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Travail : Les nouveautés apportées par le « Décret Dignité »

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Écrit par Lablaw
Publié le 24 juillet 2018, mis à jour le 27 septembre 2018

Le 14 juillet est entré en vigueur le décret-loi n. 87/2018, connu sous le nom de "Décret Dignité". Son but, selon les déclarations du ministre du Travail Luigi Di Maio : encourager la lutte contre le travail précaire. Analyse des points-clés.


Première réforme économique majeure du nouveau gouvernement italien : le décret dignité, vise notamment à freiner les contrats de travail temporaire et sanctionner les entreprises qui délocalisent.

Le décret introduit ainsi plusieurs changements concernant les CDD : il réduit de 36 à 24 mois la durée maximale des contrats et réintroduit l’obligation d’indiquer dans ces derniers les raisons - strictement prévues par la loi - justifiant le recours à un CDD. L’obligation concerne les contrats d’une durée de plus de 12 mois, le renouvellement ou encore la prolongation des CDD. A noter : ces nouvelles règles seront valables pour les contrats et les renouvellements/extensions stipulés après l’entrée en vigueur du décret.

Des problèmes considérables

Les motifs prévus par ce décret sont très généraux et ambigus, ils se réfèrent à (i) des besoins temporaires et objectifs qui ne font pas partie de l'activité ordinaire des entreprises, ou à la substitution d’autres travailleurs ; (ii) à des exigences liées aux augmentations temporaires, significatives et non programmables des activités ordinaires des entreprises.   
Or, principalement pour les grandes entreprises, il est pratiquement impossible de démontrer de façon incontestable l’existence d'une raison objective venant justifier la nécessité d'embaucher un salarié pour une durée déterminée, pour des périodes supérieures à 12 mois.
Les conséquences sont importantes, d'autant plus que, par une disposition expresse de la loi, la violation de la légitimité des causes implique la conversion du contrat en CDI.
Si après l'introduction de la loi sur l'emploi (Jobs Act) et l'abolition des motifs le nombre de litiges avait considérablement diminué, plusieurs experts craignent que le nombre de différends concernant les CDD explose.

La réintroduction des motifs justifiant les CDD risque en outre de limiter fortement la flexibilité des entreprises en Italie et par conséquent de favoriser l'utilisation du travail au noir.

Toujours dans le but de décourager l'utilisation des contrats à durée déterminée, le décret a réduit les prolongations praticables du CDD de 5 à 4, sans préjudice de la durée maximale de 24 mois, tout en ajoutant un coût de contribution de 0,5 point pour chaque renouvellement ultérieur. Enfin, le délai pour contester - sous peine de forclusion - la validité du contrat à durée déterminée passe de 120 à 180 jours.

Travail intérimaire en question

La nouveauté la plus importante introduite par le décret concerne le travail intérimaire.
Le décret n. 87/2018 a en effet supprimé la référence à l'inapplicabilité aux contrats de travail intérimaire des règles concernant les CDD, constituant l'un des éléments fondamentaux de la loi sur l'emploi (Jobs Act). Aussi, contrat de travail intérimaire et CDD deviennent sujets à la même discipline, hormis pour les dispositions relatives au nombre maximum de contrats et le droit de priorité aux nouvelles embauches.


Ce choix du gouvernement a suscité de nombreuses critiques :

•    Rendre égaux les 2 types de contrats est une erreur macroscopique d'un point de vue technique.  
Le contrat de travail intérimaire est un contrat spécial, dont la seule raison le justifiant était, est et sera (car il ne peut en être autrement) de répondre aux exigences naissant d'un contrat (commercial) pour la fourniture de main d’œuvre signé entre une Agence de travail intérimaire (ATI) et une entreprise utilisatrice. Tant et si bien que, dans le régime précédent de la loi Biagi (et même avant la loi Treu), les motifs étaient prévus pour les contrats commerciaux et non pour les contrats de travail intérimaire.  

•    Du point de vue de l'emploi, cette réforme a des conséquences immédiates graves.
Les motifs prévus par l’application du décret dignité se révèlent incompatibles avec l’activité des ATI. De ce fait, utiliser un travailleur intérimaire, pour une durée supérieure à 12 mois, risque de devenir presque impossible.
Une autre conséquence aberrante concerne la situation des travailleurs ayant déjà eu des contrats de travail intérimaire à terme avec la même ATI pour une durée de 24 mois ou plus. Ces travailleurs, étant donné l'applicabilité à leur relation de travail (art. 19, alinéa 2, du décret-loi n. 81/2015), ne pourront plus être envoyés en mission ni chez le même utilisateur ni auprès d'autres utilisateurs, sous peine de voir leur contrat transformer en temps indéterminé (avec l'ATI).

Et cette prévision semble contraire au ratio de l’institut, aux directives de l'UE et aux principes exprimés par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Cela au motif qu’elle empêche effectivement d’envoyer pour une nouvelle mission des travailleurs qui ont déjà eu des contrats de travail avec les ATI, en les discriminant.

Le décret modifie en outre les règles concernant les licenciements.
En cas de licenciement injustifié, l'indemnisation pour les travailleurs embauchés avec CDI après le 7 mars 2015 augmente de 4 à 6 mois au minimum et de 24 à 36 mois au maximum .
L'indemnité continue cependant à être mesurée en calculant deux mois de salaire pour chaque année de service : le nouveau maximum de 36 mois ne s'appliquera donc qu'aux travailleurs qui atteindront dix-huit ans d'ancienneté.
Le nouveau montant minimum s'appliquera immédiatement à tout travailleur ayant une ancienneté inférieure à trois ans.

Lutte contre la délocalisation

Enfin, pour lutter contre les formes de délocalisation, le décret prévoit que les entreprises ayant reçu des aides publiques de l’État pour leur permettre des investissements productifs en Italie n’auront pas le droit pendant 5 ans de transférer dans des pays hors UE sous peine de subir le retrait de la prestation et de devoir payer une amende administrative allant de 2 à 4 fois le montant de l’aide perçue. En revanche une entreprise ayant bénéficié d’aides de l’État prévoyant des investissements de production dans une zone déterminée perdrait cet avantage dans les 5 ans à compter de la date de conclusion de l’initiative ou de l’achèvement de l’investissement subventionné au cas où l’activité économique (ou une partie de celle-ci) serait transférée en dehors de la zone en question. Les administrations ayant accordé l’aide auront la responsabilité de ce contrôle.

En clair, le décret dignité vient donc effectivement réduire la flexibilité des entreprises italiennes, sans bénéfice évident pour l’emploi. Ces dernières ont par conséquent déjà déclenché l'insatisfaction des associations de catégories d'employeurs, qui exigent plutôt un coût de main-d'œuvre moins élevé et une plus grande flexibilité. Elles voient dans la réduction des contrats à terme et du travail intérimaire un retour à une période d'incertitude, une augmentation des litiges et en fin de compte, une potentielle rechute négative sur l'emploi.

 

Lablaw
Publié le 24 juillet 2018, mis à jour le 27 septembre 2018

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