Édition internationale

Séance de rattrapage : que s’est-il passé en Espagne cet été 2025 ?

Incendies records, tensions politiques, scandales judiciaires, mais aussi croissance économique et succès sportifs : l’Espagne a vécu un été 2025 qu’elle n’est pas près d’oublier. Tandis que les flammes dévoraient plus de 400.000 hectares et que la canicule affolait les thermomètres, Pedro Sánchez appelait à un pacte national face à l’urgence climatique, sous le poids des querelles politiques et d’un scandale judiciaire qui ébranle jusqu’à sa propre famille. Au même moment, le pays brillait sur d’autres fronts : locomotive de la croissance européenne, scène mondiale du streaming et finaliste historique — mais malheureux — de l’Euro féminin. La péninsule a été le théâtre d’une actualité foisonnante où se mêlent inquiétudes et fiertés.

des pombiers espagnols de dos en train de lutter contre un feu de foretdes pombiers espagnols de dos en train de lutter contre un feu de foret
Photo : Incendios España
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 31 août 2025, mis à jour le 3 septembre 2025

Plus de 400.000 hectares calcinés : un été noir pour l’Espagne

L’Espagne a vécu en août 2025 l’un des pires étés de son histoire récente. Après un début de saison plutôt calme, la vague de chaleur la plus longue et la plus intense jamais enregistrée depuis 1975 a embrasé le pays en quelques jours. En seulement deux semaines, plus de 358.000 hectares sont partis en fumée, portant le total au-delà des 400.000 hectares calcinés, un triste record depuis que le système européen Copernicus collecte des données. 

Des régions entières, comme la Castille-et-León et l’Estrémadure, ont été ravagées : plus de 31.000 habitants évacués, des villages encerclés par les flammes, et quatre vies perdues dans la lutte contre le feu. Dix-neuf des cinquante incendies les plus destructeurs de la dernière décennie ont eu lieu cet été, dont ceux de Larouco (Galice) et Uña de Quintana (Zamora), désormais parmi les plus vastes jamais recensés. 

 

Incendies: chez les sinistrés espagnols, la colère monte contre la gestion des autorités

 

Une vague de chaleur sans précédent

Cet été, l’Espagne a suffoqué sous une chaleur d’une intensité sans précédent : entre le 3 et le 18 août 2025, le pays a connu la vague de chaleur la plus extrême depuis le début des relevés modernes, surpassant celle de juillet 2022. Avec une anomalie thermique de +4,6 °C, ce fut l’épisode le plus sévère enregistré depuis 1975, marqué par dix jours consécutifs où les températures sont restées au sommet des records. 

Le constat est implacable : sur les 77 vagues de chaleur répertoriées en Espagne depuis un demi-siècle, seules six ont atteint ou dépassé les +4 °C… et cinq d’entre elles se sont produites depuis 2019. Une tendance alarmante qui illustre l’accélération du réchauffement estival. 

 

Incendies, Défense et malversation : un été de tous les fronts pour Pedro Sánchez

L’été politique espagnol a été marqué par une montée des tensions institutionnelles. Alors que les incendies ravageaient le pays, Pedro Sánchez a proposé un « pacte national face à l’urgence climatique », appelant les partis à dépasser leurs querelles pour bâtir une stratégie commune de prévention. Mais le climat politique est resté tendu, le PSOE et le PP s’accusant mutuellement de mauvaise gestion et de manque de moyens.

 

pedro sanchez lors d'une allocution à la moncloa
Photo : La Moncloa. 

 

Sur le plan intérieur, le gouvernement a vanté son bilan : 42 lois adoptées et près de 45 % des engagements de 2023 réalisés. Une vitrine qui masque mal les fragilités : pour la troisième année de suite, l’Espagne fonctionne sans budget voté, toujours sous celui de 2023.

En matière de défense, Madrid a franchi un cap en atteignant pour la première fois l’objectif de 2 % du PIB consacré à l’armée. Mais cette hausse des dépenses militaires a relancé les tensions : Podemos et l’aile gauche du PSOE dénoncent une « escalade au détriment du bien-être », tandis que le PP accuse Sánchez d’affaiblir la voix de l’Espagne à l’international. 

Enfin, la rentrée politique s’annonce plombée par le scandale judiciaire autour de Begoña Gómez, épouse du Premier ministre, mise en examen aux côtés de son ex-assistante à La Moncloa pour malversation présumée. Déjà visée par d’autres enquêtes pour trafic d’influence et corruption, elle doit comparaître en septembre, une affaire qui fragilise encore un exécutif sous haute pression.

 

Le dragon bleu s’invite sur les plages espagnoles

De la Costa Blanca aux Canaries, en passant par Majorque et Valencia, l’Espagne a vu surgir cet été un hôte aussi fascinant que redoutable : le dragon bleu (Glaucus atlanticus). Cette minuscule limace de mer, d’un bleu éclatant digne d’un Pokémon, a contraint les autorités à fermer plusieurs plages après des signalements répétés. 

@isb.dermatologo Dragón azul: la babosa que cierra playas en España #dragon #azul #dragonazul #mar #españa ♬ sonido original - Isb.dermatologo

Derrière son apparence photogénique se cache un véritable prédateur : flottant à la surface grâce à une bulle de gaz, il se nourrit de méduses urticantes, dont il recycle les cellules venimeuses pour les concentrer dans ses propres appendices. Résultat : une piqûre souvent plus douloureuse que celle de ses proies, provoquant brûlures, nausées, vertiges, voire des réactions allergiques graves. 

