1er gouvernement de coalition de la démocratie: l'Espagne se normalise

Par Armelle Pape Van Dyck | Publié le 08/01/2020 à 17:33 | Mis à jour le 08/01/2020 à 18:51
Photo : Copie d'écran Youtube
sanchez iglesias

En 40 ans de démocratie, on n’avait jamais vu ça. Habitué au bipartisme, l’Espagne n’avait pas encore goûté aux joies de la coalition. Encore que… Au niveau local, le modèle a déjà fait ses preuves, avec plus ou moins de succès. A l’instar de l’Europe où les coalitions sont majoritaires.


Jusqu’à mardi dernier, l’Espagne était le seul pays de l’Union européenne, avec Malte, à n’avoir jamais connu de gouvernement de coalition ou de cohabitation. Avec la fin du bipartisme PSOE-PP et l’arrivée sur la scène politique d’une multitude de nouveaux partis ces dernières années, c’était pourtant quelque chose de prévisible, voire inévitable. Rappelons que l’instabilité politique en Espagne remonte aux élections de décembre 2015, avec l’irruption de Podemos et de Ciudadanos qui avaient mis un terme au bipartisme. Fini les majorités absolues. Des alliances étaient nécessaires pour pouvoir gouverner et cela semblait bien être le problème.

Cependant, à l’échelle locale, l’Espagne a appris à vivre au quotidien avec des gouvernements de coalition. En plus des nombreuses mairies, treize des dix-sept Communautés Autonomes espagnoles ont un exécutif qui gouverne en coalition, comme c’est le cas de l’Andalousie ou Madrid. Alors, pourquoi pas le gouvernement central ? Après quatre élections générales en 4 ans, et 540 millions d'euros de dépensés pour élire les représentants du peuple, l’Espagne rejoint ainsi la longue liste des pays européens qui ont un gouvernement de coalition. Le risque de blocage politique semble effacé même s’il reste important.


Les 2/3 des pays européens gouvernent en coalition

Il est clair qu’en Europe le système électoral de nombreux pays, très proportionnel lorsqu'il s'agit de traduire le pourcentage de voix en sièges, rend de plus en plus difficile pour un seul parti d’obtenir une majorité écrasante. De plus, la fragmentation de la scène politique avec l'éclosion de nouvelles formations et la crise des grands partis politiques traditionnels ont provoqué la multiplication des coalitions. Elles sont devenues monnaie courante dans des pays comme l’Allemagne, le Portugal, la Suède ou la Belgique, sans parler des problèmes en Grèce ou en Italie qui a connu pas moins de 70 gouvernements depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Ainsi, les deux tiers des pays européens sont actuellement gouvernés par une coalition, au sens large du terme, puisqu’il peut s’agir d’un gouvernement en minorité qui a besoin de pactes ponctuels, ou d’une cohabitation à la française, avec un président et un premier ministre de partis diamétralement opposés ou encore de partis qui se sont mis d’accord avant les élections. Dans le même cas que l’Espagne, se trouvent les gouvernements de la Suède, la Norvège, Slovénie, Belgique et République tchèque, qui sont également minoritaires et nécessitent donc des soutiens supplémentaires pour mener à bien leurs initiatives. Reste à savoir si cela sera possible pour Pedro Sanchez qui, pour gouverner avec Unidas Podemos, aura besoin de l’abstention des indépendantistes. La grande question est donc de savoir si l'Espagne est véritablement sortie de l’impasse ou si elle est vouée à l'instabilité politique. L’avenir nous le dira.

Armelle Pape van dyck

Armelle Pape Van Dyck

Rédactrice-en-chef des éditions de Madrid et Barcelone, Armelle connaît bien les rouages de la vie économique, politique et sociale de l'Espagne. Elle est vice-présidente de l’Association des Correspondants de Presse Étrangère.
7 Commentaire (s) Réagir
Commentaire avatar

Sandra mer 08/01/2020 - 23:23

Merci pour votre article. L'éclairage sur le cas d'autres pays d'Europe est le bienvenu, c'est un aspect qui est rarement évoqué dans la presse espagnole. Le rappel sur les coalitions et cohabitations en France et ailleurs est intéressant. Cependant, en ce qui concerne les cessions accordées par Pedro Sánchez pour obtenir sa très fragile majorité (167 oui, 165 non, 18 abstentions en 2ème votation), il aurait été important quand même de citer EH-Bildu, parti héritier du mouvement terroriste ETA et qui n'a jamais accepté de demander pardon aux victimes ; et par ailleurs quelques précisions sur les termes de l'accord avec le parti indépendantiste ERC: les indépendantistes ont obtenu de Pedro Sánchez qu'il organise une "table de négociation" bilatérale (entre l'Espagne et la Catalogne, alors que le "conflit" en réalité est un problème entre Catalans) qui omet complètement les non-indépendantistes, pourtant majoritaires en Catalogne, et qui propose un référendum réservé aux Catalans, au lieu de demander leur avis à l'ensemble des Espagnols. Cette consultation n'est donc pas constitutionnelle. Rappelons que l'Espagne, d'après sa Constitution, est indivisible, tout comme la France. Et enfin, vous ne dites pas que Podemos est un parti d'extrême gauche-communiste. La présence de Podemos au gouvernement a des implications très préoccupantes pour la politique économique et pour l'emploi (alors que l'Espagne était péniblement sortie de la grave crise grâce aux réformes entreprises par le gouvernement précédent) et pour aussi par rapport aux relations avec l'Amérique latine, Podemos étant complice avec la dictature de Nicolas Maduro au Venezuela.

Répondre
Commentaire avatar

Pas lun 13/01/2020 - 11:35

Tout à fait d'accord avec Sandra, je n'aurais pas mieux dit. De ce point de vue l'article de la journaliste présente quelques défaillances. Ajoutons que cette coalition tout à fait bizarroïde l'est avec un parti de plus en plus marginalisé dans les dernières enquêtes d'opinion et dans les votes. Podemos est un parti totalement en perte de vitesse. J'ajoute un fait absolument révoltant: ce week-end Podemos a participé à une manifestation de soutien aux prisonniers de l'ETA: SOUTIEN A DES TERRORISTES !!! pour un parti de gouvernement: ça commence très mal !!!

Répondre
Commentaire avatar

Mario Giménez ven 10/01/2020 - 23:03

Sandra: Très d'accord avec votre commentaire. La politique en Espagne est maintenant un problème sérieux avant de commencer le gouvernement

Répondre
Commentaire avatar

Jeff ven 10/01/2020 - 14:55

Tout à fait d'accord avec le commentaire de Sandra.Ce sera donc une normalisation par le bas qui ne pourra que conduire à l'afaiblissement du pays! J'ajouterai enfin que certains partis sur lesquels le PSOE s'appuie feraient sûrement l'objet d'interdictions en France pour être l'émanation de mouvements terroristes. Bref, en matière de coalition n'est pas l'Allemagne qui veut...

Répondre
Commentaire avatar

Giel358 jeu 09/01/2020 - 17:45

Bravo Sandra pour cette mise au point que même la presse omet souvent de présenter... surtout celle de gauche. La chance de l'Espagne réside dans le rejet du budget que devra présenter prochainement ce fantoche de Sanchez, budget qui sera remis en cause par l'UE mais - espérons-le - par les petits partis régionalistes qui ne verront aucune suite favorable à leur soumission. Somme toute, un seul transfuge suffit pour la déroute de "Pedro del Gran Poder".

Répondre
Voir plus de réactions
À lire sur votre édition locale
À lire sur votre édition internationale