Olivier Bron a le goût du challenge, comme celui des autres. Ancien directeur des opérations du groupe Galeries Lafayette, puis à la tête des grands magasins Central et Robinson’s en Thaïlande, Olivier Bron est le patron de Bloomingdale’s depuis deux ans. Rencontre avec un enfant prodige du retail, qui n’a pas fini de faire parler de lui.


« Statistiquement, la chance qu’on se parle, vous et moi, aujourd’hui est infime » attaque-t-il d’entrée. La chance, fil directeur de sa vie, estime-t-il. Celle d’avoir fait les bonnes rencontres aux bons moments, qui l’ont porté là où il se trouve aujourd’hui. A capacités égales, chance inégale. Originaire du nord des Alpes, mère professeure de mathématiques, père fonctionnaire chez France Télécom, le petit Olivier se sent un peu différent. « Ma sœur et moi avons poursuivi l’ascension sociale initiée par nos parents ». Enfant rêveur, « un peu désuet », dans un monde qu’il arpentera avec audace pour accomplir ses rêves.

Pari ô combien réussi : aujourd’hui à la tête de Bloomingdale’s, 4ème plus gros department
store des Etats-Unis, avec un chiffre d’affaires de près de 4 milliards de dollars par an, Olivier gère indirectement 12.000 personnes. Humble, il insiste : « Je n’ai pas un job plus important que qui que ce soit dans l’entreprise. » Il se dit même « incapable de faire ce que font 90% des gens » qui l’entourent. Très admiratif et respectueux de celles et ceux en magasins, debout et souriants neuf heures par jour quoi qu’il arrive. Rien ne le rend plus heureux que d’aller à leur rencontre, comme celle de ses clients : « Ce qui m’intéresse le plus chez moi, c’est ma curiosité et mon réel intérêt pour les autres. »
Accueillir la diversité des points de vue, c’est très important parce que ça me fait grandir
Un amour viscéral des gens
Ses équipes, il s’en sent responsable. « C’est un people business », affirme-t-il. Il les respecte, se préoccupe de leur bien-être, tout en étant dans un rapport intentionnel de leader à collaborateurs. Car le management à l’affect de ses débuts, c’est fini : trop de décisions biaisées. Il en est davantage seul, le regrette parfois, mais assume l’évolution de son leadership; ne pas se surinvestir émotionnellement, mais impliquer, et surtout, laisser la place aux questions, aux désaccords : « Accueillir la diversité des points de vue, c’est très important parce que ça me fait grandir. » Une approche humaine, d’équilibre entre plaisir et performance, qui l’a toujours distingué, dès ses premières années passées en cabinet de conseil en stratégie. Obsessionnel du développement de celles et ceux avec lesquels il travaille. Et intransigeant. Le plus important pour lui, c’est que les valeurs de l’entreprise, celles des gens avec lesquels il travaille et les siennes, soient nécessairement alignées.

Une boussole : ses valeurs
« Les valeurs, c’est le refuge quand vous êtes poussé dans vos retranchements. » Il ne perd pas de vue celles de respect, d’ouverture, d’intégrité lors de situations conflictuelles intenses. En dépit de solides convictions, il le reconnaît : « Prendre une décision, c’est facile; l’assumer,c’est difficile. » Le courage, pourtant, il n’est pas né avec. « Apprendre à gérer ses émotions et ses peurs » se travaille. Loin de lui pourtant, l’idée de juger. « La lâcheté rôde chez tout le monde ». Plus que le résultat, c’est le chemin qui l’intéresse. « Je ressens plus d'accomplissement dans le parcours que dans l’objectif. » Un principe de vie de montagnard qu’il cultive : « Je prends plus de plaisir dans la montée que dans le sommet. »

Recréer le nouvel âge d’or de Bloomingdale’s
Et dans la montée, il embarque sa cordée. « La vision, c’est l’une des composantes fondamentales du dirigeant d’entreprise », il en est convaincu. Son job à lui, c’est de travailler à 5 ou 10 ans : « m’assurer que les priorités qu’on décide d’établir aujourd’hui aient du sens dans la durée. » Il rêve grand, et le confesse. « Moi, je ne suis pas un homme d’ajustement, de détails, j’ai besoin de grands projets, de faire des choses qui bougent. » D’où la stratégie qu’il a portée avec ses équipes : Dream Big. Dream Big, pour réveiller la « belle endormie » qu’est Bloomingdale’s. « On est une marque fantastique, historique, iconique, à New York et ailleurs, bourrée de potentiel ! » s’enflamme-t-il. Son intuition, elle a été de libérer les énergies. Et ça marche ! « On vient de finir le plus gros semestre de l’histoire de l’enseigne. » Le retail, ce n’est pas du transactionnel : là est sa conviction profonde. Il veut réinsuffler une âme, « une feel good experience. » relation simple, et authentique. Quelque chose de très intime qui parle au « moi » profond de chacun. Une relation simple, et authentique.

Un leader humaniste
Dans dix ans, il se voit toujours CEO : « J’ai cette fibre profondément ancrée. » Sur un nouveau projet, qui sait; de retour dans le pays de ses racines, sans doute. « Je n’en avais pas forcément conscience avant, mais on partage en France des valeurs humanistes qu’on retrouve peu dans le monde entier. » En attendant, Olivier souhaite se forger des convictions. Sur les enseignements de ses expériences, sur ce qu’il veut transmettre à ses enfants, dont il rêve qu’ils grandissent heureux et confiants, en sachant trouver l’équilibre entre eux et les autres, dans tout ce qu’ils font. S’il reconnaît à demi-mots être fier de son parcours « par rapport à une certaine forme de chemin de vie qu’(il) s’était tracé », il bouillonne d’énergie pour la suite. En amoureux du bon vin qu’il est, il a soif. D’apprendre, encore, d’avancer, toujours; et de responsabilités. Jusqu’au bout, conscient de sa chance.
Sur le même sujet



































