De l’Écosse ouvrière à la Chambre des Lords, Lord Charles Allen of Kensington CBE était en novembre l’invité exceptionnel de la French Chamber of Great Britain. Il a accueilli une vingtaine de participants au cœur même de la House of Lords, à Westminster. Dirigeant de premier plan, acteur clé des médias britanniques, artisan des Jeux olympiques de Londres 2012 et ancien président du Parti travailliste dans l’opposition, il a livré le récit d’une vie hors normes, avec quelques coulisses du pouvoir britannique…


“Je ne suis pas né dans la Chambre des Lords”. Bien au contraire, Charles Allen aime à rappeler qu’il a commencé en bas de l’échelle : “Je viens d’une famille très modeste d’Écosse.” Fils de coiffeur, il grandit dans un foyer marqué par la disparition prématurée de son père, alors qu’il n’a que 14 ans. Sa mère doit alors travailler pour la première fois de sa vie, devenant serveuse à la cantine de British Steel.
Alors qu’elle sert le dessert au directeur des ressources humaines, elle glisse que son fils est un garçon brillant. Quelques semaines plus tard, Charles Allen décroche un entretien puis un poste de “pre-graduate”. Il y bénéficie d’une formation d’élite, passe par les ressources humaines, la finance et les opérations, avant de devenir comptable.
Du désert saoudien aux plateaux de la télévision britannique
À peine entré dans la vie active, un événement anodin va tout changer : sa voiture tombe en panne. Refusant d’en racheter une, il cherche un emploi avec véhicule de fonction… et accepte finalement un poste à l’étranger, direction l’Arabie saoudite : “Je suis passé de l’Écosse à Riyad. Un choc culturel total.”
Pendant six ans, Lord Allen travaille pour le groupe Grand Metropolitan, où il gère hôtels et camps de milliers d’ouvriers dans le désert. À 26 ans, il devient recruteur international pour le groupe, sillonne le Moyen-Orient, puis rentre au Royaume-Uni, à 28 ans, comme directeur général d’une entreprise de restauration collective. Deux ans plus tard, il participe au plus grand rachat d’entreprise jamais réalisé alors dans le pays. Sa carrière bascule lorsqu’il rejoint Granada et se retrouve propulsé à la tête de l'audiovisuel, avant de piloter la transformation d’ITV : "J’étais l’expert-comptable qui dirigeait la restauration, puis le restaurateur qui dirigeait la télévision. Tout m’est arrivé à l’envers et je n’ai jamais fait qu’un seul métier”. Aujourd’hui encore, son portefeuille impressionne : “Ce qui relie tout ce que j’ai fait, ce sont les gens. Toujours les gens.”
Les Invictus Games de Lord Allen et du prince Harry
À ce titre, au milieu de ces responsabilités économiques, un engagement tient une place à part dans son cœur : les Invictus Games, créés avec le prince Harry pour les vétérans blessés de guerre. Vice-président des Jeux olympiques et paralympiques de Londres 2012, ancien maire du village olympique, Lord Allen y voit l’aboutissement humain de son parcours : “Il y a dix ans, 80 % des blessures étaient physiques. Aujourd’hui, 80 % sont psychologiques.”
Lors des Jeux d’hiver au Canada, il observe des familles dont les enfants voient la neige pour la première fois, des blessés amputés se lancer sur les pistes. “Un amputé est arrivé à skier et m’a dit : “Je l’ai fait.” Et tout était là, l’inspiration.”
La vie politique de Charles Allen, sans langue de bois
À 50 ans, Lord Allen refuse l’idée de “retraite” et décide de s’engager dans le service public. Il aide à restructurer le Home Office, l’un des ministères les plus complexes du Royaume-Uni, puis devient président du Parti travailliste lorsque celui-ci passe dans l’opposition. Sur le Brexit, il a un avis très prononcé : “J’y étais totalement opposé. Ça a été un désastre pour le pays.”
De fait, il affiche ses inquiétudes face à la dette, au manque de croissance, à la pression fiscale sur l’économie britannique et européenne : “On parle de croissance, mais je ne vois aucune politique de croissance concrète. On ne taxe pas son chemin vers le succès.” Interrogé sur la géopolitique, il est clair : “Je n’aurais jamais pensé voir la guerre revenir en Europe de mon vivant.”
Face aux participants français invités par la French Chamber of Great Britain, tous venus du monde de l’entreprise, il prodigue un conseil : “Ne prenez jamais votre retraite. On ne prend pas sa retraite, on se recentre,” et conclut en rappelant l’essentiel : “Une mauvaise stratégie avec des gens formidables vaut toujours mieux qu’une excellente stratégie avec de mauvaises personnes. Tout est dans l’exécution et les relations humaines.”
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