façon intervenir au moins en cette semaine d’investiture du camp républicain. Traditionnellement, chacun des deux partis qui contrôlent le système politique et électoral aux Etats-Unis laisse les projecteurs à l’autre le temps des congrès d’investiture. 

La justice, elle, suivra son cours. Quant aux médias américains, ils étaient déjà en pleine introspection depuis le débat catastrophique de Biden face à Trump, ils le sont encore plus depuis la tentative d’attentat contre Trump. Leur introspection porte sur le rôle de certains d’entre eux dans le déni de problème cognitif de Biden depuis le début de sa présidence et dans la rhétorique politique au vitriol qui a prévalu jusqu’à présent dans cette campagne présidentielle.

“Son apparition à la convention républicaine, où il avait un pansement à l’oreille et a semblé plus ému qu’on ne l’avait vu jusqu’à présent, peut contribuer à l’humaniser un peu plus auprès de certains électeurs.”

Est-ce cynique de penser que Trump sort de cette épreuve plus fort que jamais, plus humain qu'avant ?

Je n’ai pas à juger si c’est cynique ou pas. Mais indéniablement, la tentative d’assassinat, et surtout, sa réaction, incarnée par le fameux cliché pris par un journaliste-photographe. On voit alors un Trump ensanglanté sur fond de drapeau américain levant le poing pour rassurer ses supporters et signifier qu’il n’est pas abattu, dans tous les sens du terme, va consolider l’image qu’il projette : celle d’un candidat qui serait un président plus fort et dynamique que Biden. Par ailleurs, son apparition à la convention républicaine, où il avait un pansement à l’oreille et a semblé plus ému qu’on ne l’avait vu jusqu’à présent, peut contribuer à l’humaniser un peu plus auprès de certains électeurs.
 

Cet épisode peut-il jouer sur la réglementation et l'opinion du port d'armes aux Etats-Unis ?

C’est possible, mais peu probable. Après tout, même le carnage à l’école de Sandy Hook qui, en 2012, avait fait  26 morts, la plupart des enfants de moins de 8 ans, n’avait pas suffi à infléchir durablement l’opinion, ni la législation. Cela dit, le camp Biden tentera sans doute, après la période de grâce que j’évoquais auparavant, de prôner des changements, mais ce sera toujours des propositions de réformettes, pas une réforme fondamentale.
 

Quelles peuvent être les autres conséquences de cette attaque ?

L’autre conséquence immédiate, c’est qu’en accaparant à juste titre l’attention, notamment des médias, la tentative d’assassinat contre Trump, à laquelle s’ajoute le congrès d’investiture du parti républicain, apporte un répit pour le président sortant. Un président qui, il y a moins de trois semaines, avait lui-même causé un autre événement majeur dans cette campagne, avec une prestation désastreuse au débat face à Trump. Elle avait alors suscité une vague sans précédent d’appels au retrait de la candidature de Biden au sein même du parti démocrate.

En ce qui concerne les conséquences dans l’électorat tant pour Trump que pour Biden, surtout parmi les électeurs indépendants - ceux qui déterminent la victoire à une présidentielle américaine et qui ne se reconnaissent ni dans le parti républicain ni dans le parti démocrate - il faut voir les sondages des prochains jours et les résultats des enquêtes lancées par le FBI et par le Congrès sur l’attaque contre Trump pour les évaluer.

Marie Christine Bonzom - Politologue, journaliste et spécialiste des États-Unis, Marie-Christine Bonzom est l'une des rares analystes à avoir entrevu la victoire de Donald Trump en 2016. Elle a été basée à Washington pendant près de trente ans : de 1989 à 2018. En tant que journaliste et présentatrice à Voice Of America et à la BBC, puis comme correspondante de la BBC à Washington, Marie-Christine Bonzom a couvert 5 présidents américains, de George Bush père à Donald Trump, et pas moins de 7 campagnes et élections présidentielles aux Etats-Unis.