Depuis la fin des années 80, le tatouage se démocratise en Europe. On ne parle plus de phénomène de mode tant cette pratique connaît un véritable raz-de-marée. A l’occasion de la Tattoo Convention de Milan, analyse de la passion qu’ont les Italiens pour cet art.
Tatoués de la tête au pied, en couleur ou en noir et blanc, tous les styles sont représentés au salon du tatouage de Milan qui a eu lieu du 9 au 11 février. L’effervescence est à son maximum. Normal lorsque l’on considère la passion des Italiens pour cet art. Selon l’Institut Supérieur de la santé, l’Italie compte 7 millions de tatoués. Ce qui représente un chiffre d’affaire global de 100 millions d’euros par an que se partagent environ 30.000 tatoueurs. Autrefois marginalisé, se faire tatouer devient depuis la fin des années 80 un acte banalisé par la mondialisation.
Tattoo mania et influence des médias
Pour les tatoueurs français comme italiens, il existe une raison à l’augmentation du nombre de tatoués : les médias. Silvia, tatoueuse à Milan, note un changement mais qui date de plusieurs années : « Depuis les années 90 les gens ont changé d’avis sur le tatouage, on le doit aux footballeurs, artistes et influenceurs qui en passant à la télévision et dans les magazines donnent plus de visibilité à notre art. Les clients viennent même parfois avec les dessins des tatouages de leurs stars préférées. » Florent Garcia, tatoueur à Toulouse ajoute un autre aspect : « les émissions de télé réalité spéciales sur le tatouage ont aussi donné plus de visibilité à notre métier, à l’image de Ink Master et A la recherche du meilleur tatoueur ».
Business florissant
Et de nombreuses personnes ont vu le moyen de participer au business florissant du tatouage. Et pour cause, seules 90 heures de formation suffisent pour devenir tatoueur. Résultat, les salons se multiplient. En France, dans les années 80, on comptait une vingtaine d’établissements selon l’Ifop, aujourd’hui plus de 3.500 salons sont recensés dans le pays. Mais Florian juge durement cette facilité à devenir tatoueur : « Ces émissions ont apporté le sentiment que tout le monde peut faire notre métier en dessinant sur du papier calque et en recopiant. Les « scratcher » ou les mauvais tatoueurs sont de plus en plus nombreux, ils montent des boutiques ou tatouent chez eux. »
Une passion aussi forte en Italie qu’en France
En France comme en Italie, environ 7 millions sont déjà passés sous les aiguilles, soit respectivement 11,5% des italiens et 10,25% des français.
Et principalement les femmes. 14% des italiennes et 16% des françaises ont succombé à la tattoo-mania selon l’Iss et l’Ifop. Reste que ces dernières préfèrent les symboles minimalistes. Ecritures et petits dessins volent dorénavant la vedette aux dessins tribaux. Car si le tatouage se démocratise, il se veut néanmoins toujours plus discret.
Les jeunes actifs : 65% des tatoués en Italie
Les jeunes actifs de 30 à 45 ans sont devenus la nouvelle cible des salons de tatouages, autrefois fréquentés par les plus jeunes. Ouvriers, hommes en costumes, et même personnes âgées, les artistes voient défiler toutes les générations dans leurs salons. Pour Florent : « l’augmentation du niveau de vie est aussi propice à l’augmentation du nombre de tatoués. » En moyenne, le plus petit des tatouages coûte 70€ et peut en atteindre des milliers.
L’aspect géographique peut-il être pris en compte ? Florian ne voit pas de différence selon les pays : « Le public est le même que ce soit en Italie ou en France et l’engouement similaire. Les mentalités ont surtout évolué au niveau européen mais aussi mondial.»
Quant à Silvia, l’augmentation du nombre de tatoués trouve une justification dans l’Italie elle-même : « Nous sommes dans un pays latin, le culte du corps reste important. Le tatouage est vu comme un accessoire sublimant les corps que nous montrons à la plage pendant l’été. »
Cette année, le salon a accueilli plus de 20.000 visiteurs et 450 artistes. Malgré cet énorme succès, il faut noter l’augmentation du phénomène du détatouage. Un sondage de 2013 annonce que 40% des Italiens tatoués regrettent leur geste et souhaiteraient y remédier.