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« La Pandémie de l’Ombre » : Violence Domestique et COVID-19

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Écrit par JC Agid
Publié le 16 avril 2020, mis à jour le 16 avril 2020

Un hashtag en guise de réconfort et de main tendue. La Fondation du groupe français Kering, présidée par François-Henri Pinault, a lancé une large campagne sur les réseaux sociaux aux États-Unis, en Italie, en Grande Bretagne et en France pour venir en aide aux victimes des violences domestiques, en nette augmentation dans les zones où le confinement chez soi est imposé. #YouAreNotAlone se positionne à la fois comme un cri de ralliement et un accès à des services spécialisés pour les femmes qui subissent, dans l’ombre de leurs appartements ou de leurs maisons, des violences quotidiennes, psychologiques ou physiques.

 

Pinault créé dès 2008 la Fondation Kering et devient un des premiers dirigeants d’entreprise à s’intéresser de près à ce fléau. En décembre dernier, il avait tiré l’alarme à New York lors de la soirée annuelle Voices of Solidarity, présentée par la fondation Vital Voices « la violence contre les femmes est tellement universelle, tellement extrême et tellement dévastatrice que nous devons la qualifier pour ce qu’elle est : une urgence », avait alors dit le Président de Kering.

« C’est la pandémie de l’ombre » insiste même la Sous-Secrétaire Générale des Nations Unies et directrice générale adjointe d’ONU Femmes, Anita Bhatia, lors d’une conférence en ligne organisée par le Georgetown Institute for Women Peace and Security sur le statut des femmes et le COVID-19. « Cela a toujours été une pandémie mais qui n’a jamais reçu suffisamment d’attention » a-t-elle ajouté.

En 2017, 87000 féminicides sont commis dans le monde selon l’ONU et, parmi ces meurtres, 50000 sont le fait du partenaire de la femme.

Alors qu’une femme sur trois subit ou a souffert de la violence de son conjoint, les Nations Unies et différentes ONG ont constaté une croissance « terrifiante » des cas répertoriés d’abus au sein du couple depuis le début du confinement. Un chiffre publié par l’ONU résume l’ampleur du drame : sur les douze mois qui précèdent le début du confinement, 243 millions de femmes âgées de 15 à 49 ans ont fait l’objet de violences sexuelles et/ou physiques dont l’auteur est un partenaire intime. Depuis la mise en place du confinement, le gouvernement Français estime l’augmentation de la violence domestique à 30% ; elle serait de 33% à Singapore et de 25% en Argentine comme en Grande Bretagne où on rapporte une multiplication par cinq du nombre d’homicides de femmes et d’enfants confinés entre fin mars et mi-avril par rapport à la moyenne des années précédentes ; Chypre, le Liban, la Malaisie, le Canada, l’Allemagne et l’Australie ne sont pas épargnés, explique l’ONU, ni la Chine où le nombre de cas aurait triplé .

« Pour beaucoup de femmes et de jeunes filles, la menace la plus grande existe là où elles devraient être le plus en sécurité : dans leur propre maison », résume le Secrétaire Général des Nations Unies, António Guterres qui a comparé la situation actuelle à un conflit mondial dont le terrain de guerre est le domicile. Guterres a ainsi imploré les gouvernements d’inclure la sécurité des femmes dans leurs stratégies de contrôle de la pandémie du Covid-19.

Violence domestique

©️JC AGID

 

Aux États-Unis, selon le magazine Forbes, la National Domestic Violence Hotline a reçu plus de 2300 appels pour lesquels les abus étaient même directement liés au coronavirus (menace de transmettre volontairement le Covid-19 ; intimidation financière si la femme perd son emploi ; contrôle et interdiction d’utiliser des produits désinfectants et des savons…).

À New York, la situation semble d’autant plus compliquée que les données seraient incomplètes faute d’appels au secours auprès des autorités. Les services de la ville annoncent toutefois une augmentation de 50% des visites sur leur site internet dédié aux ressources pour les ‘survivants’ d’un acte de violence domestique—le terme ‘survivor’ désigne la victime de ce type d’abus ; ils rappellent également que les refuges pour les femmes restent ouverts durant toute la période de confinement.

Les survivants doivent savoir que notre priorité consiste plus que jamais à assurer la continuité et le soutien sans faille de nos services,” explique Cecile Noel, chargée du combat contre la violence homme-femme auprès du Maire de New York.

