Jeffrey Dahmer, Ted Bundy, Charles Manson… Ils nous répugnent. Et pourtant, ils nous obsèdent. Monstres pour les uns, célébrités pour les autres. Jusqu’où peut-on aller dans la mise en scène des tueurs en série, sans franchir la limite entre obsession et glorification ?


Lors de sa sortie en 2022, la série Dahmer sur Netflix, a enregistré plus d’un milliard d’heures de visionnage en seulement deux mois. Un chiffre vertigineux qui témoigne d’une obsession aussi massive que glaçante pour les tueurs en série. Si cette fascination collective ne date pas d’hier, elle semble avoir trouvé dans notre époque un terrain particulièrement fertile.

Le Centre d'analyse des crimes violents (National Center for the Analysis of Violent Crime (NCAVC) distingue quatre types de meurtriers : le meurtrier de masse, le meurtrier compulsif, le meurtrier en série et le meurtrier en série de masse. Le tueur en série ou (serial killer), se définit comme une personne ayant tué au moins trois personnes en des lieux et des temps différents.
Dahmer, la série Netflix évènement sur le tueur en série américain gay et cannibale
Voyeurisme ou besoin de comprendre ?
Reconstitutions macabres, expositions immersives, documentaires glaçants… Les formats se multiplient pour tenter de comprendre — ou de revivre — les crimes des tueurs en série. Entre voyeurisme et analyse, la frontière devient parfois floue. L’homme, cherche-t-il à comprendre la logique du mal pour se rassurer, ou simplement à satisfaire une curiosité morbide soigneusement déguisée ?
Une ambiguïté incarnée par l’exposition Serial Killer : The Exhibition, actuellement aux Galeries Montparnasse, à Paris. Étendue sur 2.000m2, l’exposition Serial Killer est un voyage lugubre dans les méandres de l’esprit criminel. Scènes de crime sanglantes, fond musical sombre et artefacts, l’exposition ne se cantonne pas au sensationnalisme. Elle dépasse le simple voyeurisme en dédiant l’une de ses sept salles thématiques à l’exploration des troubles mentaux, des traumatismes d’enfance, et aux autres facteurs qui nourrissent l’esprit meurtrier.
Le saviez-vous ? L'hybristophilie désigne l'attirance sexuelle, amoureuse ou mentale envers des personnes ayant commis des crimes de diverses natures. L'hybristophilie découle d'une faible estime de soi, souvent causée par une figure paternelle absente ou violente. Généralement associée aux femmes, ce terme désigne celles qui voient les criminels comme des « mâles alpha ». Mais ce phénomène existe également chez les hommes.

Serial Killer : l'exposition s'invite aux Galeries Montparnasse à Paris
Regarder le mal pour exorciser la peur
« Contre toute attente, ce sont les femmes qui visitent le plus l’exposition Serial Killers à Paris. Une surprise totale », confie un organisateur de l’exposition. Un constat qui soulève une question essentielle : « Pourquoi le public féminin s’intéresse-t-il tant à ces figures de violence extrême ? »
« Lorsque nous éprouvons des niveaux de peur élevés, nous cherchons souvent à nous réconforter en affrontant ces problèmes en face. Nous nous sommes toujours tournés vers les récits de crimes comme un moyen de mieux comprendre les limites morales de notre société », explique Gemma Flynn, criminologue à l'université d'Édimbourg. « Peut-être que pour les femmes, particulièrement, il y a un désir de satisfaire la peur en se tournant vers ces histoires », ajoute-t-elle.
Le saviez-vous ? Les femmes représentent une proportion significative des victimes de tueurs en série aux États-Unis. D’après Fox, Levin et Fridel, sur les 5.582 victimes tuées par des tueurs en série depuis 1970, plus de la moitié sont des femmes.
Dans une société où les violences de genre restent omniprésentes, comprendre les « monstres », c’est aussi pour beaucoup, se rassurer de ne pas en devenir la proie. Finalement, derrière l’obsession, il y a également un besoin de maîtrise — voire de survie.
« Si les tueurs en série nous fascinent, c’est précisément parce qu’en dépit de leurs crimes atroces, ils restent à notre image. » - Jacques Vergès, célèbre avocat de Klaus Barbie, Slobodan Milosevic, ou encore Saddam Hussein
J’ai testé pour vous : sur les pas de Jack l’Éventreur à Whitechapel
Effet de mode macabre, fascination pour le mal, ou simple besoin de comprendre l’incompréhensible ? À chacun sa réponse. Mais une chose est sûre : Jacques Vergès avait raison. À travers les tueurs en série, nous regardons, en miroir, une part dérangeante de nous-mêmes.
Sur le même sujet
