Un sondage Ispos s’est intéressé au point de vue des Français et Italiens sur la collaboration industrielle entre les deux pays et leur place au sein de l’Europe. Les résultats révèlent une grande différence d’opinions.
Malgré la particulière proximité entre Français et Italiens, les deux nations ont encore tant à apprendre l’une de l’autre. C’est ce qu’entend démontrer et expliquer les Dialogues franco-italiens pour l’Europe, une initiative organisée depuis 2018 par l'Université LUISS à Rome et Sciences Po à Paris, en collaboration avec The European House - Ambrosetti, dans la finalité de favoriser les échanges entre les institutions publiques et les entreprises, en vue de renforcer les relations économiques, académiques et culturelles entre les deux pays dans une perspective européenne.
Dans le cadre de la cinquième édition des dialogues franco-italiens pour l’Europe, un nouveau sondage Ipsos a mis en relief une perception différente des relations entre les deux voisins. Le 7 juillet dernier au Palais Edison à Milan, l’institut de sondage a présenté les résultats de l’enquête réalisée auprès de 1000 Français et 1000 Italiens, sur la problématique : « Italie et France quelles perspectives industrielles en Europe ? ».
Si les deux pays partagent un héritage culturel et historique similaire, sinon commun, leurs différences influent énormément sur la vision de leur économie. Pour 35% des Italiens et 30% des Français interrogés, le PIB de leur pays respectif repose principalement sur le secteur primaire (agriculture, pêche, élevage). Selon le panel, le secteur tertiaire (commerce et service) représenterait 30% des richesses produites en Italie et 37% en France. Des estimations bien loin de la réalité. Selon les chiffres de la Banque Mondiale, le secteur tertiaire est en effet le principal producteur de richesses à 67% en Italie et 71% en France. Le domaine agricole, quant à lui, ne représente que 2% du PIB.
La France en retard sur la question de l’écologie
La lutte contre le changement climatique était le thème du dernier sondage Ipsos réalisé pour les Dialogues franco-italiens, et on observait déjà que les Italiens étaient bien plus alertes sur l’écologie que les Français. La tendance se confirme. En effet, les Italiens interrogés estiment à 56 % que la viabilité et l’attention portée à l’environnement favorise la croissance économique contre 41% pour les Français. Selon Marc Lazar, professeur d’histoire et de sociologie politique à Sciences Po et spécialiste de l’Italie, ce retrait des Français serait sans doute dû « au productivisme très fort dans le pays, accentué par le mouvement des gilets jaune qui continue d’avoir ses effets ».
Les Français restent en réserve sur la cause environnementale mais gardent une haute estime de leur pays sur sa capacité à gérer la transition énergétique. 19% d’entre eux pensent que l’Hexagone la gère mieux que ses voisins européens, contre cinq points de moins pour les Italiens.
La fracture se prononce plus intensément avec la question des effets de la guerre en Ukraine. La moitié des Italiens estiment que leur pays a été plus touché que les autres sur la crise énergétique contre seulement 23 % des Français. Au contraire, un quart d’entre eux estiment qu’ils s’en sont mieux sortis que la plupart des Européens, les Italiens partagent ce sentiment à seulement 10%. La différence d’opinion sur le nucléaire aussi est significative. En effet, 53% des Français pensent que « les centrales nucléaires sont sures et il faut investir sur cette source d’énergie », c’est 9 points de plus que leurs voisins italiens. Depuis 1987, à la suite d'un référendum, l'Italie a renoncé à développer le nucléaire sur son territoire.
Une collaboration encore timide
Un adjectif pour qualifier les rapports industriels entre les deux pays ? « Concurrentiels » pour environ un tiers des sondés. En revanche, les Français qualifient aussi le rapport de « collaboratif » à 27%. Presque un quart des Italiens, en revanche, parlent d’une relation « conflictuelle », 10 points de plus que les Français. Dans la même idée, 30% des Italiens pensent que « les entreprises françaises tentent d’acquérir les entreprises italiennes dans les secteurs stratégiques ». Dans l’autre sens, ils ne sont qu’un Français sur dix à partager cet avis.
En 2019, le sondage de l’Ipsos portait sur les sentiments partagés entre les deux peuples. Il avait révélé une grande animosité qui survenait après les tensions diplomatiques entre les deux pays. La crise migratoire était l’une des raisons de ce conflit. Aujourd’hui, les principaux axes de discussion souhaités sont la gestion des flux migratoires pour les Français et la politique énergétique pour les Italiens.
Pour Marc Lazar « les médias jouent un rôle important dans la collaboration franco-italienne ». Pour illustrer son propos, il prend l’exemple du Traité du Quirinal. Ce texte a été signé en novembre dernier par la France et l’Italie, pour renforcer leur coopération dans de multiples domaines. De manière générale cette information avait été plus largement relayée dans les médias italiens que dans les médias français. Les résultats du sondage en témoignent : plus d’un tiers des Italiens explique connaître les détails de l’accord contre seulement 17% des Français. Reste 70% des Italiens et65% des Français se disent favorables au développement des rapports bilatéraux. Un aspect encourageant.
Jocelyn Florent