Si les décès restent improbables, plusieurs baigneurs ont fini aux urgences — dont un enfant à Lanzarote — après avoir manipulé ces créatures. Pourtant, sur TikTok, certains vacanciers n’ont pas hésité à filmer leurs imprudences, allant jusqu’à embrasser l’animal ! Les experts sont formels : aussi spectaculaire soit-il, le dragon bleu ne doit jamais être touché. Son arrivée en Méditerranée et aux Canaries est un signal inquiétant du réchauffement aquatique, qui ouvre nos côtes à des espèces autrefois cantonnées aux eaux tropicales.


 

Des Canaries à Murcie, la crise migratoire rallume le feu politique et social 

L’été 2025 a révélé la fragilité du consensus espagnol sur la question migratoire. Alors que les Canaries, saturées par l’accueil de 5.200 mineurs isolés, ont commencé à transférer des jeunes demandeurs d’asile vers la péninsule, plusieurs régions gouvernées par le Parti populaire rechignent à les accueillir, sous la pression croissante de Vox. 

Le climat s’est envenimé à Torre-Pacheco (Murcie), où l’agression d’un vieil homme par trois jeunes d’origine marocaine a déclenché quatre nuits de violences : affrontements entre militants d’extrême droite, habitants et migrants, appels à des “ratonnades de migrants”, et treize arrestations. La première victime a été un adolescent espagnol d’origine marocaine. 

Dans ce contexte, Vox a durci son discours, allant jusqu’à proposer l’expulsion de millions d’immigrés et de leurs enfants, tandis que le PP adopte une posture ambiguë : condamnant la violence, mais mettant l’accent sur la responsabilité des migrants plutôt que sur les dérives de l’extrême droite. 

 

L'Espagne atteint un record de population grâce à l'immigration



L’Espagne, championne de la croissance… mais pas du pouvoir d’achat

Alors que l’Europe patine, l’Espagne surprend. Au deuxième trimestre 2025, son PIB a progressé de 0,7 %, dépassant les prévisions de la Banque d’Espagne et confirmant une trajectoire bien plus dynamique que celle de ses voisins. Avec une croissance attendue de 2,5 % sur l’année, Madrid s’impose une nouvelle fois comme la locomotive économique du Vieux Continent, portée par le tourisme, la consommation intérieure et l’investissement privé. Le marché du travail suit cette tendance : le chômage est tombé à son plus bas niveau depuis la crise financière. 

Mais derrière ces chiffres flatteurs, la réalité sociale est plus nuancée. Les salaires stagnent, le pouvoir d’achat s’érode face à l’inflation, et la crise du logement s’aggrave, alimentée par la pression touristique et les investisseurs étrangers. L’immigration, qui compense une démographie déclinante et dope mécaniquement la croissance, contribue aussi à un PIB par habitant en recul. Bref, si l’Espagne peut se targuer d’être l’économie avancée qui croît le plus vite, beaucoup d’Espagnols peinent à ressentir les bénéfices d’un boom qui reste largement statistique.

 

Séville, capitale mondiale du streaming avec La Vela del Año 5

Sous un soleil de plomb et devant 80.000 spectateurs réunis au stade de La Cartuja à Séville, le streamer Ibai Llanos a une nouvelle fois bouleversé les codes de l’événementiel numérique avec La Velada del Año 5. Entre concerts survoltés et combats de boxe spectaculaires, la soirée a battu un record mondial d’audience sur Twitch avec près de 10,9 millions de spectateurs simultanés, pulvérisant le précédent établi en 2024. 

Dans l’arène, les affrontements ont tenu toutes leurs promesses : Peereira et Alana Flores se sont imposés, Perxitaa a signé le K. O. le plus rapide de la soirée, tandis que le duel Abby–RoRo a électrisé les foules. Grefg, lui, a littéralement écrasé WestCol, offrant l’un des moments les plus marquants de la nuit. Mais au-delà des résultats sportifs, c’est la capacité d’Ibai à fédérer des millions de spectateurs autour d’un spectacle hybride, entre boxe et pop culture, qui impressionne : La Velada s’est imposée comme l’événement digital le plus suivi de l’histoire en langue espagnole, confirmant l’influence mondiale grandissante du streaming hispanophone.

 

Football féminin : une finale historique mais cruelle pour la Roja

Le 27 juillet 2025 restera une date historique pour le football féminin espagnol. À Bâle, la Roja a disputé la première finale d’un Euro féminin de son histoire, face à l’Angleterre, championne en titre. L’Espagne avait pourtant ouvert le score grâce à un superbe coup de tête de Mariona Caldentey après un centre millimétré d’Ona Batlle, avant qu’Alessia Russo n’égalise pour les Lionesses en seconde période. 

Domination, occasions multiples — notamment trois franches pour Salma Paralluelo en prolongation —, tout laissait espérer un sacre inédit. Mais la loterie des tirs au but a été fatale : malgré deux arrêts décisifs de Cata Coll, la Roja a échoué par trois fois, laissant l’Angleterre l’emporter (3-1) et conserver sa couronne européenne. « Cruel », résumait Aitana Bonmatí, élue Ballon d’Or 2023, au terme d’un tournoi où l’Espagne avait déployé le plus beau jeu et battu record sur record. Si la coupe s’échappe, le symbole reste immense : l’Espagne est désormais installée parmi les grandes puissances mondiales du football féminin.

 

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