Riche d’une sensibilité multiculturelle et d’un parcours empreint d’amour pour le « beau », Hodna Khelil scénographie les intérieurs avec passion et un sens marqué d’émotion. Rencontre avec une décoratrice d’intérieur, algérienne et milanaise d’adoption depuis 30 ans, à la découverte de son univers rempli de créativité, source de son champ des possibles décoratif, adapté aux styles de vie et aux envies de chacun de ses clients.
Du Niger où vous avez grandi, à Milan où vous habitez et exercez votre passion pour la décoration d’intérieur, comment votre parcours vous a-t-il sensibilisé à la beauté ?
Je suis d’origine algérienne, mais j’ai grandi au Niger. Avec un père architecte et une mère maquettiste, j’ai dès mon enfance été baignée dans l’art et sensibilisée à la beauté du détail. J’adorais accompagner mon père sur ses chantiers souvent grandioses, comme celui d’une Mosquée de Niamey au Niger, où j’admirais avec fascination le travail méticuleux des artisans venus du Maroc.
Passionnée d’arts visuels et d’anthropologie, je suis ensuite partie faire mes études en Californie. C’est à travers mes premières expériences professionnelles que je me suis approchée de plus près du monde de l’art, en travaillant chez Unicef aux Etats-Unis, puis à Milan dès mon arrivée en 1993, en œuvrant pour la récolte de fonds. Nous organisions des ventes aux enchères à l’occasion de Galas de bienfaisance dans des palais somptueux. Pour cela, je parcourais les foires et les expositions, ce qui m’a appris à chiner et à nourrir ma sensibilité pour les objets et leur histoire.
Vous avez ensuite cultivé cette éducation à l’esthétisme en créant votre « écrin » à Milan, une boutique de décoration alors unique en son genre, qui vous a aussi servi de tremplin…
Au début des années 2000, nous avons effectivement ouvert Lilly Rose, avec une amie, une boutique de décoration située au cœur du charmant quartier des 5 Vie à Milan. Mon envie n’était pas de faire de la vente mais de pouvoir sélectionner des objets, représenter des enseignes présentes en France et en Belgique et offrir des objets chinés.
Petit à petit, mes clients m’ont demandé de les conseiller pour leurs intérieurs, des bureaux, des chambres d’enfants… Au bout de cinq ans, c’était le moment de passer à autre chose.
J’ai alors suivi une formation à la Inchbald School of Design à Londres, car si c’est bien la vie qui forme à la créativité, ce master m’a permis de me structurer.
Décoration d’intérieur et petit budget, est-ce compatible ?
Faire un projet, c’est comme cuisiner un plat. Parfois on dispose des meilleurs produits bio venus du marché, d’autres fois il faut se débrouiller avec ce qu’il y a dans le frigidaire tout en faisant un excellent plat. Et cela apporte souvent beaucoup plus de satisfaction !
En d’autres termes, penser qu’il faille casser sa tirelire pour recourir aux conseils d’un décorateur d’intérieur est une idée reçue. Au contraire, c’est souvent un gain de temps, de choix de matières, mais d’argent aussi. En effet, la connaissance d’un spécialiste peut éviter de faire un mauvais choix sur un sol par exemple. Par ailleurs, en travaillant en partenariat avec plusieurs fournisseurs, nous pouvons offrir des prix avantageux, aussi sur les meubles.
Il existe en outre plusieurs étapes, des projets globaux pour une rénovation complète, ou des conseils pour un relooking, un rafraichissement en optimisant ce que l’on a déjà.
Comment définissez-vous votre style ?
Mon style représente sans doute mon métissage. Il est à la fois contemporain, traditionnel et multiculturel. Je travaille en général sur des palettes monochromes et neutres, auxquelles j’ajoute des touches de couleur dans une entrée ou un couloir par exemple. La couleur c’est la vie, j’aime la doser avec parcimonie pour donner du caractère. J’apprécie également le savant mélange de l’art ethnique, africain et les soies indiennes.
Qu’est-ce qui nourrit votre inspiration au quotidien ?
Je suis très curieuse et aime découvrir les intérieurs en général, je parcours les expositions, les foires... Néanmoins, c'est la nature qui m'émerveille le plus car sa beauté et sa perfection me connecte avec la vie, l'univers... C'est souvent de là que jaillissent les idées et où ma créativité me transporte. Les voyages aussi sont fondamentaux.
Quel est votre fil conducteur quand vous réalisez un projet ?
Les attentes de mon client, afin de réaliser le projet « ensemble », sans jamais imposer mes choix mais en mes guidant pour faire les bons. Je suis à l’écoute des styles de vie de chacun pour comprendre quels espaces fondamentaux créer et selon quelle atmosphère, que la maison soit grande ou petite.
Que représente un intérieur pour vous ?
C’est un espace de vie qui inspire, regénère, un lieu de partage. Il ne faut pas le négliger, mais au contraire lui donner son importance.
Cela peut notamment passer par l’art, une touche qui personnalise l’intérieur, lui donne de la profondeur et doit nous reconnecter. Je ne parle pas forcément d’œuvre d’art onéreuse, cela peut-être une sculpture ou encore une photographie de famille imprimée en grand format qui évoque le souvenir.
Notez-vous une différence d’approche entre les intérieurs français et italiens ?
Les deux cultures sont très sensibles au « beau », à la décoration et à l’art de vivre. La culture française a sans doute une approche plus métissée. Il n’est pas rare de trouver un « intérieur français » qui ose en mélangeant par exemple de la pierre avec un tapis berbère et des coussins indiens.
Les Italiens sont peut-être plus traditionnels : ou tout design, ou classique avec des matières comme le velours et la soie. Néanmoins cette vision traditionnelle est déjà en train d’évoluer vers de plus en plus de curiosité.
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Hodna Khelil
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