En 1945, alors que l'Europe tente de soigner les plaies de la seconde grande guerre, un autre combat se livre, loin des champs de bataille. Celui du 6888ᵉ bataillon postal de l’armée américaine, une unité exclusivement composée de femmes afro-américaines. En triant les millions de lettres et de colis destinés aux soldats, ces héroïnes oubliées ont ravivé le moral des troupes tout en affrontant le racisme et le sexisme de leur époque. Aujourd’hui, leur histoire méconnue ressurgit grâce au film Messagères de guerre sur Netflix.
En 1945, la guerre ne se mène pas seulement avec des fusils, mais aussi avec des lettres et des colis, porteurs d'amour, d'espoir et de réconfort pour des soldats américains éreintés. Alors que l’Europe tente de se relever après six années de guerre, l’armée américaine se heurte à une montagne de correspondances. Près de 17 millions de lettres et colis en retard, pourtant essentiels pour le moral des troupes, s’accumulent dans des entrepôts poussiéreux à Birmingham, en Angleterre, et à Rouen, en France. Afin de relever le défi titanesque de faire parvenir le courrier, l’armée décide de confier la mission à une unité unique : le 6888ᵉ bataillon postal, composé de 855 femmes afro-américaines. L’initiative, audacieuse pour l’époque, fait d’elles la première et seule unité exclusivement féminine et noire à servir outre-Atlantique pendant la guerre.
Le racisme et le sexisme comme ennemis secondaires
À leur arrivée, les femmes sont confrontées à un environnement hostile. Dans une époque encore gangrenée par la ségrégation, leur simple présence en uniforme suscite tensions et préjugés. "Pas de courrier, pas de moral", telle était leur devise. Mais elles savaient qu’au-delà des sacs de lettres, elles combattaient également pour prouver leur valeur et leur compétence dans un système qui leur refusait souvent leurs droits.
Commandées par le Major Charity Adams Earley, première femme afro-américaine officier de l’US Army, elles travaillent dans des conditions éprouvantes. Les entrepôts sont glacials, mal éclairés, et l’ampleur de la tâche semble insurmontable. Pourtant, elles persévèrent et trient des milliers de lettres par jour grâce à un système qu’elles perfectionnent elles-mêmes. En seulement trois mois, elles accomplissent ce qui semblait impossible : rétablir le lien entre les soldats et leurs familles.
Le 6888ᵉ bataillon postal, oublié puis honoré
Malgré leur succès historique, les héroïnes retournent aux États-Unis dans l’indifférence générale. Elles ne reçoivent ni médailles, ni reconnaissance officielle pour leurs services. L’histoire de leur bravoure tombe dans l’oubli, effacée par une société qui ne sait pas encore reconnaître les contributions des femmes, et encore moins celles des femmes noires. Il faudra attendre plusieurs décennies pour que leur histoire refasse surface. En 2009, elles sont enfin honorées au Women in Military Service for America Memorial. Puis en 2016, leur unité est intronisée au Hall of Fame de l’US Army Women’s Foundation.
Les héroïnes mises à l’honneur par Netflix
Cette page d’histoire, trop longtemps oubliée, retrouve aujourd’hui un écho puissant grâce au cinéma. Le film Messagères de guerre, réalisé par Tyler Perry et sorti sur Netflix, s’inspire de ce chapitre méconnu pour rendre hommage à de véritables héroïnes. Porté par Kerry Washington dans le rôle du Major Charity Adams Earley, le long-métrage met en lumière l’impact immense de leur mission et la lutte qu’elles ont menée sur plusieurs fronts, celui de la guerre, mais aussi celui de l’égalité. À travers le film, toute une génération de femmes se voit enfin réhabilitée. Leur courage et leur détermination continuent d’inspirer, rappelant à chacun que même les batailles les plus discrètes peuvent changer le cours de l’histoire.