À l’approche du 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, l’association hispano-française Mujeres Avenir a réuni, le 17 novembre à l’Institut Français de Madrid, cinq diplomates en poste dans la capitale espagnole pour une conférence internationale consacrée aux multiples formes de violence sexuelle. Intitulée "La violence sexuelle sous ses multiples formes : un regard international pour sensibiliser et agir", cette rencontre a rassemblé les intervenantes autour d’un constat alarmant partagé par tous les pays représentés.


En ouverture, la présidente exécutive de Mujeres Avenir, Rebeca Ávila, a rappelé que la violence sexuelle demeure "une grave violation des droits humains et un problème structurel" touchant femmes et filles dans le monde entier. Les chiffres confirment l’ampleur d’un phénomène souvent silencieux : selon les données internationales, une femme sur trois a déjà subi des violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie, tandis qu’une sur cinq a été victime de son partenaire au cours de l’année écoulée.
La France et l’Espagne illustrent tragiquement cette réalité. En France, les autorités ont recensé en 2023 plus de 114.000 victimes de violences sexuelles, majoritairement des femmes, et les enquêtes de victimisation estiment que moins de 2 % des victimes hors cadre familial portent plainte. En Espagne, la situation est tout aussi préoccupante : l’année 2023 a enregistré 21.825 délits contre la liberté sexuelle, dont près de 90 % de victimes féminines. Plus inquiétant encore, 42 % d’entre elles étaient mineures. À ces données s’ajoute un coût économique vertigineux : la violence de genre et sexuelle représenterait environ 5 milliards d’euros par an, soit 0,37 % du PIB espagnol.
La Consule générale détaille les mesures mises en place en France
C’est dans ce contexte que se sont exprimées cinq figures du corps consulaire, toutes femmes, offrant une vision internationale de la lutte contre la violence sexuelle. La Consule générale de France à Madrid, Nathalie Berthy, a marqué la conférence par une intervention dense et précise. Elle a expliqué l’évolution législative française qui fait désormais de l’outrage sexiste un délit passible d’amendes allant jusqu’à 3.700 euros. Elle a évoqué les quelque 3.200 infractions traitées en 2024, en légère baisse par rapport à 2023, et a présenté le "Plan National Angela", une initiative française destinée à lutter contre le harcèlement de rue à travers la prévention, la formation et une mobilisation élargie des lieux publics partenaires. Son intervention a permis de souligner l’importance d’une réponse juridique ferme, conjuguée à des outils de sensibilisation accessibles à toutes et tous.

Les autres représentantes ont, chacune à leur manière, éclairé d’autres facettes du problème. La conseillère de l’Ambassade de Turquie, Gizem Sen, a évoqué le poids du harcèlement professionnel et les stigmates qui empêchent les victimes de se manifester, dans un contexte où une femme sur quatre en Turquie déclare avoir subi des comportements abusifs au travail. La diplomate a particulièrement souligné l’importance du cadre juridique de protection et des mécanismes de dépôt de plainte disponibles en Turquie, en expliquant que le pays a renforcé ces dernières années ses instruments juridiques, ses voies formelles de réclamation ainsi que les protocoles d’action obligatoires au sein des entreprises et des institutions.
La Consule générale de Colombie, Mónica Dimaté, a mis en lumière l’usage de la violence sexuelle comme arme de guerre, rappelant l’existence de dispositifs colombiens d’accompagnement et de réparation partout dans le monde, y compris pour les victimes déplacées. La conseillère marocaine Loubna Totouh a insisté sur la montée des violences numériques, qui touchent près d’un million et demi de femmes au Maroc, et a présenté le travail croissant des cellules d’écoute et d’aide. Enfin, l’agente consulaire de l’Équateur, Daniela Malo, a attiré l’attention sur la violence sexuelle intrafamiliale, souvent invisible, soulignant la nécessité d’une transformation culturelle profonde pour la combattre efficacement.
L'expérience d'une Commandante de la Guardia Civil
La qualité de la table ronde doit enfin beaucoup à sa modératrice, María José Garrido, psychologue experte en violence de genre et Commandante de la Guardia Civil, intervenante fidèle sur les conférences de l'association. Forte d’une double expertise scientifique et opérationnelle, elle a enrichi les échanges par des exemples concrets issus de son expérience de terrain, sa connaissance fine des mécanismes psychologiques de la violence, mais aussi des obstacles institutionnels ou sociaux auxquels se heurtent les victimes, permettant d’ancrer les interventions diplomatiques dans une réalité vécue. Engagée de longue date dans la lutte contre les violences faites aux femmes et membre active de Mujeres Avenir, la Commandante a su guider la discussion avec rigueur, empathie et une grande maîtrise du sujet.
Depuis sa création, Mujeres Avenir s’efforce de favoriser la visibilité et la solidarité entre femmes professionnelles des deux pays, s’appuyant sur un bureau composé exclusivement de femmes issues des secteurs diplomatique, entrepreneurial et associatif. À quelques jours du 25 novembre, cette rencontre à Madrid rappelle que la lutte contre la violence sexuelle exige non seulement des lois et des politiques publiques ambitieuses, mais également une prise de conscience globale, incarnée ici par des femmes engagées, expertes et déterminées.
Sur le même sujet