Cette augmentation globale des cas de violence domestique dans un contexte généralisé de confinement était prévisible. Ces violences augmentent « chaque fois qu’il existe une crise », explique la Présidente de Vital Voices Alyse Nelson. « On assiste également à une croissance dramatique de ces abus lorsque les familles sont ensemble chez elles durant les fêtes de fin d’année et les congés d’été », ajoute Rosario Perez, membre du Conseil d’Administration de la Fondation Kering.

La directrice exécutive d'ONU Femmes et ancienne Vice-Présidente d’Afrique du Sud, Phumzile Mlambo-Ngcuka, non seulement explique que l'enfermement favorise la tension et le stress créés par les soucis de sécurité, de santé et d'argent mais accroît aussi l'isolement des femmes ayant un partenaire violent. Nous serions en train de traverser « une tempête parfaite (..) derrière des portes closes », dit-elle.

« Il s’agit parfois d’hommes et de femmes qui s’entendent d’ordinaire bien mais qui, en raison de la situation exceptionnelle que nous vivons, traversent une vraie crise car ils ont toujours ignoré les signes latents d’une violence sous-jacente », estime la Baronne Mary Goudie, membre de la Chambre de Lords à Londres. La Grande Bretagne vient, sous la pression de l’opposition, de dégager un budget spécial « pour soutenir les NGOs qui travaillent avec les autorités » pour aider les victimes de violence domestique. À Washington D.C., une somme de 45 millions de dollars a été incluse dans le plan de relance économique post-Covid-19 pour des associations du même type. ‘Pas assez’ estime un groupe de sénateurs, dont la Sénatrice démocrate de New York Kirsten Gillibrand, qui demande à ce que les prochaines lois sur le Covid-19 incluent des ressources pour les victimes de violence domestique et d’assauts sexuels.

Si les villes et les pays cherchent à instaurer des solutions d’urgences pour permettre aux victimes de violences domestiques d’en parler et, le cas échéant, d’être protégées—la France a développé un système d’alertes dans les pharmacies, un numéro spécial par SMS et met à disposition 20000 chambres d’hôtels pour les femmes menacées—moins de 40% des victimes appellent au secours ou dénoncent un acte de violence.

Rester attentif à son propre entourage—amies, parents et voisines—demeure essentiel mais cela est rendu encore plus difficile alors que nous vivons tous isolés les uns des autres. Il faut d’abord reconnaitre la souffrance : « un changement de personnalité » ou « une personne agitée » signifie qu’il faut s’interroger, explique Ruth Glenn, Présidente de la National Coalition Against Domestic Violence dans une interview-podcast avec la co-fondatrice de Seneca Women, Kim Azzarelli. « On peut alors dire à quelqu’un, ‘je sais qu’il t’arrive quelque chose ; si tu as besoin de quoique ce soit, je suis là pour toi’ ». Mais Glenn insiste surtout sur la bonne réaction à avoir. « Nous avons une tendance dans notre société à vouloir réagir en disant : ‘je veux que tu partes, que tu sortes de chez toi’. C’est sans doute le plus mauvais conseil à donner. Nous devrions nous mettre à la disposition de la victime en lui communiquant un numéro qu’elle peut appeler, un site internet ou l’adresse d’un refuge de sorte que lorsqu’elle sera prête à partir, nous serons la personne qu’elle pourra contacter. »

Et de façon plus générale, un début de solution consiste à communiquer partout l’hashtag de la Fondation Kering : sur instagram, facebook, twitter, linkedin, n’importe quel réseau social, pourquoi pas même en signature d’un email ou sur une invitation pour un apéro-Zoom : #YouAreNotAlone. Les victimes silencieuses et prisonnières chez elles sauront alors qu’il existe une personne à qui en parler et des aides disponibles.

 

 

Violence domestique

 

Ressources de la Ville de New York pour les survivants :
https://www1.nyc.gov/site/ocdv/get-help/resources-for-survivors-during-covid-19.page

Il reste de la place dans les refuges pour violence domestique à New York :
Numéro ouvert 24 heures sur 24 : 1-800-621-4673

A votre tour de partager l’information de la Fondation Kering—faire passer sur les réseaux sociaux

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