C’est sans conteste l’une des expositions de l’année. Son succès est tel qu’il est conseillé de réserver. Et pour cause. Le musée présente pour la 1ère fois en Espagne une exposition consacrée à Rembrandt en tant que portraitiste, un genre dans lequel le peintre néerlandais a aussi excellé.
"Rembrandt et le portrait à Amsterdam, 1590-1670" propose jusqu’au 24 mai un superbe voyage chronologique au travers du portrait à l’époque de l'âge d'or de la peinture néerlandaise. Une centaine d'œuvres de Rembrandt et d’autres peintres contemporains présents, comme lui, à Amsterdam pendant le "siècle d'or" hollandais sont exposées, certaines jamais vues auparavant en Europe.
Comme l'a souligné Mar Borobia Guerrero, conservatrice de peinture ancienne du musée Thyssen-Bornemisza, l'idée de faire une telle exposition leur était venue il y a cinq ans. Le point de départ étant sans doute le superbe "Autoportrait avec une casquette et deux chaînes" que le baron Thyssen avait acheté en 1976. Mais il était préférable de patienter jusqu’à la fin des différentes expositions fêtant le 350eme anniversaire de la mort de Rembrandt l’an passé. L’attente a en effet valu le coup et l’on peut admirer des œuvres fournies par le Musée d'Amsterdam et d’autres galeries d'art telles que l'Hermitage de Saint-Pétersbourg, le Metropolitan de New York, le National Gallery de Washington ou la National Gallery de Londres, ainsi que des collections privées.
L'exposition, organisée par Norbert E. Middelkoop, conservateur du Musée d'Amsterdam, permet de découvrir la variété et la qualité de ces œuvres et de se familiariser avec les histoires derrière les personnages représentés: couples mariés, artisans, enfants, érudits, hommes d’entreprises, les peintres eux-mêmes, ainsi que des portraits de groupe exceptionnels.
Les Selfies du XVIIème siècle
Il faut dire que les portraits étaient très "tendance". Jusqu’alors réservé aux nobles et à l’aristocratie, le portrait devient l’apanage d’une nouvelle classe sociale, la riche bourgeoisie qui se doit d’avoir au moins un portrait de la famille accroché en bonne place au salon. Amsterdam est alors une ville portuaire qui connait une brillante ascension et, comme dans le Paris du XIXe siècle, si un artiste voulait réussir au XVIIe siècle, l'une des meilleures villes pour y vivre et travailler était Amsterdam.
Les peintures d'autres peintres tels que Cornelis van der Voort, Werner dan den Valcklert, Frans Hals ou Jacob Backer, prédécesseurs et contemporains de Rembrandt, sont également exposées, montrant ainsi le contexte de l'une des villes les plus riches de l’époque. "Nous pensons que Rembrandt, comme la plupart de ses contemporains, a aussi réalisé des autoportraits pour se promouvoir. C'était un outil de marketing", explique Norbert E. Middelkoop, conservateur du musée d'Amsterdam.
Rembrandt se prépare donc à copier ceux qui avaient travaillé avant lui comme portraitiste. Mais il introduit vite de nouvelles ressources qui démontrent son génie. Il apporte de la fraîcheur au portrait, et est le premier à donner du mouvement, de la liberté à ses modèles. Ce n'étaient pas que des visages. Il y avait aussi de l'action. Un exemple évident est "Portrait d'un homme à son bureau" (photo), de 1631. "Vous avez le sentiment que sa concentration est interrompue", explique Middelkoop. Les portraits de Rembrandt reflètent également les émotions des modèles. "Nous voyons des personnages, des émotions", explique Mar Borobia Guerrero, conservatrice de peinture ancienne du musée Thyssen-Bornemisza. "Nous retrouvons ce que la tristesse ou le découragement peuvent être... Mais aussi, bien sûr, nous trouvons de la joie. Ce sont des personnages qui méditent toujours, qui font face au spectateur pour lui dire quelque chose".
Les modes changent et la façon dont les bourgeois veulent être immortalisés évolue avec les années. Les clients commencent à payer pour des œuvres dans lesquelles ils n’ont plus l’air de poser. C'est le cas de tableaux comme "Le chirurgien Jacob Fransz et sa famille", d'Egbert van Heemskerck. Puis, le style des portraits se modifie encore car les aspirations des nouveaux riches évoluent. Ils exigent des portraits plus "aristocratiques", avec des costumes colorés et encadrés dans des pièces qui pourraient être celles d’un palais. En revanche, Rembrandt, lui, n'a jamais voulu changer de style et c'est pourquoi à la fin de ses jours, certains de ses disciples sont plus populaires que lui. L’éternel choc des générations!
Plus d'informations: www.museothyssen.org