C’est la fin d’une affaire qui a terni l’image de la Comunitat Valenciana ces dernières années. La « Trama Gürtel » a connu ce jeudi matin son épilogue en distribuant plus de 350 années de prison entre les différents accusés. Mais surtout, le Partido Popular (PP) devient le premier parti politique au pouvoir à être condamné juridiquement dans une affaire de corruption. Retour sur une affaire qui aura marqué les dix dernières années du panorama politique espagnol.
Francisco Correa, l’homme de l’ombre
José Luis Peñas porte plainte le 6 novembre 2007 à la Fiscalia Anticorrupcion après avoir reçu 260.000 euros de pots de vins. Il dépose des preuves telles que des enregistrements de réunions qui avaient lieu avec les sociétés d’événementiel impliquées dans l’affaire. La Fiscalia ouvre une enquête.
Presque deux ans plus tard, le juge Garzón ordonne l’arrestation de 5 personnes, dont un certain Francisco Correa, un entrepreneur maintenant des relations très étroites avec plusieurs mairies aux mains du Partido Popular. Plusieurs de ses sociétés, notamment Special Events, avaient pour mission de gérer les différents meetings et événements organisés par le Partido Popular durant la présidence de José Maria Aznar.
Entré par la petite porte du Partido Popular via Luis Barcenas, Correa a vite su se rendre indispensable pour le parti. En offrant des prix défiant toute concurrence pour des voyages ou autres missions, l’entrepreneur entre dans les petits papiers du PP et sait se rendre indispensable. Pour preuve, il était le témoin du mariage du beau-fils de José Maria Aznar, président du gouvernement espagnol à l’époque.
18 avril 2010 : Le journal « El País » dévoile la trame au grand jour
Après un travail d’investigation de plus de 14 mois, les journalistes Carlos Cué et José Antonio Hernández dévoilent chaque volet du système de corruption mis en place par Francisco Correa. Aucun détail ne leur échappe.
Le but de la trame ? Alimenter les sociétés de Correa avec de l’argent public. Au total, ce ne sont pas moins de 44 millions d’euros qui auraient été détournés au détriment des communautés de Madrid, Valence et Galice. A vrai dire, Correa a bien été aidé par Barcenas, trésorier du PP de 1999 à 2009.
Parmi les principaux marchés raflés par ses entreprises à Valencia figurent la Feria International del Turismo, plusieurs meetings de campagnes municipales à Valencia, l’inauguration de la Volvo Race 2008, la visite du Pape Benoît XVI. Pour ce dernier, près de 3 millions d’euros d’argent public auraient été détournés.
Et pour remporter ces contrats, Correa ne lésinait pas sur les moyens : bijoux, montres de luxes, costumes, voyages, hôtels de luxe étaient offerts aux différents politiques du PP. Or plus l'enquête avancait, et plus les démissions se succédaient au sein du parti.
Un financement au noir du Partido Popular
Condamné à une amende de 245.000 euros, le Partido Popular est reconnu coupable de se financer à travers un système de détournement de fond. La « caja B », comme elle est appelée en Espagne, aurait existé depuis 1989 et servait bien à financer la formation politique pour payer des frais de campagnes ou frais assimilés
comme l’ont déclaré les juges.
Le Partido Popular, à travers un communiqué, à déclarer faire appel du verdict. Précisions que l’actuel président du Gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, avait été entendu comme témoin dans cette affaire.
Voici la sentence rendu ce 24 mai 2018 pour les principaux accusés :
- Francisco Correa (considéré comme étant à la tête du système de corruption) : 51 ans et 11 mois.
- Pablo Crespo (secrétaire du PP de Galice entre 1996 et 1999) : 37 ans y 6 mois
- Luis Bárcenas Gutiérrez (gérant de 1990 à 2008 et trésorier du PP de 2008 à 2010) : 33 ans et 4 mois
- Rosalià Iglesiar Villar (épouse de Luis Bárcenas et ex-employée du PP) : 15 ans y 1 mois
- Jesús Sepúlveda Recio (maire de Pozuelo de Alarcón (Madrid) de 2003 à 2005, sénateur (1993-2003) y ex-mari de la ministre de la Santé Ana Mato) : 14 ans et 4 mois
- Isabel Jordán Goncet (administratrices des entreprises de Correa) : 14 ans et 10 mois
- Ricardo Galeote Quecedo (ex conseiller de Estepona – Málaga) : 7 ans et 10 mois
- José Luis Peñas Domingo (élu de Majadahonda et dénonciateur de l’affaire Gürtel): 4 ans et 9 mois
- Álvaro Pérez Alonso "el bigotes": non coupable.
- Ana Mato Adrover (ex ministre de la santé) : amende de 27.857,53 euros.
- Partido Popular: amende de 245.492,8 euros.