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Italie : Comprendre "l’Affaire Cospito" en cinq points

barreaux d'une prisonbarreaux d'une prison
Écrit par Lepetitjournal Milan
Publié le 5 février 2023, mis à jour le 5 février 2023

La question d'Alfredo Cospito, l'anarchiste actuellement incarcéré à la prison d'Opéra près de Milan, sous le régime spécial habituellement réservé aux membres de la mafia, est devenue en quelques semaines une affaire qui inquiète la politique et risque de porter atteinte à la paix sociale.

 

Qui est Alfredo Cospito, anarchiste italien emprisonné sous le régime carcéral sévère ?

Âgé de 55 ans, Alfredo Cospito a entamé une grève de la faim le 20 octobre dernier pour protester contre le régime carcéral sévère auquel il est soumis depuis le printemps 2022. Lundi 30 janvier, il a été transféré du quartier de haute sécurité de la prison de Sassari (Sardaigne) vers un établissement pénitentiaire de Milan, où il pourra être soigné. Il pèse 73 kilos contre 118 auparavant (pour 1,95 mètres), et refuse tout complément alimentaire.
Il est considéré comme le chef de la Fédération anarchiste informelle (FAI), un mouvement composé de divers groupes voués à l'intimidation armée révolutionnaire et considéré par les enquêteurs italiens comme une association criminelle à des fins terroristes.

Il a reçu une première condamnation à 11 ans de prison en 2014, pour avoir tiré dans les jambes du directeur général d'une entreprise d'énergie nucléaire.
Il a ensuite été condamné à une autre peine de 20 ans pour avoir posé deux bombes artisanales devant une caserne de police en 2006. L’attentat n’a provoqué aucun mort ni blessé. En 2022, après six ans de détention, à la demande du procureur général, la Cour de cassation a décidé que Cospito devait être jugé pour "crime contre la sécurité de l’Etat". La peine qu’il encourt n’est plus de 20 ans mais est ainsi portée à la réclusion à perpétuité.
En mai 2022, Alfredo Cospito a été condamné à 4 ans de détention sous le régime de détention sévère connu sous le nom de 41-bis, au motif qu'il maintenait depuis la prison des contacts avec les anarchistes. Il s’agit du premier anarchiste à être emprisonné sous ce régime particulièrement dur.
Récemment, en décembre dernier, un tribunal de Rome a rejeté un recours déposé par les avocats de Cospito visant à révoquer le 41-bis. La Cour de cassation a été saisie d'un nouvel appel. L'audience qui devait avoir lieu en avril a été anticipée au 7 mars 2023.

 

Qu’est-ce que le régime de détention sévère, connu sous le nom de "41-bis" ?

Le régime 41 bis est né en 1986. Il ne concerne dans un premier temps que les situations d'urgence dans les prisons (par exemple en cas d'émeutes) et prévoit la suspension de l'application « des règles normales de traitement des détenus ». Le régime est étendu aux prisonniers mafieux en 1992, à la suite des attentats qui ont causé la mort du juge Giovanni Falcone, de sa femme et des hommes de son escorte. Le décret, qui suscite initialement des doutes de constitutionnalité, vise à empêcher les boss détenus d'avoir des contacts avec la famille, et continuer à commander et à donner des ordres. Le but est également d’inciter les prisonniers à collaborer, et devenir ainsi des "repentis". Le régime peut également être appliqué aux crimes violents et au terrorisme.
La détention sévère prévoit l’isolement, une courte visite par mois avec les membres de la famille proche (sans contact, derrière une paroi en verre), ou encore la suspension de la rééducation. Il interdit par ailleurs tout livres et journaux provenant de l’extérieur.
La Cour européenne des droits de l'homme ainsi que la Cour constitutionnelle italienne ont demandé quelques modifications du 41-bis. Parmi elles, l'interdiction de la censure de la correspondance entre détenus et avocats et l'autorisation pour les détenus de cuisiner dans leur cellule.
Près de 750 personnes sont aujourd’hui incarcérées sous le régime de détention sévère en Italie, connu sous le nom de "41-bis".


Quelle ampleur prend la mobilisation de la mouvance anarchique qui s’est réveillée au nom d’Alfredo Cospito ?

La grève de la faim de Cospito a poussé les différentes cellules anarchiques présentes en Italie à se mobiliser ensemble, alors qu’elles étaient jusqu’alors plutôt habituées à agir de manière autonome.
Depuis une semaine, la mouvance multiplie les rassemblements en Italie comme en Europe. Le 8 décembre déjà, un groupe anarchique a revendiqué une attaque incendiaire contre le véhicule d’une fonctionnaire de l’ambassade italienne à Athènes. Le consulat d'Italie à Barcelone a quant à lui été vandalisé il y a 10 jours, à Berlin la voiture d'un diplomate a été incendiée, alors qu’un cocktail Molotov a été lancé contre un poste de police de Rome. La tension monte au rythme des manifestations organisées à Milan, Bologne, Pise, Rome, à l’Aquila ou encore à Opera, où se trouve la prison où est incarcéré Alfredo Cospito.
Face à l’intensification des rassemblements, trois personnages politiques ont été placés sous escorte policière.

 

La relance du débat public sur les peines de prison sévères.

Alors qu’Amnesty Italie a demandé « que le régime de détention spéciale appliqué à Alfredo Cospito prenne immédiatement fin […] pour garantir sa sécurité physique et psychologique », plusieurs personnalités se sont prononcées en ce sens, de l’artiste italien Zerocalcare à Luigi Manconi, ancien président de la Commission des droits humains au Sénat.
Mais le ministre de la Justice Carlo Nordio a rappelé que même si "la protection de la santé de chaque détenu est une priorité absolue", le détenu "reste soumis au régime pénitentiaire spécial visé à l'article 41bis"."Il est impensable que l'État cède", a-t-il ajouté.

C’est bien la justice qui tranchera sur le futur régime pénitentiaire de Cospito, comme l’a rappelé le ministre italien : « dans le plein respect de l'indépendance d'appréciation de l'autorité judiciaire elle-même, la Cour de cassation est appelée à se prononcer en la matière en mars prochain ». La décision sur l'appel présenté par les avocats de Cospito est attendu pour le 7 mars.

 

Pourquoi l’affaire Cospito a-t-elle enflammé la politique dans une bataille féroce ?

Pendant ce temps, au Parlement, le député Giovanni Donzelli, très fidèle de la Cheffe du gouvernement Giorgia Meloni, a durement attaqué le Parti démocrate (PD) mardi dernier. En effet, quatre députés démocrates étaient allés en prison rendre visite à Alfredo Cospito pour s'assurer de son état de santé. Or selon Giovanni Donzelli, vice-président du Copasir (Comité parlementaire pour la sécurité de la République), cette visite aurait « encouragé » le rapprochement des anarchistes et des mafieux qui complotent pour modifier le 41bis, en faisant référence à des « interceptions » en prison.
La bagarre éclate aussitôt. Le Parti démocrate a demandé au parlementaire de Fratelli d’Italia de démissionner de ses fonctions de vice-président du Copasir car, selon eux, il aurait révélé des informations couvertes par le secret à des fins politiques.
De Berlin où elle était en visite vendredi, la présidente du Conseil des Ministres Giorgia Meloni a appelé à « plus de responsabilité » face aux « menaces des anarchistes » porté à l’Etat italien.

lepetitjournal.com Milan
Publié le 5 février 2023, mis à jour le 5 février 2023

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