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Quarantaine à l’arrivée : franc succès ou échec cuisant ?

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Manuel Peris Tirado - Unsplash
Écrit par Corentin Mittet-Magnan
Publié le 26 novembre 2020, mis à jour le 26 novembre 2020

Alors que la période d’isolement imposée aux voyageurs en provenance de pays considérés à risque sera bientôt réductible, quel bilan peut-on tirer de sa version précédente ?

 

Le secrétaire d’État aux Transports Grant Shapps l’a annoncé cette semaine. Les voyageurs en provenance d’un pays considéré à risque en raison du niveau de circulation du Covid-19 auront la possibilité de réduire leur quarantaine à cinq jours, contre quatorze actuellement, s'ils sont en mesure de fournir un test négatif.

Ce nouveau dispositif doit permettre de faciliter les voyages et dans le même temps la reprise d’une partie de l’économie, des échanges culturels ainsi que les rassemblements familiaux. Au-delà de cette bonne nouvelle pour les millions de personnes amenées pour des raisons personnelles ou professionnelles à se rendre au Royaume-Uni, cette décision interroge. Pourquoi n’a-t-elle pas été prise plus tôt mais surtout le système précédent était-il véritablement efficace ?

Nous prendrons dans cet article le parti pris suivant : un contrôle stricte des arrivées et des départs est nécessaire dans le cadre d’une pandémie. Mais celui-ci doit être fait de façon disciplinée, les menaces de sanctions et d’amendes sonnent creux s’il n’y a pas de contrôles réels pour faire respecter les mesures liées à la quarantaine.

 

Une mesure peu contrôlée

Nous avons, pour la rédaction de cet article, interrogé une trentaine de personnes sur le déroulement de leur quarantaine et de son contrôle. Sur cet échantillon, le nombre de personnes ayant déclaré avoir été contrôlées est extrêmement faible. Nous n’en avons recensé que quatre. D’ailleurs, un document de la chambre des Communes rendu public le 5 novembre avait reporté qu’entre le 15 juin et le 19 octobre, seulement 380 contrôles à domicile avaient été effectués. Au total, 125 amendes pour non-respect de la quarantaine ont été distribuées sur la même période en Angleterre. Ces chiffres, très faibles, soulevent de nombreuses interrogations.

Au sein de la rédaction, plusieurs d’entre-nous ont passé les contrôles douaniers des aéroports londoniens et du tunnel sous la Manche à Calais sans que les autorités britanniques ne vérifient que le formulaire contact répertoriant le lieu et les dates de début et de fin de la quarantaine ait été dûment complété. Cette situation a d’ailleurs semblé bien familière à bon nombre de voyageurs. Les groupes Facebook d’expatriés l’ont fait circuler dès les premiers jours de la mise en place de la quatorzaine pour les voyageurs en provenance de la France. Un nombre conséquent de voyageurs n’a donc pas du se donner la peine de remplir ce document puisqu’ils savaient pouvoir passer entre les mailles du filet sans trop d’efforts.

Thomas (tous les prénoms ont été changés), étudiant français à Bristol, nous raconte son expérience. Au départ de l’Eurostar à Paris, les employés de la compagnie ont vérifié qu’il avait bien complété son formulaire. Puis, arrivé à Londres et lors de la suite de son voyage pour rejoindre Bristol, aucun contrôle. L’absence de vérifications le pousse, dans un premier temps à se dire qu’il pourrait sans difficulté s’autoriser quelques sorties. Le lendemain de son arrivée, des premiers symptômes du virus sont apparus. Il décrit une maladie qui l’a « complètement séché, [..] cuit ». Malgré des demandes auprès de son université et du NHS, il ne réussira pas à obtenir un test. Dans son entourage « très peu ont respecté pleinement » la quatorzaine.

Mathilde, étudiante dans le Kent, déclare avoir respecté la quatorzaine lors de la première semaine mais s’être permise des sorties lors de la deuxième semaine en voyant qu’elle n’était pas contrôlée. Plus tard, deux personnes de son entourage de retour de France, ont reçu des appels des autorités vérifiant qu’ils respectaient bien les règles d’isolement. Dans son entourage, ces appels ont eu comme effet de pousser d’autres étudiants arrivant dans le Kent à respecter la quatorzaine.

 

Effet pervers

L’absence de contrôles, très vite connue de tous, aurait donc incité un nombre important de personnes à ne pas respecter la quatorzaine. Si certains ont probablement su faire preuve de civisme en limitant leurs sorties à l’exercice physique individuel, à une balade ou à des courses essentielles, il est probable que d’autres n’aient pas souhaité en faire autant. Des voyageurs ont à coup sûr profité de la légèreté des contrôles pour ne pas remplir le formulaire et s’écarter ainsi de l’ensemble du dispositif.

Le manque de volonté réelle à faire respecter cette mesure explique donc ce résultat. Aujourd’hui, plusieurs dizaines de pays (dont la quasi-totalité des pays européens) sont considérés à risque par le gouvernement britannique. La décision d’imposer une quatorzaine aux voyageurs en provenance de ces pays a-t-elle permise d’éviter la propagation du virus dans le pays et une deuxième vague ? La réponse est non. Aujourd’hui, la circulation du virus est sensiblement au même niveau au Royaume-Uni que dans les pays jugés à risques par ce dernier.

 

Un véritable contrôle du respect de la quatorzaine aurait permis d’éviter l’arrivée de cas de Covid-19 depuis l’étranger. A l’inverse, la deuxième vague est là et le pays est à présent reconfiné. Des familles n’ont pas pu se réunir, des partenaires commerciaux n’ont pas pu se rencontrer. Le tout, sans pour autant faire baisser le nombre d’infections. Le bilan de cette mesure, en l’état actuel, apparaît bel et bien comme un échec cuisant.

 

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