Léonore Confino est une artiste engagée et reconnue. Elle a été nommée cinq fois aux Molières dans la catégorie auteur francophone vivante. La dramaturge a accordé un entretien exclusif au site lepetitjournal.com, alors que sa dernière mise en scène, "Enfantillages", s’est jouée il y a quelques jours au Chelsea Theatre.
L’histoire de Léonore Confino semble être une mise en scène. Née dans le Gard, la Franco-suisse a vécu seule à partir de ses 14 ans. Alors qu’elle s’essaye au jeu près des planches, elle sent que le script n’est pas bon : “J’adorais le théâtre. Depuis petite, je voulais devenir actrice ou comédienne. À 16 ans j’ai découvert que j’avais un trac paralysant sur scène, alors que j’aimais tout cet univers.” Lui vient alors une idée :
Je me suis dit que ma place était au théâtre, mais derrière la scène.
Alors influencée par les travaux de Joël Pommerat, mais aussi d’Hanokh Levin, elle se lance. Quelque 20 années plus tard, elle sera installée et reconnue dans le monde de la dramaturgie : "Depuis, j'ai écrit 12 pièces, montées pour la plupart par Catherine Schaub. Chaque année avec notre compagnie nous travaillons sur un projet et j''aime varier les approches du plateau (théâtre immersif, théâtre de rue, théâtre chorégraphique...)"
“Une envie de rire de nos petits défauts”
Si elle aime tous les théâtres, le style de Léonore se définit par la dramaturgie. Elle met en œuvre des histoires basées sur son propre vécu : “J’ai toujours eu un regard noir, comme une envie de rire de nos petits défauts. J’aime raconter à quel point nos vies sont absurdes et provoquer un désir de changement.”
Alors comment s’y prend-elle ? La dramaturge nous confie son mode d’emploi : "Je pars souvent d'une situation simple et réaliste, comme le quotidien d'un couple, mais je la décale doucement vers l'absurde, pour crée un miroir poétique qui puisse nous emmener dans une autre dimension de nous-mêmes." Léonore nous révèle aussi qu’elle aime partir d’une colère et d’une situation révoltante : “Il y a des choses qui me rendent folle et ces sujets vont me tenir en haleine très longtemps.”
Quand Léonore présente ses œuvres dans une salle, elle s’attend à de vives réactions : “Je propose un partage poétique qui nous répare dans ces situations inextricables. Je fais aussi souvent revenir la thématique de l’enfant qui n’arrive pas à parler, en rapport à ce que j’ai vécu, mais c’est quelque chose d’inconscient.”
Léonore Confino la dramaturge aux 5 Molières
Tout ce travail a finalement été récompensé, puisque la dramaturge trace un parcours étincelant aux Molières en étant couronnée meilleure auteure francophone vivante successivement pour Ring (2014), Le Poisson belge (2016), Les Beaux (2020), Le Village des sourds (2023) et L’Effet miroir (2024).
“ J’ai toujours essayé d’écrire par nécessité ; je n’écris jamais pour des acteurs. Je m’assigne une écriture personnelle et j’essaie d’être assez transgressive. Je fais tout en secret, étant mue par une forme de colère et cela me fait toujours bizarre que ce soit reconnu”, ajoute l'auteure, alors qu’elle revient sur toutes ces distinctions.
L'œuvre coup de cœur de Léonore : Le Village des Sourds.
Avec un total de 12 pièces écrites, Léonore avoue avoir un faible pour sa pièce Le village des Sourds, car : “je crois que la métaphore continue de me faire travailler à l’heure actuelle sur ma vie de consommatrice”, Le village des Sourds est l’histoire d’un village polaire où il fait -40° degrés toute l’année. Pour contrer ce froid, les locaux se racontent des aventures au coin du feu. Un jour, un marchand débarque et délivre des catalogues visant à améliorer le confort des habitants. Il propose aux locaux des biens en échange de mots et d’histoires. Le village prend ainsi un tout autre tournant…
Enfantillages, première pièce anglaise de Léonore Confino
Plonger dans l'univers de l'enfance, des rêves brisés et des réalités tordues est le moteur du travail de Léonore, même si cela doit être un long processus, "J'ai mis 8 mois à écrire Enfantillages, pendant tout le temps de ma deuxième grossesse ! J'avais envie de purger mes angoisses sur la famille à travers cette création".
Enfantillages est sa première pièce écrite en anglais qui s’est jouée à Londres, au Chelsea Theatre. La dramaturge avoue être passionnée par la diversité des réactions du public : "Nos problématiques sont universelles. J’écris souvent pour les grandes villes, mais sur cette pièce, j’ai le sentiment que les enjeux ne sont pas que français."
Un avenir fait d’animations et de cinéma pour la dramaturge ?
À l'avenir, les projets de Léonore sont aussi vastes que ses ambitions. Elle se lance dans une nouvelle aventure avec une comédie musicale contemporaine sur les lanceurs d'alerte, mais ce n’est pas tout : “Je travaille également une animation du Village des Sourds et ma pièce Ring repart au festival d'Avignon. À côté de cela, je continue d’écrire plein de scènes.”
Enfin, elle s'attelle dernièrement à des collaborations cinématographiques, bien qu’à son sens : “Le théâtre a une place très rare dans notre société. Nous ne pouvons pas sortir de la pièce et sommes, de notre plein gré, entièrement immergés”.