Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Anne de Carbuccia à Milan : « J’y ai évolué en tant qu’artiste »

Anne de carbuccia milanAnne de carbuccia milan
L’artiste française basée à Milan, développe son projet One Planet One Future à travers le monde
Écrit par Inès Daneluzzo-Albertini
Publié le 3 juillet 2019, mis à jour le 22 mars 2022

Anne de Carbuccia, franco-américaine et milanaise d’adoption est une artiste engagée. Photographe environnementale, elle expose entre New York et Milan, où arrive son projet One Planet One Future en version graffiti, sur un mur de Lambrate.

 

Grâce à son projet One Planet One Future, les photographies d’Anne de Carbuccia – franco américaine, milanaise d’adoption -  traversent les frontières. L’artiste chasse les paysages les plus spectaculaires de la planète pour mettre en lumière leur contre-pied : leur dégradation due à la pollution. De l’Everest aux Maldives en passant par Lampedusa, elle dénonce l’urgence environnementale grâce à l’esthétique séduisante des « Hôtels du Temps » qu’elle construit avec un sablier et une Vanité – objets totems qui la suivent partout. Elle se bat pour un mode de vie durable, pour la sauvegarde de l’humanité.
Son exposition permanente à Milan se visite dans sa galerie, sur rendez-vous (8 Via Conte Rosso). Y sont exposées ses photographies, disposées autour de quatre thématiques : eau, espèces, environnements et civilisations menacées. Du 12 au 19 juin, l’artiste a travaillé en collaboration avec des street artists pour la réalisation d’un immense graffiti, à quelques pas de son local milanais. Lepetitjournal.com/milan l’a rencontrée à cette occasion.

Lepetitjournal.com/milan : Pourquoi choisir le street art pour ce nouveau projet ?

Anne de Carbuccia : La culture du graff, née dans le New-York des années 90, fait partie de mon histoire, ayant étudié là-bas à la même époque. J’ai aussi un fort lien artistique avec les artistes du projet, que je connais depuis longtemps et qui tiennent à conserver l’anonymat. Nous avons plusieurs points communs, même si nos méthodes sont différentes. Nous catalysons une vraie rage dans nos œuvres : j’exploite l’esthétique, eux les graffitis. Ensuite, nous créons dehors, sur le terrain, nous ne menons pas une vie contemplative comme certains artistes.

Le projet vise à sensibiliser à la protection de l’environnement. Quelle évolution avez-vous observé depuis le début de votre carrière ?

Quand j’ai commencé il y a 6 ans, on pensait que j’étais dingue : se promener avec un sablier, une vanité et construire des hôtels du temps, ce n’était pas « normal ». Aujourd’hui, et en si peu de temps, le public comprend mieux mon message grâce à un changement de mœurs et d’époque. Mes projets restent diffusés à petite échelle, je fais seulement deux expositions par an. Mais grâce au film que nous sommes en train de réaliser, j’espère toucher davantage de monde.

Franco-américaine et expatriée en Italie, que représente Milan pour vous ?

Je suis très attachée à la ville, j’habite ici depuis 20 ans. Je suis venue par amour, ayant épousé un homme italien. Milan est ma ville d’adoption, je m’y suis vite sentie bien, j’y ai évolué en tant qu’adulte mais surtout en tant qu’artiste. Elle représente une certaine richesse créative, c’est une plaque tournante de l’art, une ville centrale. Sa position géographique est avantageuse au niveau de l’Europe, à tous les points de vue. Je suis heureuse d’y avoir mon centre d’art, que l’on a d’ailleurs rendu 100% durable en 2013 grâce à des travaux. L’exposition permanente One Project One Future, elle, est née en 2017 à l’occasion de la Milan Design Week.

 

anne de carbuccia milan
High Altitude Trash, photographie de l’exposition permanente de Milan, prise au pied de l’Everest en 2016. © oneplanetonefuture.org

 

Une partie de votre famille est originaire de Corse. L’île de beauté a-t-elle joué dans votre évolution artistique ?

Je suis née en Amérique, mais j’ai passé une grande partie de mon enfance en Corse. J’y retourne encore beaucoup aujourd’hui. Je suis très connectée à la nature, proche de l’eau surtout : la Corse, c’est une montagne dans la mer. Cette enfance m’a constituée telle que je suis, et je ne peux pas séparer mes accomplissements artistiques de l’enfant que je fus.

Vos photographies sont très esthétiques, vous insistez sur l’harmonie et la poésie du visuel. Voulez-vous séduire plus que choquer ?

Oui et c’est une des critiques du projet, qualifié de « trop beau » pour sensibiliser correctement. Mais je pense qu’on est beaucoup plus efficaces avec l’art et la beauté plutôt qu’avec des paroles rudes et des images chocs. Mes thématiques, elles, peuvent être choquantes mais explicites, je ne les cache pas et les aborde avec une esthétique exacerbée. Je veux séduire avec mes photos et susciter l’intérêt. Avoir quelque chose à dire c’est bien, quand les gens écoutent c’est mieux. Je prône le changement systémique, je ne suis pas là pour dire qui a tort et qui a raison. Notre civilisation doit devenir protectrice, et cesser d’être prédatrice et destructrice. Voilà mon grand sujet.

anne de carbuccia milan
Le graffiti de Milan, réalisé du 12 au 19 juin, à l’entrée du quartier historique de Lambrate. © Inès Daneluzzo

 

Les memento mori présents dans vos œuvres, le sablier et le crâne humain, représentent ce changement systémique ?

Le sablier est l’un de nos moyens de calculer le temps le plus ancien, la Vanité est un symbole ancestral. J’aime le fait que les artistes l’utilisent autant en Occident qu’en Orient. Beaucoup pensent qu’ils sont symboles de mort à cause de l’influence de l’art contemporain. Or ce sont des symboles de choix et de temps. Nous sommes mortels et avons un choix à faire entre une vie constructive et positive, ou superficielle et vaniteuse. Nous vivons la plus grande phase de transition de l’histoire de l’humanité : sans un changement systémique, qui dépend de nous tous, on aura du mal à s’en sortir et sauver une partie de l’humanité. C’est pour moi une symbolique très appropriée à notre époque.

Votre dénoncez la façon dont la consommation dégrade la planète. Quels sont les réflexes écolos les plus simples à pratiquer ?

On doit refuser le plastique à usage unique. Pas moins d’un million de bouteilles en plastique sont vendues par minute dans le monde, c’est démentiel. Et 92 % ne sont pas recyclées. On doit trouver une alternative qui ne met pas 450 ans à disparaître de la surface de la terre. Il est aussi important de réduire sa consommation de viande rouge. Sans forcément tomber dans l’extrême, il s’agit de consommer moins et mieux, et cela regarde aussi notre santé. Pareil pour le textile, deuxième secteur le plus pollueur au monde… Faisons confiance au progrès et aux entreprises qui insistent sur le traçage des produits, cessons d’acheter des vêtements peu chers mais issus de la sueur et du sang d’autres êtres humains et à composants très polluants. Nous sommes tous concernés.

 

Inès Daneluzzo-Albertini
Publié le 3 juillet 2019, mis à jour le 22 mars 2022

Sujets du moment

Flash infos