Avis aux Français fraîchement débarqués à Madrid : entre le bruit des bars, les repas à 14h et les conversations qui finissent tard dans la nuit, la capitale espagnole a ses codes. Pour s’y adapter sans perdre le sourire (ni son calme), voici dix commandements pleins d’humour et de bienveillance pour survivre — et surtout s’épanouir — dans la vie madrilène.


Dans les rues de Madrid, on assiste ces derniers temps à un phénomène étrange. Dans le centre comme dans le métro — où la récente congestion rappelle celle du réseau parisien — on entend de plus en plus de monde… parler français !
Au début, j’ai voulu croire naïvement qu’il ne s’agissait que de touristes. Il est vrai que Madrid a connu en 2025 un essor international remarquable : le monde semble avoir enfin découvert que, même sans plage comme à Barcelone, la capitale espagnole regorge de richesses culturelles et mérite qu’on s’y arrête.
Mais j’ai dû me rendre à l’évidence : il ne s’agissait pas de touristes, mais de nouveaux expats. Car oui, à force de vivre à l’étranger, on développe l’étrange faculté de savoir différencier un touriste d’un expatrié.
Mes soupçons ont été confirmés au bureau, lorsque plusieurs de mes collègues ont évoqué la vuelta al cole — la rentrée des classes — en mentionnant la présence de nouveaux élèves français. C’est donc officiel : les Français ont pris Madrid d’assaut. Et ce n’est pas moi qui vais les en dissuader. Mais pour garantir une adaptation harmonieuse, voici selon moi, les dix commandements pour une vie harmonieuse en Espagne.
1. De patience tu feras preuve
Message adressé plus particulièrement aux Parisiens fraîchement débarqués (et en tant que Parisienne, je peux me le permettre). Admettons-le : un rien nous irrite — la météo, le bruit, le trafic, les transports bondés. Madrid est certes une capitale, mais à taille humaine. Elle peut donc être saturée à tous les niveaux, surtout lorsqu’une ligne de métro est en travaux et perturbe tout le réseau. Un conseil : relax. Il y a des jours avec et des jours sans, mais rien d’insurmontable.

2. Du bruit tu t’accommoderas
S’installer à Madrid, c’est aussi prendre un coup niveau décibels. Soyons honnêtes : les Espagnols parlent fort. Tout semble bruyant — les sorties de bar en pleine semaine, les sirènes d’ambulances sur Gran Vía, ou encore les camions-poubelles qui passent vers 1h du matin. Quant au voisinage, c’est au petit bonheur la chance. Bref, vivre en Espagne, c’est sacrifier un peu de silence, mais ce brouhaha finit curieusement par nous bercer. C’est aussi ça, la joie de vivre espagnole !

3. L’espagnol tu apprendras
Je m’adresse à tous les réfractaires aux langues étrangères qui pensent que baragouiner quelques mots d’anglais ou d'espagnol rendra optimale leur expatriation en Espagne. Désolée de vous l’annoncer, même si cela peut vous contenter temporairement, c’est nettement insuffisant.
Premièrement, car bien que Madrid soit devenue une ville de plus en plus internationale, peu de personnes maîtrisent réellement l’anglais — toutes générations confondues.
Deuxièmement, parce que ne pas apprendre la langue du pays dans lequel on choisit de s’installer, c’est passer à côté d’une formidable opportunité et risquer de rester enfermé dans une bulle d’expats qui ne vivent qu’entre eux. Et même après plusieurs années, certains ne parlent toujours pas espagnol (Allemands et Britanniques, on vous voit aussi). J’ai d’ailleurs rencontré récemment une personne vivant à Madrid depuis six ans… sans parler un traître mot d’espagnol. Quel gâchis !
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Enfin, l’espagnol est une langue relativement simple à apprendre. Langue latine, elle est par essence accessible aux francophones. Le français étant sans doute la langue latine la plus complexe, l’espagnol paraît presque anecdotique en comparaison. Il suffit de s’entraîner un peu à rouler les r et à prononcer la jota. Sur ce point, je ne jugerai personne : d’origine marocaine, j’avais moi-même du mal, enfant, à reproduire ces sons en arabe. Et puis, un beau jour, tout s’est débloqué ! Je suis donc la preuve vivante que les miracles existent.
Mais au fond, peu importe la perfection de la prononciation ou la présence d’un accent : ce qui compte vraiment, c’est la fluidité de la langue. (Et je parle ici avec ma casquette de responsable recrutement).
4. Le français des autres tu ne corrigeras point
Ceci est en lien direct avec le conseil précédent. Lorsqu’on apprend une langue étrangère, on réalise vite qu’on ne sera jamais totalement natif dans cette langue. Les erreurs de grammaire, les tournures maladroites, les petits mots français qui s’invitent par réflexe… tout cela fait partie du processus, et cela nous rend plus humbles.
Heureusement, les Espagnols sont bienveillants : ils ne se moqueront pas et ne chercheront pas à vous corriger mot pour mot. Le Français, en revanche, a cette manie bien connue de relever la moindre faute, sans jamais rien laisser passer — qu’il s’agisse d’une erreur d’accord ou d’une prononciation approximative de la langue de Molière.
Un exemple récent : j’étais dans une boulangerie-cafétéria d’inspiration française, dans le quartier de Ríos Rosas. Un couple de Français entre. Le mari, ravi, s’étonne de trouver du kouign-amann, cette douceur typique de Bretagne. Il entame une conversation sympathique avec la vendeuse, puis remarque une faute sur l’étiquette du croissant, écrit “croissant parisienne”. Et là, il lâche, avec un petit sourire : « Ce n’est pas parisienne, mais parisien. Ce n’est donc pas vraiment une boulangerie française. » Même dit avec ironie, ce genre de remarque peut blesser.
Une amie uruguayenne me demandait récemment : « Pourquoi les Français ressentent-ils toujours le besoin de tout corriger ? » Je cherche encore la réponse — quelque part entre arrogance et psychorigidité, sans doute. Quoi qu’il en soit, il va falloir apprendre à se retenir un peu… et à faire preuve de plus de bienveillance et d’indulgence.
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5. Des amis hispanophones tu te feras
Même lorsqu’elle est choisie, une expatriation se construit — et l’une des clés de la réussite, c’est de s’immerger dans la culture locale. Le meilleur moyen pour y parvenir ? Se faire des amis natifs.

