La bataille, démarrée en 1982, autour du projet de ligne à très haute tension entre les deux pays, touche à sa fin. Le combat aura été long. Des deux côtés des Pyrénées, la mobilisation n'a pratiquement pas cessé depuis près de trente ans contre ce projet qui doit doubler la capacité d'interconnexion électrique entre la France et l'Espagne. Après des travaux préliminaires ces derniers mois, le premier coup de pioche a été donné mercredi dernier
(Photo AFP)
La vague de froid qui a touché toute l'Europe a démontré à quel point les exportations et importations d'électricité sont vitales. En France, la chute des températures a fait grimper la consommation de courant à un niveau jamais vu, et a obligé le pays à importer massivement du courant de tous ses voisins, dont l'Espagne. Le but de ce projet est donc de sécuriser l'approvisionnement électrique des deux pays. Un ouvrage innovant et coûteux qui doit aider la France à faire face à ses pics de consommation d'électricité en hiver et soutenir le développement des énergies renouvelables entre les deux pays.
Il existe déjà quatre liaisons entre la France et l'Espagne
Les lignes d'interconnexion franco-espagnole, déjà au nombre de quatre, visent à partager les réserves de production entre les pays. Pour que cela fonctionne bien, il est nécessaire de renforcer les lignes transfrontalières car certaines liaisons ont plus de 30 ans, et sont en limite de capacité. Ce projet vient du même coup renforcer le développement des énergies solaire et éolienne des deux côtés des Pyrénées. En effet, ces énergies dites "propres" ont l'immense désavantage d'être intermittentes et comme l'énergie ne se stocke pas à grande échelle, cela impose de pouvoir exporter les éventuels surplus d'électricité. Ce problème est particulièrement pressant côté espagnol, où les énergies renouvelables représentent déjà plus du tiers de la production d'électricité (contre environ 13 % en France). Les Espagnols sont parfois contraint de déconnecter des éoliennes de leur réseau, car elles produisent trop de courant par rapport à la demande, et les connexions avec la France ne suffisent pas à l'écouler.
Un budget multiplié par huit
Les trente années d'opposition auront abouti au déplacement d'ouest en est, sur la chaîne des Pyrénées, de cette ligne. Prévu initialement dans le pays basque, le projet aboutit finalement dans les Pyrénées Orientales.
Pour apaiser d'intenses oppositions locales côté français au passage d'une ligne aérienne, les deux pays se sont mis d'accord pour l'enfouissement de la ligne sur 65 kilomètres, dont 8,5 kilomètres de tunnel sous la chaîne des Pyrénées. Le budget est alors passé de 90 à 700 millions d'euros. Pour financer ce projet, l'Union européenne investit 225 millions, auquel s'ajoute un prêt de 350 millions d'euros de la Banque européenne d'investissements.
Une première mondiale
La construction de cette ligne à très haute tension va nécessiter de surmonter plusieurs défis techniques. Comme il est impossible de faire passer du courant alternatif sur de telles distances, la ligne convoiera du courant continu, qui sera transformé à ses extrémités en courant alternatif. Comme l'a souligné Yves Decoeur, le patron d'Inelfe, société responsable du projet, "cette technologie n'a jamais été utilisée à ce niveau de puissance", ce qui fait de cette ligne "une première mondiale". Avec une capacité de transporter 2000 MW, la ligne "Baixas-Santa Llogaia" va "battre le record mondial actuellement détenu par une ligne enfouie en courant continu de 400 MW aux États-Unis". Le percement du tunnel et l'enfouissement des 65 kilomètres de ligne doivent être achevés à la mi-2013.
Mais Paris et Madrid ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin, et veulent porter leurs capacités d'interconnexion à au moins 4 000 mégawatts avant 2020. S'il est convenu qu'il n'y aura pas d'autre ligne dans les Pyrénées catalanes, une liaison sous-marine est à l'étude dans le Golfe de Gascogne.
Priscyllia CANABATE (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mercredi 22 février 2012
Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 15 novembre 2012
Publié le 22 février 2012, mis à jour le 15 novembre 2012
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