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José Manuel Villajero, l’ancien commissaire qui fait chanter l’Espagne

José Manuel VillajeroJosé Manuel Villajero
Copie d'écran Youtube
Écrit par Kristen Collie
Publié le 26 septembre 2018, mis à jour le 27 septembre 2018

Ébranlant l’Espagne à travers des enregistrements clandestins récupérés lorsqu’il était en fonction, l’ancien commissaire désormais en prison préventive, José Manuel Villarejo, avait menacé de porter un "coup de grâce" fin septembre s’il n’était pas libéré. Fidèle à ses propos, certaines écoutes ont filtré dans la presse cette semaine et provoqué un nouveau séisme institutionnel, après celui de juillet dernier.

 

"S'ils ne me sortent pas bientôt, il y aura des nouvelles à la fin du mois de septembre. Et le dernier feu... avant Noël", avançait le commissaire déchu cet été. Prêt à porter "una traca final (un coup de grâce)" en dévoilant de nouveaux enregistrements compromettants, la menace est prise au sérieux par les autorités et le Gouvernement. Et pour cause, Villarejo en a fait son fonds de commerce pendant des décennies lorsqu’il était encore commissaire de police, enregistrant à leur insu plusieurs personnages haut placés, dont des membres du gouvernement et de la monarchie espagnols. Placé en prison préventive en novembre dernier, il est actuellement jugé pour "association de malfaiteurs" et "blanchiment de capitaux". Aux dernières nouvelles, le commissaire à la retraite a présumé qu’il prenait tout le temps dont il avait besoin avant d’agir. Ces dernières semaines, certaines de ses écoutes ont filtré dans la presse, diffamant des personnalités politiques, dont la ministre de la Justice, Dolores Delgado.


Dolores Delgado, dernière victime en date

 

La ministre de la Justice, Dolores Delgado, a ainsi subi les manœuvres de Villarejo après la diffusion, cette semaine par le journal numérique Moncloa.com, d’une conversation privée enregistrée lors d’un repas organisé en 2009. Alors procureur à la Cour nationale, on entend Delgado scander sa préférence pour un tribunal composé d’hommes plutôt que de femmes, ou encore faire référence dans des termes peu respectueux à l'homosexualité de Fernando Grande-Marlaska, alors juge d'insctruction... et désormais ministre de l'Intérieur. Sans que la véracité ni l’authenticité de ses écoutes soient avérées, Dolores Delgado a tenu à se justifier, mardi 25 septembre, en soutenant que ces enregistrements étaient manipulés : "Les enregistrements sont bloqués, coupés et édités", a souligné la ministre. "Grande-Marlaska, avec qui j'ai parlé dernièrement, est mon ami et nous avons maintenu une relation très étroite", a-t-elle poursuivi. "Ces attaques n'ont rien de vrai, rien de politique, et elles sont exécrables".

 

 

 

La monarchie espagnole pas épargnée

 

Perçu comme un personnage sinistre et sans scrupule, José Manuel Villarejo s’était également attaqué à la monarchie en juillet dernier, révélant un scandale entre le roi émérite Juan Carlos Ier et son ancienne maîtresse, la princesse allemande Corinna zu Sayn-Wittgenstein. Un enregistrement datant de 2015 où la "tendre amie" du roi affirme que l’ancien monarque aurait tenté de faire d’elle un "prête-nom" pour dissimuler ses transactions illicites. Dans les médias, ou même sur l’échiquier politique, personne n’a pour l’instant mis en cause l’authenticité de ces enregistrements audio réalisés par l’ancien commissaire.


"Blackmailing" et paradis fiscaux

 

Originaire d’Andalousie, José Manuel Villarejo commence sa carrière de commissaire en 1972 sous le franquisme. En 1983, alors que la démocratie s’est installée, il quitte le corps de police pendant une dizaine d’années. Au cours de cette période, il travaillera pour 46 entreprises différentes, principalement des bureaux d’avocats et des agences de détectives. En 1993, il réincorporera la police, pour le compte du Ministère de l’intérieur. Dès lors, il va faire du chantage et du blackmailing ses armes principales. Personnalités politiques, juges, famille royale, Villarejo s’attaque logiquement aux personnes les plus influentes en les enregistrant à leur insu. Selon El Pais, il a été jusqu’à demander 30 millions d’euros à huit "clients" différents entre 2013 et 2017, période pendant laquelle a eu lieu l’espionnage de la princesse Corinna zu Sayn-Wittgenstein. En marge de cette organisation criminelle, l’affaire Tandem, issue des "Panama Papers", est venue un peu plus écorner l’image de l’ancien commissaire. Le juge d’instruction de l’affaire avait reconnu juillet dernier, la collecte par Villajero d’1,2 million d’euros par l’intermédiaire de ses deux sociétés situées en Amérique centrale.

En novembre dernier, l’Audience nationale a ordonné l’interpellation du sulfureux ancien commissaire. Placé en prison préventive au centre pénitentiaire d’Estremera à Madrid, il continue de mettre la pression sur les autorités à travers ses enregistrements, qui font aujourd’hui office de bombes à retardement.
 

> José Manuel Villarejo


Né le 3 aout 1951 à El Carpio, Andalousie, Espagne
Chronologie
1972-1975 : début à la station de police provinciale de Saint-Sébastien. Membre de la section anti-terroriste contre l’ETA.
1975-1983 : Seguridad Ciudadana de la Jefatura Superior de Madrid.
1983-1993 : Départ du corps de police, où il travaille pour 46 entreprises différentes, principalement des bureaux d’avocats et des agences de détectives.
1993 : Réintégré dans les fonctions d'agent opérationnel ou d'agent infiltré du secrétaire d'État à l'Intérieur.
21 juin 2016 : Départ à la retraite
Novembre 2017 : Placé en prison préventive pour "association de malfaiteurs" et "blanchiment de capitaux", après la révélation de ses pratiques ainsi que de l’affaire Tandem.