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Sarah Kheirallah: “la santé pelvienne concerne toutes les femmes”

Sage-femme, ostéopathe, rééducatrice du plancher pelvien, acupunctrice, hypnothérapiste … Sarah Kheirellah déploie de nombreuses casquettes pour faire de la santé des femmes une priorité. Après avoir obtenu son diplôme de sage-femme en France, Sarah a eu envie d’élargir ses compétences, ici, au Royaume-Uni. Inspirée par des stages effectués aux quatre coins du monde, elle apprend et s’inspire des pratiques médicales étrangères pour prodiguer ses soins dans une perspective holistique et bienveillante.

Sarah KheirallahSarah Kheirallah
Écrit par Perle Liardet
Publié le 24 novembre 2025, mis à jour le 25 novembre 2025

Française d’origine et installée depuis plus de dix ans à Londres, Sarah Kheirallah a construit un parcours profondément marqué par cette double culture. Formée en France en tant que sage-femme avant de poursuivre son évolution professionnelle au Royaume-Uni, elle a élargi son champ de compétences en intégrant l’ostéopathie, l’acupuncture, l’hypnothérapie… et est surtout devenue une experte reconnue de la santé du plancher pelvien. Cette combinaison rare de compétences lui permet d’aborder la maternité et la santé intime des femmes avec une précision holistique et profondément humaine. 

 

En quelques mots, pourriez-vous nous présenter vos différentes activités ? 

Je suis sage-femme de formation, spécialisée en santé périnatale, c’est-à-dire du début de la grossesse jusqu'à un an après la naissance, et en santé pélvienne.  Au fil des années, j'ai complété mon parcours avec un diplôme d'acupuncture, d'hypnothérapie, un master d'ostéopathie, et dernièrement, un post-grad en périnéologie. Aujourd'hui, j'ai la chance de pouvoir combiner toutes ces approches en utilisant tous les outils que j'ai à disposition. Cela me permet d'accompagner les femmes de manière globale, que ce soit en préparation de leur projet de grossesse, ou procréation médicalement assistée (PMA). Ainsi, j’interviens à partir du moment où il y a un désir de grossesse, un besoin d’accompagnement pendant la grossesse, après la naissance ou à d'autres moments clés de leur santé gynécologique. 

 

Pourquoi avoir fait de la rééducation du périnée un des axes majeurs dans votre carrière ? 

Pour moi, c'est un domaine essentiel mais qui est encore trop invisible. Le plancher pelvien soutient tout: la continence, la sexualité, la posture, la qualité de vie … Pourtant, encore trop de femmes découvrent son existence au moment où un problème apparaît. 

J'ai choisi d'en faire un pilier de ma pratique pour redonner aux femmes la connaissance et les outils nécessaires pour prévenir, comprendre et améliorer leurs symptômes.

C'est un domaine où de petits changements peuvent véritablement transformer leur vie quotidienne. En termes de statistiques britanniques, une femme sur trois souffre d'incontinence urinaire à l’effort (à la toux, en sautant, en éternuant) dans l'année qui suit la naissance. Une sur sept souffre d'incontinence anale et une sur douze de prolapse pendant la période périnatale. 

 

Pourquoi avoir fait le choix de poursuivre vos études au Royaume-Uni ? 

Après mes premières années d'études en France, où j’ai eu l'opportunité de faire ma scolarité en classe européenne, j'ai eu envie d'explorer d'autres horizons. Originaire de Lille, Londres n'était pas si loin de ma famille et de mes amis. De plus, la ville m'a aussi attirée pour sa vision plus multidisciplinaire, plus ouverte à l'innovation et à la collaboration entre professionnels. J'ai pu suivre des formations avancées en santé pelvienne, découvrir de nouvelles approches de la pratique de sage-femme et travailler dans des environnements très diversifiés, que ce soit dans le secteur public ou privé. Cette expérience a enrichi ma manière d'accompagner les patients, mais elle a aussi été un véritable bouillon de rencontres professionnelles. 

 

Comment est-ce que vous vous êtes nourrie de toutes ces expériences à l'étranger ? 

