En 40 ans de démocratie, on n’avait jamais vu ça. Habitué au bipartisme, l’Espagne n’avait pas encore goûté aux joies de la coalition. Encore que… Au niveau local, le modèle a déjà fait ses preuves, avec plus ou moins de succès. A l’instar de l’Europe où les coalitions sont majoritaires.
Jusqu’à mardi dernier, l’Espagne était le seul pays de l’Union européenne, avec Malte, à n’avoir jamais connu de gouvernement de coalition ou de cohabitation. Avec la fin du bipartisme PSOE-PP et l’arrivée sur la scène politique d’une multitude de nouveaux partis ces dernières années, c’était pourtant quelque chose de prévisible, voire inévitable. Rappelons que l’instabilité politique en Espagne remonte aux élections de décembre 2015, avec l’irruption de Podemos et de Ciudadanos qui avaient mis un terme au bipartisme. Fini les majorités absolues. Des alliances étaient nécessaires pour pouvoir gouverner et cela semblait bien être le problème.
Cependant, à l’échelle locale, l’Espagne a appris à vivre au quotidien avec des gouvernements de coalition. En plus des nombreuses mairies, treize des dix-sept Communautés Autonomes espagnoles ont un exécutif qui gouverne en coalition, comme c’est le cas de l’Andalousie ou Madrid. Alors, pourquoi pas le gouvernement central ? Après quatre élections générales en 4 ans, et 540 millions d'euros de dépensés pour élire les représentants du peuple, l’Espagne rejoint ainsi la longue liste des pays européens qui ont un gouvernement de coalition. Le risque de blocage politique semble effacé même s’il reste important.
Les 2/3 des pays européens gouvernent en coalition
Il est clair qu’en Europe le système électoral de nombreux pays, très proportionnel lorsqu'il s'agit de traduire le pourcentage de voix en sièges, rend de plus en plus difficile pour un seul parti d’obtenir une majorité écrasante. De plus, la fragmentation de la scène politique avec l'éclosion de nouvelles formations et la crise des grands partis politiques traditionnels ont provoqué la multiplication des coalitions. Elles sont devenues monnaie courante dans des pays comme l’Allemagne, le Portugal, la Suède ou la Belgique, sans parler des problèmes en Grèce ou en Italie qui a connu pas moins de 70 gouvernements depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Ainsi, les deux tiers des pays européens sont actuellement gouvernés par une coalition, au sens large du terme, puisqu’il peut s’agir d’un gouvernement en minorité qui a besoin de pactes ponctuels, ou d’une cohabitation à la française, avec un président et un premier ministre de partis diamétralement opposés ou encore de partis qui se sont mis d’accord avant les élections. Dans le même cas que l’Espagne, se trouvent les gouvernements de la Suède, la Norvège, Slovénie, Belgique et République tchèque, qui sont également minoritaires et nécessitent donc des soutiens supplémentaires pour mener à bien leurs initiatives. Reste à savoir si cela sera possible pour Pedro Sanchez qui, pour gouverner avec Unidas Podemos, aura besoin de l’abstention des indépendantistes. La grande question est donc de savoir si l'Espagne est véritablement sortie de l’impasse ou si elle est vouée à l'instabilité politique. L’avenir nous le dira.