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Motion de censure : le gouvernement Rajoy sur la sellette

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CC European People's Party https://www.flickr.com/people/45198836@N04
Écrit par Camille Guil
Publié le 30 mai 2018, mis à jour le 31 mai 2018

Vendredi dernier, le parti socialiste espagnol (PSOE) a déposé une motion de censure contre le gouvernement de Mariano Rajoy (Parti Populaire). Cette procédure fait suite au vaste scandale de corruption qui éclabousse le parti en place et au jugement de l'affaire Gürtel, qui est tombé la semaine dernière. Les débats débuteront jeudi et le vote devrait avoir lieu vendredi. Même si l'indignation est exprimée par l'ensemble des partis, l'opposition à Mariano Rajoy se trouve très fragmentée et l'issue du vote reste incertaine.

 

Le gouvernement de Mariano Rajoy se retrouve au cœur de la tourmente avec ce vote de confiance, après le jugement rendu sur une gigantesque affaire de corruption qui a duré des années, son instruction ayant d'ailleurs duré sept ans. Le procès de l'affaire Gürtel, son nom de code policier, a commencé en octobre 2016 et se termine avec des condamnations exemplaires : concernant des chefs d'entreprise mais surtout une douzaine d'anciens responsables du PP. En tout, les 29 prévenant cumulent 351 années de prison pour corruption, détournement de fonds publics et blanchiment d'argent.
Le verdict a confirmé l'existence d'une caisse noire au sein du PP, alimentée notamment par des surfacturations d'événements politiques et des pots de vins en liquide dans l'attribution de marchés publics, entre les années 1990 et le début des années 2010. Pour El País, quotidien de centre gauche, il s'agit "du réseau de corruption le plus vaste de l'histoire de la démocratie espagnole". Le parti comme personne juridique a lui-même été condamné à une lourde amende de 250.000€ en tant que bénéficiaire de ce "système de corruption institutionnel" a précisé le verdict.

 

Une opposition fragile

 

Suite à cette décision de justice, Pedro Sánchez, le chef de file des Socialistes, a déposé une motion de censure contre le gouvernement, qui sera votée en fin de semaine. Pour qu'elle aboutisse, il faut qu'elle soit votée par la majorité absolue des députés, soit 176 sur 350. Or, si le PSOE (84 sièges) a immédiatement reçu le soutien de la coalition radicale de gauche Unidos Podemos (Podemos, Compromís, Izquierda Unida, 71 sièges), la majorité absolue passe par l'ajout de 21 voix d'autres formations politiques. Même si l'indignation face à la question de la corruption est commune, les divergences entre les adversaires de Rajoy sont importantes, notamment sur les stratégies pour mettre un terme à la législature en cours. Le soutien de Ciudadanos, le parti centriste favori des sondages, serait suffisant pour assurer une majorité absolue. Mais le parti a d'ores et déjà annoncé que ses 32 députés n'appuieraient pas la procédure. C's a appelé Rajoy à démissionner et demande la tenue d'élections anticipées. 

 


Le rôle des partis indépendantistes

 

La motion de censure qui, si elle passe, mettrait Pedro Sánchez à la tête du pays, dépend donc de l'appui des partis indépendantistes, tels que ERC (gauche républicaine catalane, 9 sièges), PdeCat (parti démocrate européen catalan, ex CDC, 8 sièges), mais aussi EH Bildu (Euskal Herria Bildu , qui avec ses 2 sièges n'a en fait aucun poids décisif) et PNV (Part National Basque, dont les 5 sièges peuvent faire basculer l'équilibre des forces). Sous fond de crise catalane et de mise sous tutelle de la région, quelles sont les tractations concernant le statut des autonomies qui, en sous-main, sont susceptibles d'être menées entre les promoteurs de la motion et ces partis ? D'autre part, alors que le PNV vient juste de bénéficier de conditions financières avantageuses pour sa région, lors du vote du budget de l'Etat, qui s'est clôt, avec un certain retard, il y a tout juste quelques jours, les indépendantistes basques garderaient-ils des avantages si durement négociés en cas de destitution de Rajoy ? Sont-ils disposés à remettre ces acquis en jeu ? 

 

Une motion de censure "instrumentale" pour un gouvernement "technique"

 

L'épreuve de force arrive en plein milieu de la législature. Il reste tout juste deux ans de mandat au PP avant les prochaines élections générales, prévues pour 2020. Si de nouvelles élections anticipées étaient convoquées aujourd'hui, c'est Ciudadanos qui est donné favori avec 29% des voix alors que les trois autres formations principales, Unidos Podemos, le PP et le PSOE seraient au coude à coude avec environ 19% des voix. Dans ce sens C's, qui votera donc "non" vendredi, pourrait bien appuyer une nouvelle motion de censure, si l'initiative de Sánchez était appelée à échouer. L'objectif du parti orange est de proposer un président du gouvernement "technique", dont le rôle se limiterait à assurer un gouvernement de transition en l'attente de l'organisation, au plus tôt, de nouvelles élections générales. Quelques noms, comme celui de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Javier Solana, circulent. Tandis que l'épée de Damocles de la corruption a pendant longtemps menacé de s'abattre sur le parti au pouvoir, qui a jusque là réussi à n'en point subir les effets, tout semble indiquer qu'avec le jugement de l'affaire Gürtel, le second mandat de Mariano Rajoy risque bel et bien d'être chahuté.  

 


La crise jusque dans les marchés financiers

 

En début de semaine, la crise politique a généré des dommages collatéraux sur les marchés financiers, la bourse de Madrid clôturant mardi en fort recul avec -2,49%, plombée par les principales banques espagnoles : Santander, a chuté de 5,43%, BBVA de 4,17% et Sabadell, très exposée à la dette italienne, de 6,82%. Globalement toutes les valeurs de l'indice Ibex-35 ont terminé dans le rouge.