Java Jacobs est la réalisatrice à qui l’Amérique doit The Girls Have Spoken. Un court-métrage qui donne la parole à de petites filles, envoyant une invitation, sinon une incitation, à tous les Américains, à voter pour le bien de la future génération. La vidéo, devenue virale — et partagée par de nombreuses personnalités, dont Madonna ou Richard Garriott — pourrait avoir une petite sœur, à l’approche de l’élection de janvier, en Georgie, qui donnera au camp démocrate ou républicain, le Sénat. Rencontre.
Un court-métrage né d’un engagement
« L'idée du film est née de ma frustration de ne pas pouvoir voter à la présidentielle américaine, j'ai tapé dans la frustration d'un autre groupe de militants politiques, les filles trop jeunes pour voter » explique Java Jacobs. Elle n’a pas encore 30 ans, elle est parisienne, supportrice du PSG — détail important pour sa carrière —, passionnée de cinéma et New-Yorkaise depuis onze ans. Elle débarque à Manhattan pour y faire ses études. Elle a été acceptée dans une école de cinéma. Dans la ville de ses rêves, New York. À la fin de ses études, elle reçoit deux prix pour son court-métrage Take A Deep Breath, le New York Women in Film and Television Award et le National Board of Review Award. « Avec l’argent que j’ai gagné grâce à mes awards, j’ai investi dans la réalisation d’une fausse publicité. Pour me faire connaître » explique la réalisatrice. Elle, la passionnée de sport, et grande supportrice du PSG, qui regardait, enfant, avec son père, Les Spécialistes, sur Canal +, crée une publicité sportive. Don’t Touch My Balls. Fausse et détournée. Bourrée d’humour et de créativité. « Cette publicité est devenue virale en France et a été achetée par Canal +, elle a été utilisée en prime time. Je ne m’y attendais vraiment pas » relate Java Jacobs. Pour un coup d’essai, c’était un coup de maître.
Forte de son succès, la jeune femme lance sa carrière dans la réalisation de films publicitaires. Sa passion, le sport. Son ambition, faire exploser le plafond de verre qui empêche les femmes d’évoluer avec la même aisance que les hommes dans ce monde encore bien trop empli de testostérone. « C’est un monde trop occupé par les hommes, j’essaie d’en faire plus » mais l’affaire n’est pas simple pour la jeune Française qui travaille entre New York, Amsterdam, Milan et Paris.
Sociétalement, elle prône l’égalité Femme-Homme, politiquement, elle prône le devoir électoral pour un monde meilleur, plus juste, plus respectueux, dans une Amérique divisée après quatre années de Trumpisme. « J’ai toujours été engagée, politiquement, socialement » explique Java. Aussi, la frustration est immense pour elle qui vit depuis plus d’une décennie aux États-Unis, sous visa, quand arrive l’heure de l’élection présidentielle américaine à laquelle elle ne peut donner sa voix électorale. Aussi, elle choisit de donner de la voix, de faire entendre une autre partie de la population, directement concernée par cette élection cruciale, les petites filles. Celles pour qui le choix d’un nouveau président dessinera l’Amérique de demain. L’Amérique dans laquelle elles deviendront des jeunes femmes. « Ce qui est voté aujourd’hui concerne les enfants » lâche Java Jacobs. Elle se lance dans une collaboration avec une artiste. La plume du court-métrage. « Il fallait écrire quelque chose d’impactant, mais qui puisse sortir de la bouche de petites filles. ». Puis s’en suit le casting. Un zoom casting, pandémie oblige !
Des mots d’adultes dans des bouches d’enfants
Elle découvre une ribambelle de petites filles, engagées. Dans leurs communautés, dans leurs écoles. Des fillettes portées par leur avenir. Presque désepérées, du haut de leurs jeunes âges, par ce qu’elles ont observé ces quatre dernières années. « J’ai été sous le choc de la résistance de cette génération, j’ai vu des petites filles entre huit et douze ans engagées, actives et impliquées ». À travers la maturité de ces enfants, le texte, sonne, claque, frappe ! Des mots d’adultes balancés par des enfants. Des enfants déterminées, impliquées dans une bataille pour un monde meilleur. « Ces quatre dernières années, nous avons basculé dans une atmosphère choquante et vulgaire. J’ai voulu utiliser le langage de Trump dans mon film ». C’est chose faite ! Mais avec finesse.
Java Jacobs loue un studio immense, où la distanciation sociale peut être respectée. Elle tourne son court-métrage avec un budget très faible « seules les actrices ont été payées ». Armée de son iPhone 11 Pro, elle filme ces gamines qui balancent et crachent une réalité. Et invitent l’Amérique à se « bouger les fesses » pour aller voter ! En quelques jours, le film est monté. Encore une fois, Java Jacobs fait le buzz. « Madonna, Van Jones, Monica Lewinsky, Cindy Gallop, Padma Lakshmi, Debra Messing, Mariska Hargita, Ken Jeong, l'astronaute Richard Garriott et beaucoup d'activistes ont relayé mon film » explique, enthousiaste, Java. « Cela me donne bien sûr envie de continuer à faire des films engagés, j'ai d'ailleurs été contactée par des organisations dont RepresentUs pour de futurs projets. »
Après la diffusion de son film, et quelques jours avant le scrutin, la jeune femme reçoit, quotidiennement des messages de remerciement de femmes et d’hommes américains. Des papas, tous touchés par le film, par le message et par l’engagement tant du court-métrage que des fillettes. « C’était un tout petit quelque chose, ma petite pierre à l’édifice » raconte Java.
La prochaine étape ? « La Géorgie et le runoff des sénateurs ». Si je le fais, je choisirais des fillettes de cet État parce qu’il faut que les gens se sentent dans le vrai. L’échéance ? « C’est une semaine avant l’urne que tout se joue. Il y a alors une énergie qui se crée ».
Java Jacobs, cette jeune femme française qui donne la parole à la jeune génération américaine. Cette génération pour qui l’avenir sera écrit ces prochaines années, dans une Amérique redevenue démocrate, mais pour qui, le visage du Sénat sera décisif.
The girls have spoken !
Article par Rachel Brunet, rédactrice en chef du Petit journal New York