Quel que soit le scénario -2ème vague ou pas- et quelle que soit l’institution -nationale ou internationale- qui publie ses prévisions économiques, celles-ci sont dévastatrices pour l’Espagne et aucun pays ne s’effondrerait autant en cas de nouvelle pandémie et second arrêt de la production.
Banque d'Espagne
La Banque d'Espagne est loin d’être optimiste. Elle vient même de réviser ses estimations avec trois scénarios, qui conduisent à une baisse du Produit Intérieur Brut (PIB) en 2020 de 9%, 11,6% ou 15,1% respectivement, selon que l'on se trouve dans un scénario de reprise rapide, de reprise lente, ou avec un nouvel arrêt de la production en raison d'une réapparition du virus.
Cependant, le plus grand problème se situe au niveau du marché du travail espagnol, puisque dans tous les scénarios, le taux de chômage est loin d'atteindre les 13,78% de la fin de 2019 (déjà très élevé). Ainsi, en 2021, la Banque d'Espagne estime que le taux de chômage sera de 18,4%, 18,8% ou 24,7%, respectivement. Dans ce dernier cas, l’Espagne compterait près de 5,7 millions de chômeurs.
En outre, la Banque d’Espagne considère que le PIB de l'Espagne ne récupèrera pas son niveau de 2019 avant 2023, puisqu’elle a qualifié « d'improbable » le scénario le plus optimiste d’une reprise rapide.
Fonds Monétaire International
Le FMI vient également de modifier ses prévisions pour l'Espagne, « l'un des pays les plus touchés par la pandémie ». C’est ainsi que l’organisme international prévoit que son PIB s’effondrera de 12,8% en 2020, soit une baisse de 4,8 points plus importante que celle estimée il y a quelques mois. Toutefois, il estime que la reprise sera de 6,3% en 2021.
Au niveau mondial, le PIB chutera de 4,9% en 2020, ce qui suppose la pire récession depuis la Grande Dépression. Et la reprise sera lente, avec un rebond de l'activité de 5,8% en 2021, à condition qu'il n'y ait pas de deuxième vague.
OCDE
Le dernier rapport semestriel sur les perspectives économiques mondiales de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) inclut également un second scénario avec retour de la pandémie.
Les données sont dévastatrices. On n’avait rien vu de tel depuis la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, les économies de l'OCDE dans leur ensemble connaîtront une baisse de 6 à 7,6 % en 2020, selon qu'il y aura ou non de reprise ou que la production sera à nouveau arrêtée. Le taux de chômage pourrait atteindre 9,2 % dans ce dernier cas, soit presque le double de celui de 2019.
Quant à l’Espagne, l’OCDE la place en tête du ralentissement économique mondial, avec une chute de son PIB de 14,4%. Et la raison est claire pour l'organisation internationale : le problème en Espagne est que les secteurs les plus touchés, comme le tourisme et l'industrie hôtelière, sont particulièrement importants pour son économie, raison pour laquelle les données sont plus mauvaises que dans les autres pays de la zone euro.
En ce qui concerne le marché du travail, dans le scénario avec une seule épidémie, le taux de chômage atteindrait 19,2 % cette année, alors qu'en 2021, il serait encore de 18,7 %. Dans le scénario le plus pessimiste, il grimperait à 20,1% en 2020 et remonterait à 21,9% en 2021.
Déclin inquiétant de l'industrie espagnole
La fin -espérons-le définitive- de la crise sanitaire a fait place à une terrible crise de l’activité économique, causée par l’arrêt brutal des activités pendant le confinement. Le dernier rapport du Circulo de Empresarios montre ainsi l’impact négatif sur l'évolution tant du secteur industriel que de celui des services.
En avril -derniers chiffres disponibles- l'indice général du chiffre d'affaires industriel a chuté de 40,8% par rapport à l’an passé. Ce déclin est le plus important de la série. Par branche d'activité, l'industrie automobile a été la plus touchée (-90,4% interannuel), suivie par la confection (-80,0%). Dans le secteur des services, l'indice général du chiffre d'affaires a diminué de 41,4 % au cours de la période interannuelle. Il convient de noter l’effondrement dans le secteur de l'hébergement (-94,4%).
Pas étonnant que le tissu productif espagnol se soit détérioré comme jamais auparavant, compliquant ainsi une reprise rapide après la pandémie. En effet, la diminution de l'offre et l'effondrement de la demande ont provoqué l'étouffement de nombreuses entreprises qui ont été contraintes de licencier tous leurs travailleurs et de fermer.
Retour vingt ans en arrière
Ainsi, pendant les mois de confinement, plus de 130.000 entreprises ont été supprimées des codes de cotisations de Sécurité sociale, un registre de tous les employeurs en Espagne, qui inclut non seulement les entreprises mais aussi les travailleurs indépendants ayant des personnes à charge. Quand ils cessent leur activité, c'est parce qu'ils ont licencié tous leurs travailleurs. L'Espagne est donc passée de près de 1,5 million d'employeurs à 1,36 million, reculant ainsi de près de deux décennies.
Classement mondial de la compétitivité 2020
Le classement mondial de la compétitivité 2020, préparé chaque année par l’école de commerce IMD de Lausanne, et qui mesure le degré de compétitivité et la capacité à générer de la prospérité dans 69 pays, place l'Espagne en 36e position, la même qu’en 2019, ce qui pourrait sembler une bonne nouvelle. Mais les effets de la pandémie et la réponse du gouvernement sur la compétitivité du pays ne se sont pas encore fait sentir et, selon le directeur du World Competitiveness Center de Lausanne, tout indique que l'Espagne chutera en 2021.
Les États-Unis, quant à eux, sont passés de la 3e à la 10e place du classement pour la première fois de l'histoire. Cette évolution s'explique principalement par la détérioration du système de santé, la fragmentation sociale du cadre politique et la guerre commerciale initiée en 2018 avec la Chine, qui est passée quant à elle de la 14e à la 20e place du classement.
Quant au Top 5, il est intéressant de constater le leadership croissant des pays de taille moyenne. Ainsi, Singapour reste à la 1ère place pour la deuxième année consécutive, suivi du Danemark, de la Suisse, des Pays-Bas et de Hong Kong. Tout porte donc à croire que la tendance se poursuivra en 2021. La France apparaît à la 32e place.