Édition internationale

Pourquoi les Espagnols boudent-ils les Français ?

À travers une anecdote du quotidien, Leila Ajjarif, Française expatriée à Madrid, s’interroge sur la perception que les Espagnols ont de ses compatriotes, et notamment sur cette fameuse "arrogance" souvent évoquée en Espagne. Entre introspection, clichés culturels et invitation à ralentir, elle nous livre un regard personnel, tendre et critique sur ce que l’on emporte de France quand on vit ailleurs.

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Écrit par Leila Ajjarif
Publié le 26 juin 2025, mis à jour le 3 juillet 2025

Tout est parti d’une conversation banale avec mes collègues espagnols, un midi — enfin, un midi espagnol, c’est-à-dire 14h. Sur le ton de l’humour, je lance : "C’est mon côté français arrogant qui ressort." Et là, un collègue me demande, mi-sérieux, mi-amusé : "À ton avis, pourquoi les Français sont-ils si arrogants ?"

Cette remarque m’a laissée pensive. Car derrière la plaisanterie se cache une forme de vérité que je ressens parfois moi-même. Et peut-être que ce sentiment s’intensifie lorsque l’on vit à l’étranger, loin de ses repères.

Je n’ai aucune envie de jouer les Françaises de l’étranger donneuses de leçons. Ce que je cherche, c’est à porter un regard critique — mais toujours bienveillant — sur cette identité que je transporte avec moi. Contrairement à ce que suggérait un ancien président avec son fameux "La France, on l’aime ou on la quitte", je crois qu’on ne la quitte jamais vraiment. Elle est en nous. Une racine profonde à laquelle on s'agrippe, parfois sans s’en rendre compte.

 

 

Ce que les Espagnols reprochent aux Français

Mais revenons à cette fameuse question : qu’est-ce que les Espagnols peuvent bien reprocher aux Français ?

Je commencerais par un exemple classique. Qui n’a jamais entendu l’anecdote de touristes, pourtant francophones, se faisant reprendre sèchement par une boulangère parisienne parce qu’ils n’ont pas utilisé le bon mot, le bon accent ou la bonne tournure ? Cette scène illustre une première critique fréquente : ce besoin très français de corriger l’autre, plutôt que de saluer l’effort. Ce réflexe, qui peut partir d’un bon fond, passe souvent pour de l’arrogance.

Autre trait souvent évoqué : l’impatience, ce rythme effréné que les Espagnols regardent avec une certaine horreur. Je me souviens encore, il y a quatre ans, à mon arrivée à Madrid, avoir été surprise quand une amie espagnole m’a confié que sa ville lui semblait stressante. Moi qui venais de Paris, j’avais du mal à y croire ! Le stress parisien forge une résistance presque pathologique à l’agitation.

Et pourtant… Bien qu’à Madrid on abuse volontiers du klaxon et que la conduite y soit parfois hasardeuse, je dois reconnaître une chose aux Madrilènes : leur patience. Dans les files d’attente, même interminables — devant une boutique, un concert, ou pour monter dans un bus —, leur civisme m’impressionne.

 

Ce que les Espagnols admirent chez nous

Mais que les choses soient claires : malgré ces critiques, la France inspire. Sa gastronomie, sa culture, sont souvent citées avec admiration. Mais aussi, et cela m’émeut, notre capacité à défendre nos idées, à manifester, à exercer notre droit de grève. Ce pan de notre identité est vu ici avec respect.

Et si, derrière ces douces critiques, se cachait une invitation ? Une incitation discrète à ralentir, à vivre autrement ? Je suis tombée récemment sur une phrase qui m’a marquée :

« No se trata de perder el tiempo, sino de perder la prisa. » Autrement dit : Il ne s’agit pas de perdre son temps, mais de perdre l’empressement.

Peut-être que les Espagnols sont, pour nous Français, un cousin bienveillant. Celui qui nous montre, sans forcer, que la vie peut être plus douce quand on prend le temps.

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