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En quoi la pêche est-elle un enjeu majeur des négociations du Brexit?

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Phil Dufrene - Unsplash
Écrit par Clara Grouzis
Publié le 10 septembre 2020, mis à jour le 10 septembre 2020

Les négociations du Brexit ont repris mardi 8 septembre entre l’Union Européenne, représentée par Michel Barnier et le Royaume-Uni, représenté par David Frost. Dans les discussions, un problème semble insoluble : la pêche.

La pêche est un enjeu majeur depuis le début des négociations sur le Brexit. Elle est aujourd’hui un des facteurs qui empêche les deux parties de trouver un accord post-Brexit. Les raisons sont à la fois historiques, économiques et politiques.
 

La pêche : un grief historique
 

Lorsque les îles britanniques sont entrées dans l’Union Européenne (UE) en 1973, la pêche a constitué dès le départ un sujet de désaccord. Les anglais ont été surpris d’apprendre que les six Etats déjà membres de la communauté s’étaient mis d’accord sur une Politique Commune de Pêche (PCP) au moment même où le Royaume-Uni, le Danemark, l’Irlande et la Norvège, des pays avec des eaux territoriales riches en poisson, voulaient adhérer à la communauté. Cette nouvelle règle avait failli compromettre l’adhésion du Royaume-Uni à la communauté, et il semblerait qu’elle ait marqué les esprits définitivement.


Des raisons économiques ?


La pêche ne représente que 0,12 % du revenu britannique, et pourtant c’est devenu un sujet épineux. D’après le Royaume-Uni, l’UE attrape huit fois plus de poissons dans les eaux britanniques que les anglais dans les eaux européennes. De même, un rapport de 2016 de l’université des Highlands and Islands affirme que, dans les eaux britanniques, 85% du poisson et des mollusques sont pêchés par les navires des autres Etats-membres. Ces chiffres expliquent en partie la volonté de Londres d’augmenter sa possibilité de prises dans ses eaux territoriales.

En effet, à ce jour, les navires européens ont le droit de pêcher dans les eaux territoriales britanniques ( Zone Économique Exclusive (ZEE) qui s’étend à 200 miles nautiques au delà de la côte) et les pêcheurs anglais peuvent accéder aux eaux territoriales des autres Etat-membres. Des totaux admissibles de capture sont fixés chaque année et fondés sur le partage des stocks. C’est-à-dire que le Royaume-Uni ne peut capturer qu’une certaine quantité de poissons, même dans ses propres eaux. Cette quantité est définie à l’avance par l’Union Européenne.
 

Politique : les deux parties adoptent des positions « maximalistes »


S’assurer du contrôle des poissons vivant dans les eaux britanniques constituait une des promesses de la campagne pro-Brexit de Boris Johnson. En 2016, il avançait déjà cet argument. Difficile donc de revenir sur ses promesses.
Le Royaume-Uni souhaite doubler ses prises de poissons dans ses eaux territoriales. Ce serait le signe d’une souveraineté retrouvée et donc un symbole important au moment du Brexit. Les dirigeants britanniques veulent un accord qui permette de définir les parts (la quantité de poissons que le pays peut attraper) en se fondant sur la quantité de poisson présente dans chaque ZEE. C’est déjà le cas avec la Norvège et cela permettrait aux britanniques de pêcher davantage dans leurs eaux territoriales.

De l’autre côté, les européens, guidés par huit pays dont la France, veulent conserver le statu quo et l’accord existant. En effet, celui-ci leur permet d’accéder aux eaux britanniques et d’y faire des récoltes fructueuses. Le négociateur en chef du Brexit pour l’UE, Michel Barnier, a affirmé que les deux positions étaient « maximalistes » et qu’il allait falloir trouver un compromis.


Le risque d’un « no-deal »


Si les deux parties n’arrivent pas à s’entendre pour trouver un accord sur la pêche, cela signifiera qu’au 1er janvier 2021, les bateaux britanniques n’auront plus accès aux eaux européennes et inversement. Pour le commerce, ce seront les taxes définies par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui s’appliqueront.

En réalité, les deux parties seraient perdantes sans accord. D’un côté, les européens, et particulièrement les pêcheurs français n’auraient plus accès aux eaux britanniques très riches en poisson. De l’autre côté, les anglais ne pourraient plus exporter et vendre leurs récoltes sur les ports français.

Il faut noter que 71% des exports de poissons et de fruits de mer britanniques vont vers l’Union Européenne. Sans accord, ces exports seront fortement taxés et cela risque d’avoir un impact économique important.

Enfin, il n’est pas impossible que des accrochages en mer aient lieu si les négociateurs venaient à se trouver dans une impasse quant au « deal post-Brexit ».
 

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