Au théâtre du Barbican Centre de Londres, la saison automne–hiver s’ouvre sur un choc théâtral : ROHTKO, fresque monumentale signée Łukasz Twarkowski, pour la première fois présentée au Royaume-Uni les 3,4 et 5 octobre. Conçu en collaboration avec la dramaturge Anka Herbut et produit par le Dailes Theatre de Riga, le spectacle revient sur la vie du peintre Mark Rothko et interroge plus largement la valeur de l’art et son évolution. à l’heure des imitations, des NFTs et de la spéculation effrénée.


Ce week end se joue au Barbican Centre ROHTKO un spectacle qui mêle théâtre et cinéma pensé par Łukasz Twarkowsk en collaboration avec la dramaturge Anka Herbuti. Long de 3h55 avec entracte, joué en letton, anglais et chinois et surtitré en anglais, ROHTKO s’annonce comme une épreuve physique autant qu’intellectuelle. Le spectacle revient sur la vie du peintre Mark Rothko et interroge plus largement la valeur de l’art à l’heure des imitations, des NFTs et de la spéculation effrénée.
La mise en scène du scandale de 2004
Tout part d’une histoire vraie : celle d’un des plus gros scandales du marché de l’art. En 2004, un tableau supposément peint par Mark Rothko est vendu huit millions de dollars par la prestigieuse Knoedler Gallery. Sept ans plus tard, l’œuvre se révèle être une contrefaçon signée Pei-Shen Qian, un peintre chinois inconnu du public installé dans le Queens. Łukasz Twarkowski utilise cette esclandre en point de départ pour porter une réflexion plus large sur notre manière de consommer l’art. Le spectateur est plongé au cœur du dilemme : l’appréciation d'une œuvre dépend-t-elle de l’émotion ressentie ou de la main qui la signe ?
Le metteur en scène polonais déploie ici un “théâtre total” : une oeuvre lourde de près de quatre heures d’immersion où se croisent les toiles de Rothko, l’abstraction américaine des années 1960, la philosophie chinoise et les artefacts numériques contemporains.
ROHTKO, plus qu’une expérience, un cocktail sensoriel
ROHTKO fait appel, voire dérange, les sens du spectateur. Les comédiens fument sur scène, la fumée gagne la salle, des stroboscopes rouges et bleus éblouissent les spectateurs, tandis que la bande-son techno martèle la pièce. Le public accède à deux points de vue : il regarde les acteurs jouer dans ces décors sophistiqués, puis peut voir la retranscription de la scène sur des écrans. Ainsi, l’audience est immergée dans une confusion d’images et de sons qui brouille les repères entre l’original et la copie, entre la vérité et l’illusion.
Ce questionnement philosophique entre copie et imitation revient de nouveau comme un gimmick: Si une “copie” parvient à émouvoir, n’a-t-elle pas sa propre authenticité ? Et dans un monde où l’art circule sous forme numérique, qu’est-ce qui fait encore la valeur d’une œuvre : la main de l’artiste, la signature, le marché, ou le regard du public ?
L’avertissement du Barbican est clair : le volume sonore est volontairement élevé et les effets stroboscopiques sont intenses. Mais c’est précisément dans cette violence sensorielle que réside la puissance du spectacle : faire ressentir, presque dans la chair, la turbulence d’un monde où l’art, comme l’argent, perd ses repères.
La critique du capitalisme du monde de l’art(gent)
Alors que le spectacle s’ouvre sur une mise en scène sobre : un livreur sur fond noir regarde le public dans les yeux avant que le mot “Capitalisme” apparaisse en lettres capitales sur les écrans. Car ROHTKO ne se limite pas à une histoire de scandale de contrefaçon, il tend un miroir à notre époque, et à notre manière de consommer l’art.
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