Madrid, comme beaucoup de grandes villes espagnoles, est un véritable melting-pot : des Madrilènes de toda la vida, des provinciaux venus étudier ici, des Latino-Américains installés depuis plusieurs années… Peu importe vos affinités, l’essentiel est de côtoyer des hispanophones, d’échanger, de partager leur quotidien.
C’est en pratiquant la langue et en discutant avec les locaux qu’on comprend réellement un pays, sa culture, ses codes, mais aussi ses contradictions — car aucun endroit n’est parfait.
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6. Au rythme espagnol tu t’adapteras
Au-delà du bruit auquel il faut s’habituer, il est indispensable d’adopter le rythme espagnol. Curieusement, les Espagnols sont à la fois matinaux et couche-tard — un vrai mystère pour qui découvre leur mode de vie. Cette habitude semble même ancrée dès la naissance : ils peuvent sortir tard en semaine et arriver le lendemain matin au bureau, impeccablement frais. J’ai testé une fois… et j’ai mis plusieurs jours à m’en remettre. Sur ce point, pas de règle absolue : à chacun de trouver son propre équilibre entre horloge biologique et effort d’intégration. Un conseil tout de même : habituez-vous aux repas vers 14h. Tout est question d’adaptation — et un peu de parcimonie.
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7. La queue tu feras
Leçon de civisme : en Espagne, le respect de la file d’attente relève presque de la religion.
Peu importe le lieu — à la montée du bus, au marché ou devant la dernière boutique tendance de la calle Fuencarral — chacun attend patiemment son tour. Les Espagnols font preuve d’une patience qui force l’admiration. Et si, par malheur, vous tentez de feindre l’ignorance pour griller la file, on ne manquera pas de vous le faire remarquer… gentiment, mais fermement. Vous voilà prévenus.

8. Des plats tu partageras
En France, comme en Allemagne, chacun garde précieusement son assiette.
En Espagne, c’est tout le contraire : on aime le partage et la convivialité. Il est donc très courant de commander plusieurs plats à mettre au centre de la table, même lorsqu’il ne s’agit pas de tapas.Et je dois l’avouer, on s’y fait très vite. L’avantage ? On goûte à tout, on découvre davantage de saveurs… bref, un compromis idéal entre curiosité et gourmandise.
9. Au foot tu t’intéresseras
L’Espagne, cette terre de footeux ! Tandis qu’en France la rivalité OM–PSG enflamme les réseaux, ici, toutes les équipes participent au débat. Certes, les clásicos et les derbys attirent toute l’attention, mais la ferveur dépasse largement ces affrontements : chaque club, petit ou grand, compte ses fidèles.
Le football en Espagne, c’est une affaire d’identité et d’héritage familial. On est supporter de l’Atlético, du Real ou du Bétis de génération en génération — des grands-parents aux petits-enfants. Et gare à celui qui oserait trahir la tradition pour une autre équipe : ici, c’est presque un sacrilège.
En tant que footeuse moi-même, je suis comblée : entre la Liga — bien plus palpitante que le championnat français (désolée pour les puristes) — et la Ligue des champions, où les équipes espagnoles brillent souvent, il y a de quoi se régaler. Mais rassurez-vous, tout le monde n’est pas obsédé par le ballon rond. Il suffit simplement d’éviter de froisser les sensibilités… et vous serez tranquilles.
10. De Madrid tu t’émerveilleras
Chaque ville a ses qualités et ses défauts, même celle que l’on choisit pour y poser ses valises. Vivre quelque part, y construire une routine, offre une perspective bien différente de celle du simple touriste de passage.

Alors oui, un été à Madrid peut virer à l’épreuve de force tant la chaleur y est écrasante. Mais c’est aussi la saison où la ville vibre le plus : festivals, concerts, expositions... l’offre culturelle est foisonnante. Et même si Madrid semble perpétuellement en travaux — un chantier sans fin —, on finit toujours par trouver du charme à ce joyeux désordre.
À chaque inconvénient répond un contrepoids, à chaque frustration, une découverte. Certains ne feront qu’y passer, d’autres s’y ancreront durablement. Mais lorsque le besoin de râler reprendra le dessus, souvenez-vous simplement de ce qui vous a donné envie, un jour, de venir vivre ici.
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