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Gaston Savina, chef privé : “Tout est sur mesure, nous n’avons aucune limite”

Balmain, Givenchy, Chloé, Jaquemus, Samsung… tous ont un point commun : ils ont fait appel à Gaston Savina pour l’un de leurs événements. Chef privé installé à Londres, Gaston Savina s’est fait connaître du grand public lors de sa participation à Top Chef. Un an après le tournage de cette saison 14, lepetitjournal.com s’est entretenu avec lui afin d’évoquer ses débuts, engagements, projets et inspirations dans son métier.

Gaston SavinaGaston Savina
© Cody Bamford photography
Écrit par Daphnée Quentin
Publié le 27 décembre 2023, mis à jour le 28 décembre 2023

Comment se sont passés vos débuts de chef privé ?

Je me suis lancé très jeune à mon propre compte, à Londres et pensais avoir un événement par semaine. Quand j’ai vu que j’en organisais beaucoup plus, je ne comprenais pas vraiment, j’avais le syndrome de l’imposteur !

Un jour j’ai demandé à mon client pourquoi il faisait appel à mes services. Pour lui, aller au restaurant signifiait faire appel à des taxis pour rentrer le soir, avoir des babysitters, et bien souvent n’avoir une réservation que d’une heure et demi… Avec moi, il peut bénéficier d’un menu créé spécialement pour s’adapter à ses vins, dans un lieu chaleureux et beaucoup plus intime, sans contrainte.

 

Avec mes clients, j’ai le privilège d’avoir carte blanche dans 90% des cas. C’est un peu devenu ma marque de fabrique !

Quels sont les différents rôles dans votre profession ?

Chef privé est un métier qui permet aux clients de recevoir une prestation chez eux, sans passer par un traiteur. Je fournis un travail personnalisé, avec de très beaux menus, quelque chose d’assez prestigieux. Pour chaque client, l’événement est unique et clé en main, nous nous occupons du service de table, des prestations événementielles… Récemment pour 50 minutes inside, nous avons fait venir une harpiste, des musiciens et des performeurs. Tout est sur mesure, nous n’avons aucune limite.

Gaston Savina
© Cody Bamford photography, événement organisé pour 50 minutes inside

Avec mes clients, j’ai le privilège d’avoir carte blanche dans 90% des cas. C’est un peu devenu ma marque de fabrique ! Évidemment, nous nous adaptons à notre clientèle que nous voulons mettre en valeur. Lorsqu’ils sont français, je peux faire un menu avec des petites touches de leur région qui vont aller avec les vins de leurs choix. Lorsqu’il s’agit d’une marque, nous reprenons ses codes dans nos plats. Nous nous adaptons aussi sur le personnel : parfois, nous sommes plus de vingt car les plats doivent être servis en même temps, ou qu’il y a des fresques à installer et un énorme budget fleurs. À l’inverse, j’ai pu être seul à servir jusqu’à vingt personnes pour des cabinets d’avocats ou d’architectes car la confidentialité y est maître. 

 

Que préférez-vous dans votre métier ?

Chef privé s’arrête souvent à l’art de la table, mais j’aime toute la scénographie de l’événement. C’est aussi cela le luxe : tout gérer de A à Z, le cocktail d’arrivée, le vestiaire, l’éclairage… 

J’ai aussi toujours aimé les événements de la Fashion Week car ils sont très créatifs. Ce sont des soirées souvent trop extravagantes pour les particuliers mais les marques de luxe y voient de la recherche et de la créativité.

 

Quelles sont vos inspirations en cuisine ? 

