Madrid avance à contre-courant des grandes capitales européennes dans la lutte contre le Covid. Elle est la seule ville où musées, cinémas, théâtres mais aussi bars et restaurants restent ouverts. C'est pourquoi de nombreux touristes, notamment français, débarquent à Madrid, attirés par cet oasis de libertés.
Madrid peut se targuer d’être devenue la capitale européenne dont la vie culturelle est la plus active. Alors qu'une grande partie de l'Europe vit au ralenti pour essayer de juguler le fléau du virus et impose pour cela de sévères restrictions sociales et de mobilité, la capitale espagnole a opté pour des mesures beaucoup plus souples.
La presse française a réalisé ces dernières semaines de nombreux reportages sur ce contraste de la vie à Madrid. Résultat : la capitale espagnole s'est rapidement remplie de touristes français cherchant à fuir, le temps d’un week-end, les restrictions en France, et retrouver un peu de la vie "d’avant", ne serait-ce que s’assoir à une terrasse pour boire une bière. Un rêve d’autant plus facile à réaliser que les compagnies aériennes ont vite flairer le filon en proposant des billets très bon marché : un voyage Paris-Madrid coûte entre 70 et 150 euros aller-retour.
Nieves Ugalge Brochon, Guide touristique à Madrid a constaté ce retour des Français, même s’il est encore bien timide. Rappelons que Madrid a perdu en un an 90% de ses touristes français. "Pendant les vacances de février -affirme-t-elle- c’est vrai qu’il y avait beaucoup de monde dans le centre, les bars étaient remplis et on n’entendait parler que français sur la Plaza Mayor. Il y avait énormément de familles. Il y a eu beaucoup plus de visites au Prado, au Reina Sofia et au Palais Royal ; en revanche, toujours pas de visites guidées. Vivement Pâques !".
On est venus à Madrid parce qu’ici, tout est ouvert
Comme l’explique très clairement Sophie, une touriste nantaise, rencontrée à la sortie du Prado : "Notre PCR négatif sous le bras, on est venus à Madrid parce qu’ici, tout est ouvert. On fait tout ce qu'on ne peut pas faire chez nous : assister à des spectacles, aller au musée, manger au restaurant et s'asseoir à une terrasse de café. Bref, on revit !". Sophie, qui ne connaissait pas l’Espagne, a été visiblement surprise de voir que tout le monde se déplace ici avec son masque : "Les gens sont beaucoup plus disciplinés qu’en France".
Plus loin, les terrasses sont pleines. Quelques tables sont occupées par des Français. Certains sont des étudiants Erasmus et d'autres sont venus rendre visite à des amis. "J’ai bien fait de choisir Madrid pour y continuer mes études -explique Anna -. A l’heure qu’il est, si j’étais en France, je devrais être confinée chez moi. Quand je raconte à mes copains de Paris que je suis assise au soleil, à une terrasse de café après être allée au cinéma, ils n’en reviennent pas, et n’ont qu’une envie, c’est de me rejoindre !"
Cependant, ces mesures moins restrictives, voire laxistes, ont également attiré une jeunesse française bien décidée à faire la "fiesta" et, même si ces "touristes" des loisirs nocturnes sont les moins nombreux, ce sont malheureusement ceux qui ont fait le plus de bruit dans la presse espagnole et sur les réseaux sociaux, en particulier suite à l’intervention de la police municipale de Madrid dans des fêtes illégales (pas moins de 400 le week-end dernier !) où se trouvaient ces quelques Français irresponsables.
En Europe, la culture est sans nul doute l'un des secteurs les plus touchés par la pandémie. Pourtant, la majorité des infections (plus des 2/3) se produisent dans des réunions familiales et entre amis, et non dans des lieux publics. Pour permettre au secteur de la culture une rapide réouverture, la Communauté de Madrid avait lancé dès le mois de mai 2020 une campagne avec le slogan "La culture est sûre" pour sensibiliser les gens à l'utilisation des masques et autres précautions dans les théâtres, comme la prise de température, les entrées et sorties ordonnées par rangées ou l'utilisation de gels hydroalcooliques.
Le Teatros del Canal a été le premier théâtre en Espagne et l'un des premiers en Europe à rouvrir ses portes le 17 juin, suivi du Teatro Real le 1er juillet. Madrid a par la suite encouragé les théâtres privés à reprendre leur activité en leur accordant une aide de deux millions d'euros sous forme de sponsor. Et c’est ainsi qu’ont rouvert 41 théâtres et 10 salles de musique. Certains artistes français, découragés par la situation dans l'Hexagone, ont même décidé de faire le déplacement au sud des Pyrénées, quitte à présenter leurs spectacles en français à une minorité de la population : c'est le cas notamment des artistes de stand-up, qui organisent plusieurs rdv en Espagne cet hiver.
En revanche, certains n'ont pas pu tenir le coup. C’est le cas du monde du flamenco qui paie très cher la pandémie, puisque pas moins de 70% de sa clientèle vient de l’étranger. Le tablao Villa Rosa, le plus ancien de Madrid fondé en 1911, a fermé définitivement ses portes après un an sans revenus, tout comme Casa Patas et le Café de Chinitas.
Le tourisme français a eu un effet positif non seulement sur l’économie madrilène
Le tourisme français a eu un effet positif non seulement sur l’économie madrilène (Selon les données de l'INE, 90 % des touristes français passent entre quatre et sept nuits dans la région), mais aussi et surtout espagnole. En effet, depuis le mois de juin, date de la réouverture des frontières, même si le nombre de touristes français a chuté de près de 90% en un an, ces derniers choisissent désormais en priorité l’Espagne pour leurs vacances à l’étranger. Il y a encore un an, la France représentait le troisième marché du tourisme espagnol, derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni.
Les destinations préférées des Français sont la Catalogne et Valence et non la Communauté de Madrid
Et en 2021, malgré l’effondrement du tourisme, les Français sont toujours les premiers visiteurs, loin devant le deuxième du classement, l'Allemagne. Ainsi, en janvier 2021, selon les derniers chiffres disponibles de l’Institut National de Statistiques INE, un tiers des touristes qui sont venus en Espagne venaient de France, soit plus du double qu’en 2020. En attendant les chiffres de février, date des vacances scolaires en France, les dernières données de janvier publiées par l'INE signalent également que les destinations préférées des Français étaient la Catalogne et Valence (un tiers du total entre les deux), et non la Communauté de Madrid, qui ne représentait que 5,5% des Français en visite dans le pays. Un pourcentage qui démonte cette idée selon laquelle les Français sont partis en masse à Madrid pour y faire la fête.
A ce sujet, il est intéressant de rappeler les propos de la nouvelle Consule générale de France, Marie-Christine Lang, dans son entretien avec notre journal : "Le gouvernement a demandé aux Français de ne se déplacer en dehors des frontières qu'en cas d’extrême nécessité. Il est évident qu'un week-end touristique à Madrid ne rentre pas dans ce cadre. D'une part nous faisons appel à la responsabilité de nos compatriotes et d'autre part nous leurs demandons de respecter les consignes locales, qui sont par ailleurs actualisées très régulièrement sur notre site. Il n'est enfin pas inutile de rappeler que la France exige un test PCR de moins de 72 heures pour rentrer dans le pays, que ce test est payant en Espagne et qu'en aucun cas, le Consulat général ne pourra prendre à sa charge les tests de nos ressortissants en déplacement dans le pays, ni établir de dispense de test".