Il y a deux jours, nous célébrions avec émotion le 77ème anniversaire du D-day, soit le jour du débarquement des troupes alliées le 6 juin 1944 en Normandie. Pour l’occasion, un mémorial dédié aux soldats britanniques tombés sur les plages françaises a enfin été inauguré à Ver-sur-Mer, face aux longues étendues de sable qui, quelques décennies plus tôt, ont été les témoins d’une scène qui marquera pour toujours l’Histoire de l’Humanité.
Dix-huit hectares pour la mémoire
Jusqu’alors, aucun bâtiment ne témoignait du sacrifice britannique sur les côtes françaises, tandis que le cimetière d’Omaha Beach à Colleville-sur-Mer rend hommage aux Américains et que le centre Juno Beach à Corseulles-sur-Mer immortalise le dévouement canadien. Un oubli qu’Emmanuel Macron qualifia lui-même « d’anomalie ».
Finalement, c’est aujourd’hui chose faite notamment grâce à Liam O’Connor, architecte du lieu, et aux 30 millions de livres sterling dépensées pour sa construction, une acquisition issue en partie de dons privés. Le vétéran Harry Billinge, aujourd’hui âgé de 94 ans, a justement mené une nouvelle bataille pour la collecte de £25 000 livres versés pour la construction du mémorial.
Un sanctuaire de pierres blanches reproduisant les traits du drapeau de l’Union Jack a été édifié au sein du mémorial, alors que sur les 160 colonnes porteuses du temple sont gravés à jamais les noms des sacrifiés. Selon Sacha Marsac, porte-parole du Normandy Memorial Trust, « le mémorial britannique est un lieu de recueillement pour les familles et une invitation à réfléchir pour les visiteurs. Le site transmet un message aux jeunes générations. Il était impératif de montrer que l’opération Overlord a permis de restaurer les grands principes de la démocratie, l’égalité et la liberté ».
Des témoignages relayés de génération en génération
Les années passent et les souvenirs doivent subsister. Bientôt, nous n’aurons plus la chance d’être entourés par les témoins oculaires du Débarquement, nous n’aurons plus l’honneur d’entendre un ancien soldat nous dire « j’étais là ». Bientôt, il ne nous restera que le devoir de transmission, celui que l’on relate dans les livres d’Histoire. Bientôt, il n’appartiendra qu’à nous de parler, de raconter, de se souvenir et de faire perdurer, à l’image de Paul Harris, qui nous fait le récit de l’histoire son grand-père, George Hanks, mort durant la bataille de Normandie le 7 août 1944. « Il est parti se battre, il a laissé ma grand-mère veuve avec un jeune bébé… Il nous a donné ce que nous avons maintenant et ce souvenir doit être préservé. »
Tué par un obus alors que sa compagnie se dirigeait vers les fortifications allemandes, il venait seulement de recevoir une photographie de sa fille, Rosemary, la mère de Paul.
L’émotion du souvenir
Ils étaient 22 442 Britanniques. 22 442 pères, frères, maris, fils et deux infirmières sont tombés ce jour-là pour la France, pour l’Europe, pour la liberté. Aux côtés de leurs frères d’arme canadiens, français, américains, ces hommes ont montré la voie de la victoire sur l’oppresseur et ont intronisé le début de la libération grâce à ce qui sera désormais la plus grande invasion maritime de l’Histoire. Ces hommes ont donné leur vie pour faire renaître l’espoir.
Ce dimanche 6 juin 2021, à 11 heures, heure britannique, l’hymne des armées du Commonwealth a retenti dans le Calvados désormais français. En raison de la crise sanitaire, la plupart des vétérans britanniques ont suivi l’inauguration via un lien vidéo. Des flèches rouges de la RAF ainsi que des équipes de voltige de l’Armée de l’Air ont survolé le ciel. Des couronnes des deux nations ont été placées devant le mur du mémorial, et deux minutes de silence ont été respectées pour le souvenir. Le souvenir de jeunes hommes, simples, beaux, laissant des familles derrière eux pour servir une cause plus grande. Le souvenir d’un monde qui peut rapidement basculer si l’on n’entretient pas le devoir de mémoire, chose qui demeure, finalement, notre héritage le plus incontestable.