Depuis fin mars, la vie politique espagnole a grandement été secouée par les accusations, sous forme de révélations, du journal espagnol en ligne Eldiario.es. Un séisme nommé "Mastergate" qui tient pour épicentre l’université Rey Juan Carlos, terre d’étude des principaux protagonistes de ce scandale -l’ex ministre de la Santé, Carmen Montón (PSOE) et l’ancienne présidente de la région de Madrid, Cristina Cifuentes, mais aussi le nouveau président du Parti Populaire, Pablo Casado.
Mardi 11 septembre, 21h précise. En direct à la télévision espagnole, la désormais ex-ministre de la Santé, Carmen Montón, annonce sa démission. En cause, des irrégularités présumées concernant son diplôme de Master en droit public… comme un air de déjà-vu. En avril dernier, la présidente de la communauté de Madrid, Cristina Cifuentes (https://lepetitjournal.com/madrid/actualites/communaute-de-madrid-demission-de-cristina-cifuentes-229042) faisait l’objet des mêmes accusations à l’égard du même Master, et dut également démissionner. Deux scandales qui ont un point de convergence : L’Universidad Rey Juan Carlos. Cas isolés ou symptomatiques, les coïncidences ne jouent pas en faveur de l’université, dont la crédibilité et la véracité de l’enseignement et de ses diplômes se retrouvent largement contestées.
En 100 días al frente de @sanidadgob has recuperado la sanidad universal en nuestro país, has trabajado sin descanso para devolver y ampliar derechos.
— Pedro Sánchez (@sanchezcastejon) 11 septembre 2018
Gracias, @carmenmonton, por tu compromiso con la igualdad y la justicia social. Tu decisión, valiente, te honra.
Les diplômes de complaisance, cas isolés ou symptomatiques ?
Diplôme frauduleux sur fond de notes falsifiées, de plagiat et d’absentéisme, les cas de Cifuentes et de Montón, trahissent la réalité de ce que l’on appelle les "diplômes universitaires de complaisance", accordés non pas au mérite mais implicitement en échange des frais de scolarité. Anti-méritocratique et discriminant, ce procédé est totalement contraire aux valeurs véhiculées par les instituts d’enseignement supérieurs comme l’URJC, mais également par le gouvernement de Pedro Sánchez et du PSOE (Parti Socialiste et Ouvrier d’Espagne). Une situation paradoxale qui n’a laissé personne insensible dans le Royaume, encore moins les étudiants, témoins privilégiés de ce fléau. "Je ne suis pas étonné par ce scandale. Malheureusement ça semble être récurrent dans notre université, du moins chez les personnes les plus aisées et privilégiées", témoigne Roberto Valero, diplômé en ingénierie aérospatiale, et étudiant à l’URJC de 2012 à 2018. "C’est un cas isolé et il ne faut pas généraliser à tous ceux qui étudient à Juan Carlos", tempère quant à lui Miguel Gabaldón, étudiant en licence d’économie. "Mais au final les influences servent à ça", ajoute-t-il, résigné. "Je pense même qu’il y a bien plus de politiciens qui prétendent, à tort, avoir un Master. Dans un sens, grâce à ce scandale, il y aura plus de transparence et de pression sur la classe dirigeante", ponctue avec pragmatisme Roberto.
Les étudiants, premières victimes collatérales
Contacté par nos soins, alors qu’aucun membre institutionnel de l’URJC n’a désiré communiqué sur le sujet, le syndicat des étudiants a livré un constat clair et exposé les répercussions directes que pouvaient avoir le "Mastergate" sur l’avenir des étudiants de Rey Juan Carlos : "Ce scandale pose problème, car ces politiciens des partis socialistes et populaires d’Espagne auraient eu leur diplôme sans remplir leurs engagements d’étudiant. Cela nuit directement à la réputation de l’université et ce sont les étudiants actuels qui en paient les conséquences", avance une porte-parole du syndicat. "Désormais, lorsqu’un employeur ou autre verra sur le CV un diplôme ou des études réalisés à la Universidad Rey Juan Carlos, il y aura des interrogations. C’est très problématique et nous impacte directement". Le syndicat, soucieux de la crédibilité de l’URJC et de l’avenir de ses étudiants, demande à ce que "le gouvernement réponde de leurs actes et prennent des mesures concrètes". Cette année, ce sont près de 38.000 étudiants qui sont inscrits aux 6 facultés et écoles de l’URJC.
