Seul établissement français d'Espagne à proposer un parcours NSI (Numérique & Sciences Informatiques), le Lycée Molière de Madrid participe cette année à La Nuit du Code. Les élèves de la Sixième à la Seconde disposait vendredi de quelques heures, pour programmer un jeu sur Scratch. Reportage.
Lancée par le Lycée de français de Taipei, l'initiative rassemble une cinquantaine d'établissements dans le monde, dont un seul en Espagne, le Lycée Molière, à Villanueva de la Cañada, dans l'ouest madrilène. Sans surprise, d'ailleurs : depuis trois ans désormais, avec l'appui de la Mission Laïque française, le pari a été fait d'impliquer l'ensemble des acteurs dans la démarche numérique, avec une véritable réflexion tourant autour de la citoyenneté à la clé. Pour Valérie Servissolle, la proviseure de l'établissement, moteur dans ce projet et en passe de clore sa dernière année à la tête du lycée, il s'agit de préparer les élèves à "des enjeux sociétaux de plus en plus prégnants". L'année prochaine toutes les classes allant de la Cinquième à la Terminale disposeront de Chrome book, et le Primaire devrait suivre dans la foulée. L'objectif de Molière, en équipant l'ensemble des classes en matériel informatique n'est cependant pas seulement de préparer les enfants aux métiers de demain, mais aussi de les accompagner dans l'apropriation citoyenne d'un outil que notre société rend de plus en plus accessible, sans systématiquement permettre d'en définir clairement les limites, les risques ou les bénéfices.
Sous la houlette de François Boyer, professeur de NSI, de David Prieto, professeur de mathématiques et d'Enrique Perales, professeur d'arts et informatique, tous trois référents sur la question du numérique au sein de l'établissement, quelque 25 élèves réunis en équipes de 2 ou 3 programmeurs étaient vendredi dernier regroupés au sein du CDI, pour participer à la version la plus ludique de cette stratégie numérique. "Si la principale motivation de la Nuit du code, c'est le jeu", reconnaît Valérie Servissolle, "l'objectif n'en reste pas moins de valoriser le numérique et la citoyenneté numérique, en créant des liens et en bâtissant des ponts au sein de l'établissement". De fait tous les élèves de Molière auront l'opportunité de découvrir le travail réalisé par les participants. Au cours de la semaine, les jeux réalisés en quelques heures seront mis à disposition des jeunes joueurs en herbe qui souhaiteront les tester. Un formulaire de vote en ligne, développé par les élèves, avec les problèmatiques dignes d'une élection des Français de l'étranger (attention aux tricheurs et aux risques de piratage !) leur permettra ensuite d'élire le jeu remportant le plus grand succès et qui représentera Molière dans le concours international, initié à Taipei.
Sophie, Alicia et Selena, toutes trois élèves de Sixième, ont constitué une équipe 100% féminine, avec comme objectif de découvrir un peu plus les plaisirs de la programmation. "Plus tard j'aimerais bien faire des jeux pour Nitendo", explique la plus accros des trois, qui avoue au passage passer 1 heure par jour sur sa console. Tous les élèves ont en tous cas en amont eu accès à une série d'ateliers portant sur Scratch, un langage de programmation graphique très facilement manipulable, développé spécialement pour les plus jeunes. À la maison, ils sont plusieurs à s'être investis dans la création de programmes et de jeux, avec plus ou moins d'ambition. Andrés, qui participe avec ses comparses de Troisième Rodrigo et Manoel, est en la matière un "crack". "Je fais aussi de la programmation conventionelle, sur Java script ou html", raconte-t-il. Son équipe espère bien représenter les couleurs de Molière et s'est répartie les tâches pour crér un "platformer" -ou "jeu de plateforme" pour la génération X. Tandis que le premier travaille sur "le mouvement, la gravité et la mécanique", le deuxième prépare la musique et le troisième définit les différents niveaux de difficulté. À la fin de chaque niveau, un combat avec un "boss", entendez un monstre, devrait permettre de changer de décor. "On est en train de faire les bases", expliquent les trois amis, "il faut que les fondations soient solides pour continuer à faire le reste".
La pandémie, il faut arrêter d'en faire un problème
Une maxime que la proviseure de Molière aurait pu s'approprier. Pour Valérie Servissolle, "les enfants doivent acquérir la maîtrise du monde dans lequel ils vivent, au lieu d'en être les otages". Après un an de pandémie, la cheffe d'établissement peut en tous cas se vanter d'avoir su maintenir les projets, en dépit des difficultés, mais aussi d'en avoir développer de nouveaux, en surfant sur les contraintes dérivées des restrictions sanitaires. "On a appris à faire du lein avec autrui et à casser les murs, sans sortir de l'établissement", avance-t-elle. Visites virtuelles de monuments parisiens, participant à des conférences organisées "à l'autre bout du monde", exercice de correspondance avec des élèves de Rodez ou ateliers de découverte de jeux avec des collègiens de Dijon sont autant d'initiatives qui n'existaient pas avant le Covid, et que l'usage de l'outil virtuel ont rendu possible. "Tout est question de posture", tranche la proviseure. "Et de toutes façons, il n'y a pas le choix, c'est une question de survie. La pandémie, il faut arrêter d'en faire un problème, et chercher les poches de respiration qui existent à l'intérieur de cette situation".