Depuis Paris, les « Américains accidentels » continuent leur combat

Le 26 juillet 2022, l’Association des Américains Accidentels (AAA) – représentée par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation – a saisi le Conseil d’Etat français d’un nouveau recours pour contester les atteintes persistantes aux droits fondamentaux des américains dits « accidentels ». En raison du caractère extraterritorial de législations américaines, ils sont considérés comme des contribuables à part entière par les Etats-Unis et, à ce titre, soumis à l’obligation de déclarer leurs revenus à l’Internal Revenue Service (« IRS »).
Le combat des Américains accidentels
Cette expression « Américains accidentels » fait référence aux citoyens français qui, par le hasard de la naissance, ont hérité de la nationalité américaine mais qui n’entretiennent aucun contact avec les États-Unis, n’y ont jamais habité, travaillé ou étudié, et ne possèdent bien souvent pas de numéro de sécurité sociale américain.
En 2010, la loi américaine « Foreign Account Tax Compliance Act » (« FATCA ») fait obligation à tout établissement financier, où qu’il se trouve dans le monde, de déclarer à l’administration fiscale américaine toutes les informations sur les comptes bancaires, placements et revenus à l’étranger de citoyens américains (« US-Persons »), dont les américains « accidentels ».
Par différents accords signés avec les États-Unis sous la contrainte économique, les États européens – dont la France depuis 2015 – ont mis en place des dispositifs de transferts automatiques de données fiscales vers les États-Unis, acte lourd de conséquences pour les Américains « accidentels ». « Ces derniers sont contraints de renoncer à leur nationalité américaine par une procédure longue, chronophage et extrêmement coûteuse, sauf à s’exposer à des risques d’enquêtes et de poursuites de l’administration fiscale américaine ainsi qu’à d’importantes difficultés bancaires » explique Fabien Lehagre, président de l’Association des Américains Accidentels
Un premier recours initié en France a été rejeté par le Conseil d’Etat le 19 juillet 2019.
Le 3 octobre 2019, l’association saisi la Commission européenne d’une plainte à l’égard de la France, car le dispositif FATCA mis en œuvre en France porte atteinte aux exigences du droit de l’Union européenne, en particulier le « Règlement général de protection des données » (« RGPD »).
Le 13 avril 2021, le Comité européen de la protection des données (« European Data Protection Board – EDPB ») appelle les Etats membres de l’Union à évaluer et, quand cela est nécessaire, à revoir leurs engagements internationaux lorsqu’ils impliquent des transferts internationaux de données personnelles, en particulier ceux qui ont trait aux échanges fiscaux.
Le 22 octobre 2021, la Commission européenne indique à l’Association des Américains Accidentels poursuivre l’examen de sa plainte tout en insistant sur le rôle des « autorités nationales de protection des données (ANPD) » en particulier pour réévaluer si les accords internationaux impliquant des transferts internationaux de données personnelles – dont le «FACTA» – conclus par les Etats membres de l’Union méconnaissent le droit européen.
Rejet de demande
C’est dans ce contexte qu’en juin 2021, l’Association des Américains Accidentels saisit la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) d’une plainte afin que celle-ci ordonne la suspension des transferts automatiques de données fiscales opérés entre la France et les Etats-Unis en application de l'accord « FATCA ».
Cependant, par une décision en date du 23 mai 2022, la Présidente de la CNIL rejette cette demande et clôture la plainte, « en se bornant essentiellement à renvoyer à la décision rendue par le Conseil d’Etat en 2019 ».
C’est cette décision de la CNIL que l’Association des Américains Accidentels conteste devant le Conseil d’Etat par le recours en annulation initié ce 26 juillet 2022.
« En refusant d’agir, la CNIL a méconnu ses obligations et pouvoirs, dont celui « d'adopter toutes les mesures correctrices » aux fins de protection des données. En outre, ce nouveau recours conduira le Conseil d’Etat à réexaminer sa position en considération des circonstances de droit et de fait nouvelles, lesquelles n’ont cessé de révéler combien le dispositif qui affecte les américains « accidentels » méconnait leurs droits fondamentaux » conclut la défense des Américains Accidentels.