El rector de la URJC, Javier Ramos, afirma que los estudiantes son "la razón de ser de la Universidad Rey Juan Carlos". pic.twitter.com/iCvCubnRJL
— URJC (@urjc) 11 septembre 2018
On se moque de moi
A en croire les étudiants, la mauvaise réputation contextuelle de l’URJC déteindrait sur eux et nuirait à leur avenir. "La réputation de notre université n’a jamais été très bonne, et l’est d’autant moins depuis les récents scandales. Elle a toujours été très politisée et liée au PP (Partido Popular)", admet Roberto Valero. "Parfois, lorsqu’on me demande où j’étudie et que je réponds l’URJC, on se moque de moi. En ce moment, je connais même des personnes qui regrettent d’avoir choisi cette université". Un témoignage saisissant corroborant l’état d’esprit de nombreux étudiants de l’université de Madrid. "En vérité, c’est la honte. Mais surtout parce que tout vient de certaines influences des partis politiques. C’est une véritable honte. Tout cela ne devrait pas arriver", constate de son côté, Rafael Villaseñor, étudiant en ingénierie des énergies renouvelables.
Parole aux étudiants
Roberto Valero, diplôme d’ingénierie aérospatiale réalisé entre 2012 et 2018 à l’URJC.
"De mon point de vue, les différents cursus ne sont pas bien définis et l’application du processus de Bologne (processus de rapprochement des systèmes d'études supérieures européens amorcé en 1998 et qui a conduit à la création en 2010 de l'espace européen de l'enseignement supérieur, constitué de 47 États) est loin d’être optimal. On a des matières qui selon moi n’ont pas grand intérêt et en parallèle on manque de connaissances sur des sujets fondamentaux. J’ai des amis en revanche, qui ont des diplômes en sciences sociales à l’URJC et qui ont été satisfaits de l’enseignement, mais pour un cursus d’enseignement technique, je ne recommanderais pas cette université".
Miguel Gabaldón, étudiant en licence d’économie à la faculté des sciences juridiques et sociales.
"Je n’étais pas très sûr de ce cursus, mais au final je me suis décidé à l’étudier. Concernant l’université, selon moi, il y a des choses qui ne se font pas sérieusement. L’assiduité n’a pas beaucoup d’importance. Les professeurs sont un peu en dilettante mais de manière générale, l’enseignement est bon".
Rafael Villaseñor, étudiant en ingénierie des énergies renouvelables.
"En général, tout le monde travaille bien, sans aucune influence. C’est une bonne université mais au final, elle a mauvaise réputation. La plupart des gens sont travailleurs et bossent pour réussir. Il ne faut surtout pas généraliser les cas isolés de Cifuentes et Montón".
Infos pratiques sur l’Universidad Rey Juan Carlos
Fondé en 1996, l’établissement d’enseignement supérieur, Rey Juan Carlos, se répartit sur cinq sites de la communauté de Madrid, à Alcorcón, Aranjuez, Fuenlabrada, Madrid et Móstoles. L’URJC est divisée en 6 facultés et écoles regroupant près de 38.000 étudiants et 1.962 enseignants.
Les 6 facultés et écoles de l’URJC :
Faculté des sciences de la santé
Faculté des sciences juridiques et sociales
Faculté des sciences de la communication
École supérieure des sciences expérimentales et de technologie (ESCET)
École technique supérieure d'ingénierie des télécommunications (ETSIT)
École technique supérieure d'ingénierie informatique (ETSII).
Site officiel : https://www.urjc.es