Encore une nouvelle boulangerie française à Madrid : "Chez Firmin" a ouvert ses portes au cours de l'été dans la quartier de Chamberí, à deux pas du métro Iglesia. Benoît Godart, 53 ans, dont deux bonnes décennies passées en Espagne, est à l'origine de cette ouverture, qui correspond aussi au développement de la franchise "Firmin", une cinquantaine de boulangeries en France et un savoir-faire bien maîtrisé, qui s'installe donc avec ce premier pas de porte, au sud des Pyrénées. Objectif : ouverture d'un second local dans la capitale en 2019 et création dans la foulée d'une master franchise dans le pays.
Le local, situé au 57 de la calle de Santa Engracia appartenait auparavant à une cafétéria populaire du quartier. Il a fallu une bonne dose d'imagination pour en faire un espace accueillant, dans les tons ocres et crèmes, imprégné d'une tranquillité qui tranche avec le style des boulangeries traditionnelles et l'ambiance haute en décibels de n'importe quel salon de thé espagnol : un lieu calme et agréable, idéal pour s'asseoir et déguster les (bons) produits vendus sur place. Il faut dire que Benoit Godart a mûrement réfléchi son projet, après toute une carrière passée dans la distribution de produits de bureau et un parcours professionnel dans la grande distribution dont il a indubitablement su utiliser les acquis pour lancer son affaire.
"Le modèle développé par Grégory Fourey en France, fondateur de la franchise Firmin, part du constat que sur le marché hexagonal, le pain précuit vendu en supermarché d'une part, et le pain artisanal proposé dans des boulangeries ancrées dans la qualité d'autre part, sont appelés à phagocyter l'espace occupé par les terminaux de cuisson -ces boulangeries qui se limitent à passer au four une pâte fabriquée par un tiers", éclaire Benoît Godart. La franchise Firmin, et son point de vente à Madrid, marque donc un point d'honneur au pétrissage du pain, en suivant néanmoins en la matière une procédure développée par la marque, visant à réduire les coûts tout en préservant la qualité. C'est tout le pari de Firmin, qui explique notamment son développement en France : faire du bon pain -et de la bonne pâtisserie- tout en préservant les marges.
En Espagne où le rapport au pain est sensiblement différent à celui que l'on connaît dans le pays du béret et de la baguette réunis, mais où les choses sont en train de bouger, l'espace existe pour mettre le concept en pratique, a analysé Benoît Godart. "Nous avons estimé qu'il était nécessaire d'ouvrir dans un quartier caractérisé par un certain niveau social, si l'on souhaitait proposer du pain de qualité, pétri sur place", explique-t-il. "Maintenant je réalise cependant que même dans des zones plus populaires, le besoin et la consommation d'un pain de meilleure qualité existe, preuve d'une évolution des mentalités espagnoles sur la question". De fait les Espagnols sont habitués à un marché où traditionnellement "celui qui fait le pain n'est pas celui qui le vend". Particulièrement industrialisé, le marché du pain à Madrid est caractérisé par une forte concentration, où quelques gros fabricants industriels font du pain toujours moins cher, déposé dans des points de vente. Au supermarché, dans les tahonas, à la station-service ou à l'épicerie de quartier -le fameux "chino"- c'est peu ou prou le même produit, vendu jusqu'à 0,30€ ou 0,40€ la baguette : à des prix défiant toute concurrence, donc. "Le secret c'est qu'il s'agit de pain de très basse qualité, mais chaud à n'importe quel moment de la journée", analyse Godart. "Or quand il est chaud, le pain est toujours bon".
Chez Firmin en tous cas, on trouvera une boulangerie et une pâtisserie élaborée selon des standards à la française -on aura le plaisir de retrouver nos traditionnels éclairs au chocolat notamment- qui font souvent défaut à Madrid. Exit la margarine et l'huile de palme, Benoit Godart défend "des produits de qualité, simples d'élaboration". "Une fois que le concept sera bien ficelé, que nous pourrons proposer un business model clair et précis, nous pourrons lancer la franchise dans le pays", espère-t-il. Alors qu'il avait le choix entre rebondir dans la grande distribution, "à l'autre bout du monde" (en Chine) dans un domaine marqué par la "sinistrose", le Rémois a fait le choix de s'ancrer à Madrid, en dépit de son goût pour la vadrouille. "Il y a ici une vraie qualité de vie", estime-t-il. Certes. Avec du bon pain et des bons croissants, c'est plus vrai encore.