Édition internationale

Grippe : une épidémie précoce et explosive frappe l’Espagne avant l’hiver

L’hiver n’a même pas pointé le bout de son nez que la grippe a déjà pris le dessus en Espagne. Les courbes s’affolent, les services hospitaliers se remplissent, et les autorités sanitaires s’attendent à une saison plus rude que d’habitude. La raison ? Un mélange peu rassurant : une circulation très précoce du virus, une immunité collective affaiblie et l’irruption d’un sous-variant du H3N2 qui gagne du terrain à travers l’Europe.

une femme portant un masque en espagneune femme portant un masque en espagne
@Joseph Recca, Unsplash.
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 9 décembre 2025

Selon les dernières données du système de surveillance SiVIRA, la grippe a désormais franchi le seuil épidémique et accélère franchement. En l’espace de sept jours, les consultations pour syndrome grippal ont presque doublé, de 41 à 75,3 cas pour 100.000 habitants. Dans les hôpitaux aussi, la tendance se durcit : la proportion de tests positifs à la grippe, déjà élevée, grimpe de 19,1 % à plus de 25 %.

Et la grippe n’est que la partie émergée du tableau : les infections respiratoires aiguës explosent en médecine de famille, avec une incidence qui atteint 643 cas pour 100.000 habitants. Dans certains services d’urgence, les pics dépassent désormais les 1.600 cas. Les plus petits — surtout les moins de cinq ans — sont particulièrement touchés, avec une hausse marquée des bronchiolites et des infections liées au VRS.

Les courbes s’élèvent plus tôt que d’habitude : dans plusieurs régions comme la Catalogne ou le Pays basque, les premières hausses significatives ont été détectées fin octobre, soit trois à quatre semaines avant le calendrier habituel.

 

En Espagne, un sous-variant du H3N2 gonfle la vague grippale

Le virus dominant cette année est le sous-type A(H3N2), déjà connu pour être l’un des plus contagieux et les plus éprouvants pour les systèmes de santé. Mais un nouvel invité s’est glissé dans la partie : un sous-clade baptisé « K », repéré en nombre dans les analyses génétiques européennes.

Ce variant circulait très peu ces dernières années. Conséquence : l’immunité collective est en berne, qu’elle soit naturelle ou acquise par la vaccination. 

"Moins un virus circule, plus nous perdons nos défenses. Et s’il mute entre-temps, il devient plus difficile à reconnaître pour nos anticorps", résument plusieurs experts espagnols.

Résultat probable : non pas des formes plus graves, mais des vagues plus larges, avec davantage de malades à gérer en même temps. L'ECDC, l'agence européenne de contrôle des maladies, partage cette inquiétude : même si le risque individuel n’augmente pas, le simple volume de contaminations attendu pourrait suffire à faire grimper le nombre d’hospitalisations bien au-delà des hivers précédents.

 

Le système de santé en Espagne


 

Une saison qui s’annonce rude pour les hôpitaux

Et dans les hôpitaux, la poussée virale ne se lit plus seulement dans les courbes : elle se voit dans les couloirs. Le taux d’admissions pour infections respiratoires aiguës graves atteint 15,5 cas pour 100.000 habitants, contre 12,9 une semaine plus tôt. Depuis le début de la saison, près d’un patient grippé sur cinq a développé une pneumonie et la létalité s’établit autour de 4,9 %.

COVID-19 et VRS poursuivent eux aussi leur remontée, à des niveaux bien inférieurs mais non négligeables. Le VRS, redouté chez les tout-petits, a même doublé son poids dans les hospitalisations en quelques jours.

La Semes, la société espagnole des services d'urgence, alerte sur l’impact immédiat : la fréquentation des urgences a bondi de plus de 20 % à l’échelle nationale. Une pression supplémentaire pour des équipes déjà mises à rude épreuve chaque hiver par les décompensations de patients fragiles.


 

Retour du masque et vaccination accélérée

Devant l’avalanche de cas, les régions ressortent les outils de prévention. La Catalogne a dégainé la première en rendant à nouveau le masque obligatoire dans les centres de santé et les résidences pour personnes âgées, après une incidence envolée à 418 cas pour 100.000 habitants : plus du double en sept jours.

Ailleurs, comme en Galice ou en Aragon, le masque revient par recommandation, y compris pour les personnes sans symptômes. À Madrid comme à Bruxelles, le mot d’ordre est clair : accélérer la vaccination.

Cette année, la campagne cible en priorité les plus de 60 ans, les femmes enceintes, les enfants de six mois à cinq ans et les personnes souffrant de maladies chroniques. Les premiers retours sont plutôt encourageants : la participation progresse par rapport à 2024, y compris chez les soignants, longtemps à la traîne.

 

Seniors en Espagne : indépendants, actifs… mais fatigués et isolés

 

Un défi commun en Europe : L’Espagne n’est pas seule à faire face à un démarrage précoce. L’Angleterre observe aussi une montée rapide des cas, même si une meilleure couverture vaccinale (jusqu’à 75 % chez les personnes âgées) offre une protection plus solide. En France, où plusieurs régions sont déjà entrées en phase épidémique, la demande de vaccins est particulièrement élevée : près de 7 millions de doses ont été administrées début décembre, une progression de plus de 30 % sur un an.

 

Un pic attendu avant Noël en Espagne

Selon les modèles, le pic ne devrait pas patienter jusqu’à la fin janvier, comme d’habitude. Il tomberait plutôt entre la mi-décembre et le tout début janvier. Certaines régions s’attendent même à un sommet en plein milieu des fêtes, période idéale pour les embrassades… et pour la transmission.

À peine l’hiver entamé, l’Espagne donne déjà un avant-goût de ce qui pourrait se jouer dans le reste de l’hémisphère Nord : un virus qui a muté, une immunité collective un peu émoussée, des hôpitaux forcés d’ajuster leurs plans en temps réel. Un cocktail qui pourrait faire de la saison grippale 2025-2026 l’une des plus marquantes de ces dernières années.

 

Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.