Voyager et travailler sur différents continents m'ont appris à être adaptable, à respecter la diversité culturelle et l'importance d'écouter les récits de vie. En fait, j'ai appris que la santé, et en particulier celle des femmes, est façonnée non seulement par la biologie et la physiologie, mais aussi par l'environnement, les traditions, les ressources disponibles et leur rapport au corps.

Ces expériences m'ont donné une sensibilité particulière face à la dimension émotionnelle et culturelle des soins, ce qui guide aujourd'hui ma pratique quotidienne. À Londres, qui est une ville très multiculturelle, je retrouve cet aspect-là dans ma pratique, que ce soit dans le public ou le privé.

 

Vous insistez beaucoup sur le fait que vous travaillez à la fois dans le public et le privé, pourquoi avoir fait ce choix ? 

Travailler dans le secteur public a toujours été important pour moi: j'ai été formée dans des hôpitaux universitaires de France, il me semble donc important de pouvoir donner des soins dans ce format-là. D'autant plus que nous avons la chance, que ce soit en France ou en Angleterre, d'avoir accès aux soins de manière gratuite.

Quant au privé, il va pouvoir amener cette approche plus globale. Par exemple, au moment d’une consultation, je vais pouvoir faire et à la fois de l'ostéopathie et de l'acupuncture et peut-être aussi de la périnéologie, ce que le NHS aujourd'hui ne me permet pas…

Et puis, malheureusement aujourd'hui, nous avons plus de temps pour les consultations privées que les consultations dans le secteur public. 

 

La rééducation du plancher pelvien est-elle assez démocratisée au Royaume-Uni ?

Il y a eu beaucoup de progrès ces dernières années, notamment depuis le plan post-covid de 2021 axé sur la prévention. Nous assistons à une puissance des services de santé pelvienne dans le secteur public. Par contre, ce n'est pas encore suffisamment démocratisé. L'accès reste inégal selon les régions, les délais peuvent être longs et le dépistage systématique n'est pas encore la norme. En résumé, oui il y a une prise de conscience croissante mais il reste des lacunes en matière d'éducation, de prévention et d'accès précoce aux soins. 

Pour ce qui est de la France, nous avons beaucoup de connaissances en matière de périnéologie, mais souvent rattachées à la naissance et peu en dehors, comme la période postnatale ou la ménopause. Il y a aussi encore beaucoup de choses à faire …

 

Quel est votre patient type pour la prise en charge du plancher pelvien ? 

J'aimerais beaucoup dire qu'il y en a un, mais il n'y en a pas vraiment. En fait, la santé du périnée concerne vraiment toutes les femmes à différents moments de leur vie. Je vois des femmes enceintes, des jeunes mamans, des sportives, ou encore des patientes qui ont des douleurs pelviennes ou des troubles de la continence. Leur point commun ? Elles cherchent toutes à mieux comprendre ce qui se passe dans leur corps et souhaitent une prise en charge globale et bienveillante. 

 

Quelles sont les idées reçues les plus fréquentes que l'on peut avoir autour du périnée ? 

Excellente question ! Il y a beaucoup de croyances autour du périnée qui sont considérées comme normales, mais qui ne le sont pas. Il y a beaucoup d’idées fréquentes du genre: “C'est normal d'avoir des fuites pendant la grossesse et ou après un accouchement”.

Non, ce n'est pas normal. Ou “Il faut toujours avoir un périnée très tonique”. Non, en réalité, un périnée trop contracté peut être aussi problématique qu'un périnée hypotonique. Ou encore, “Je vais donner naissance par césarienne programmée, donc la rééducation ne me sert à rien”. Au contraire, les 9 mois de grossesse sont là, peu importe le mode de naissance choisi. La rééducation du périnée est donc nécessaire dans tous les cas. 

Le dernier sujet tabou, je dirais que c'est la croyance selon laquelle les douleurs pendant les rapports sexuels seraient normales. Elles ne devraient jamais l'être. Ainsi, l'éducation est essentielle pour démystifier toutes ces croyances et permettre aux femmes d'être actrices de leur santé ! 

 

Un mot de la fin pour nos lectrices ? 

Les femmes souffrent d’un manque de connaissance de leur propre corps. Explorez, informez-vous, l'accès aux soins est là, nous avons de la chance, profitez-en !

Site officiel de Sarah Kheirallah

 

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