L'entrepreneuriat outre-Manche n’est pas mort. Des Français continuent de s’installer à Londres pour lancer de nouveaux projets. Nous avons rencontré Nicolas Croix qui nous parle de son expatriation et du lancement de son application Moonworkers qui simplifie le recrutement. Mais pas que.
Nicolas est arrivé avec sa famille au Royaume-Uni il y a quatre ans, quelques semaines après le ‘fameux’ référendum qui pousse depuis le pays, petit à petit, vers la sortie de l’Union Européenne. Comme Sophie, son épouse, il a fait une école de cinéma et tous les deux ont travaillé ensuite dans la production audiovisuelle. « Elle continue dans cette voie, explique-t-il, mais pas moi. A la sortie de l’école je me suis associé avec un réalisateur de films. Nous développions des séries documentaires et des captations de spectacles. Puis je me suis intéressé de plus près à la montée en puissance du digital, de Youtube. J’ai vendu les parts de ma société et me suis lancé sur le secteur des nouvelles technologies ».
Il se consacre alors pendant plusieurs années à la production digitale, après avoir obtenu un Master à l’école des Gobelins en design et en gestion de business digital. A 34 ans, il a des envies d’ailleurs, de progresser encore dans sa carrière et surtout de vivre une première expérience professionnelle à l’étranger. C’est ainsi qu’il décide de parachever sa formation avec un Master en Business à Cambridge.
Les premières joies de l’expatriation
2016 marque le début d’une vraie aventure familiale, puisque sa femme et sa fille Selina (7 ans) ne parlent presque pas un mot d’anglais à leur arrivée à Cambridge. Si lui est comme un poisson dans l’eau dans son université, l’intégration est difficile pour le reste de la famille. D’une part parce que le réseau francophone de la ville est très étriqué, et d’autre part parce que sa fille pleure tous les soirs en rentrant de l’école. « Les quatre premiers mois ont été terribles, puis, presque du jour au lendemain Selina est devenue bilingue. Cela a tout changé et lui a donné une faculté d’adaptation incroyable. Elle a désormais un vrai feeling pour tisser des liens avec les autres enfants de toutes nationalités. Après une année à Cambridge, nous nous sommes installés à Londres et elle a déjà fait trois écoles différentes. Aujourd’hui scolarisée au CFBL à Kentish Town (le Collège Français Bilingue de Londres), elle était avant à La Petite Ecole Française, située proche de Notting Hill. Un établissement extraordinaire, pour la qualité de la formation, l’engagement de tout le staff aux côtés des enfants et surtout pour une chose qui vaut de l’or : elle a appris à aimer apprendre ».
Des expériences qui mènent toutes au même projet
En travaillant dans l’audiovisuel puis dans le digital, Nicolas s’est retrouvé confronté au même constat : la difficulté de créer un vrai réseau et de recruter des talents pour ses projets. « Quand tu diriges une petite entreprise, tu travailles souvent avec les mêmes personnes de confiance. Mais lorsque tu fais face à une croissance soudaine d’activité avec de nouvelles missions, il est parfois difficile de trouver des professionnels disponibles et en phase avec tes méthodes de travail. Disposer de profils estampillés ‘qualité’ avec la même vision artistique des choses, cela n’est pas évident à dénicher ». C’est de l’identification de cette problématique qu’est née l’application Moonworkers. « Mes amis et anciens collègues sont venus me voir à Londres et m’ont confirmé qu’en 10 ans rien n’a changé. Les ressources humaines sont toujours difficiles à trouver, il faut constamment définir et négocier les prix, les freelances ont du mal à se vendre… Je me suis dit qu’il fallait créer une plateforme online, fidèle à ce qui se passe offline. J’ai alors créé Moonworkers avec mon ancien patron, Sami Meziani aujourd’hui expatrié à Bangkok, qui était le leader technique dans mon activité de production digitale ».
Moonworkers : une plateforme pour booker, gérer, payer des freelances et des intérimaires
Le positionnement est intelligent. Car avec son application, Nicolas Croix challenge les plateformes traditionnelles ou les agences de recrutement qui peuvent prendre des commissions de l’ordre de « 10 à 30 % sur les salaires annuels ». Pour lui « par les temps qui courent, pour une petite entreprise, cela n’a pas de sens et cela constitue une vraie barrière à l’emploi ». Moonworkers est un facilitateur qui apporte, contre un abonnement mensuel pour les entreprises, un service gratuit de recrutement, associé à l’automatisation de toute la partie management et paye, y compris les déclarations faites à HMRC en quelques clics. « L’idée est de simplifier le recrutement, de réduire les coûts à zéro et de remplacer trois ou quatre solutions RH en une solution tout-en-un qui fait office d’agence ou de logiciel de recrutement, de logiciel RH pour gérer les employés et la paye ». Les métiers créatifs sont les premiers visés : production audiovisuelle, médias, marketing et communication, développement web et mobile, ingénierie du son… Mais l’application va s’ouvrir très prochainement à d’autres secteurs d’activité comme la restauration, l’hôtellerie ou le médical.
Une application qui source aussi les meilleurs profils pour vous
Evidemment, la plateforme lancée en mars, en pleine période de Covid-19, ne recense pas encore tous les talents qui vont continuer de s’inscrire. « Nous travaillons sur ce volet pour enrôler un maximum de bons profils et faire croître notre communauté. Notre force est aussi de répondre aux demandes externes comme celles émanant par exemple des agences de publicité qui ont licencié du monde pendant la crise. Elles sont aujourd’hui à la recherche de « contractors » pour remplacer les salariés. Cette semaine, l’une d’elles nous a contacté pour trouver un SEO manager (Ndlr : spécialiste en référencement naturel). Nous sommes très forts pour l’acquisition de talents et de profils séniors. Nous utilisons des robots capables de très vite les identifier sur LinkedIn. Nous incitons alors ces personnes à s’inscrire immédiatement sur notre plateforme pour que nos clients puissent faire leur marché. Cela fonctionne très bien ! »
La famille des applications pratiques s’est donc agrandie, comme la famille de Nicolas. Selina peut désormais jouer avec une petite sœur née il y a quelques mois à Londres.