J’ai grandi avec mes grands-mères et ma cuisine s’en inspire beaucoup. Du côté paternel, elle était très proche de la terre, nous allions à la chasse aux châtaignes et à la pêche. Du côté maternel, mes grands-parents avaient une éducation bourgeoise. Ma grand-mère adorait faire de belles tables, nous aimions ranger les jolis livres devant la table, mettre beaucoup de verrerie, des portes couteaux… Mon grand-père était un amateur de saumon en bellevue et il ramenait toujours une petite boîte de caviar pour Noël. J’essaie de garder ces codes dans ma cuisine, en mélangeant le produit, l’artisanat et la luxure. J’aime ce savoir-faire que l’on a en France, ce que l’on appelle aussi le “savoir-recevoir”.

 

Pourquoi avez-vous décidé de vous installer au Royaume-Uni ?

Pour être honnête, je ne sais pas. Comme beaucoup de personnes, je voulais apprendre l’anglais, j’avais fait un bac professionnel mention européenne et je pensais être très doué en anglais alors qu’en réalité, je ne l’étais pas du tout ! Je suis resté un peu plus longtemps pour me perfectionner, et cela fait maintenant neuf ans que je suis à Londres. Même après toutes ces années, mon accent reste catastrophique… Mais je pense que cela m’a ouvert des portes à mes débuts, j’apportais une “French Touch” !

 

Il y a un rapport de genre à la cuisine qui persiste. Cela concerne toutes les minorités : les femmes, la communauté LGBT+... 

En tant que chef queer, avez-vous le sentiment que ce sujet est toujours tabou en cuisine ?

Je ne pense pas que ce soit un sujet tabou, mais il y a un rapport de genre à la cuisine qui persiste. La preuve en est, les femmes ont moins de place dans les cuisines que les hommes, elles sont moins nombreuses à être cheffes étoilées. Cela concerne toutes les minorités : les femmes, la communauté LGBT+... C’est une réalité dont nous parlons ouvertement au Royaume-Uni. En France, ce n’est pas tabou mais nous n’y accordons pas assez d’importance. 

J’ai toujours préféré dire tout de suite que j’étais gay, parce que je suis chef privé, et que je rentre dans l’intimité des gens. Je défends cette cause en privé, parfois en public, mais je la dissocie de mon travail. Lors d’un repas que j’avais organisé, j’ai néanmoins été très touché par une cliente. L’un de leurs invités tenait des propos homophobes très normalisés, je n’ai rien dit et suis resté professionnel. En relevant la tête, j’ai croisé le regard de ma cliente qui s’est levée et lui a demandé de partir. J’ai trouvé cela très beau, j’étais très ému et nous n’en avons jamais reparlé.

 

Comment s’est passée votre aventure Top Chef ? 

C'était une expérience incroyable, humainement et professionnellement. Comme nous le disons souvent, nous nous battons surtout contre nous-même à Top Chef. C’est pour cette raison que nous sommes restés proches entre candidats. Nous ne nous sentions pas du tout en compétition. 

Je pense que si nous demandons à seize maisons de couture de faire une robe, dans des conditions extrêmes, et que nous demandions à trois personnes de juger le résultat, les avis divergeraient. En cuisine, l’idée est la même. Nous avons tous des styles différents, et il est impossible de mettre dans la même case quelqu’un qui fait de la gastronomie, du bistrot, du moléculaire ou du terroir. Certains disent que Top Chef est aussi un parcours de vie, car pour comprendre la cuisine de quelqu’un, il faut comprendre son passé et connaître la profondeur de la personne. 

 

Envisagez-vous de nouveaux projets à venir ?

L’opportunité de reprendre un restaurant s’est présentée il y a peu, mais ne s’est pas concrétisée. Je ne pense pas que ce soit le moment idéal pour moi en ce moment car j’aime énormément mon métier et voyager, mais j’y réfléchis. J’ai déjà fait des résidences et d’autres propositions ont suivi, certaines devraient arriver sur Londres incessamment sous peu. 

Pour l’ouverture de Fox à Bruxelles, je suis parti rejoindre César Lewandowski qui y tient le stand “Lova”. Je pense faire bientôt des collaborations de ce genre à Londres, mais le marché est très différent car ils ne connaissent que Master Chef.

 

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