La vente illégale de chiots est prospère, facile et surtout peu risquée. Ce commerce entre l’Irlande et le Royaume-Uni, transitant par Belfast, représente plus de 150 millions de livres par an. Pour les trafiquants, le commerce de chiots “is the new drugs”.
Une enquête alliant le programme d’investigation de la BBC en Irlande du Nord à plusieurs associations de protection animale a mis en lumière une vérité effrayante : la présence d’un commerce illégal de chiots tentaculaire, dont les trois réseaux se tissent à travers le Royaume-Uni et l’Irlande. Belfast serait le noyau de cette activité, constituant une porte d’entrée sur le territoire britannique pour les commerçants.
Maltraitance, malnutrition… un trafic lucratif au péril de la santé des animaux
Nés en Irlande ou en Irlande du Nord, des chiots de toutes races sont alors élevés dans des fermes illégales observant des conditions déplorables. Leurs mères connaissent le même sort, enfermées dans des cages et constamment maltraitées. L’enquête a révélé que de nombreux chiots sont vendus à travers le Royaume-Uni tout en étant malades voire mourants, ce qui constitue une infraction pénale en Ecosse par exemple. Selon l’USPCA, un tiers des animaux achetés par des Britanniques meurent par la suite, des suites de leur malnutrition et la maltraitance subie pendant leurs premières semaines d’existence.
Arrachés à leur mère avant l’âge légal de 15 semaines, les chiots sont ensuite illégalement transportés en Grande-Bretagne via le port de Belfast. L’Irlande du Nord représente donc la porte d’entrée de ce commerce illégal. Des photos ont mis en évidence l’échange des jeunes animaux entre des dealers sur les parkings de station essence. Le surintendant en chef de la SPA écossaise explique que « ce sont les nouvelles drogues – si tu arrives à Cairnryan avec £20’000 de drogues, tu vas en prison ; avec £20’000 de chiots, tu auras une amende de £500 ». Le butin du commerce illégal de chiots a été estimé à 150 millions de livres en 2020, alors que de nombreux Britanniques sont prêts à dépenser plusieurs milliers pour s’offrir le chien de leurs rêves.
Une explosion dont les garde-fous sont insuffisants, aidée par les confinements
25% de la totalité des chiens actuellement présents en Grande-Bretagne ont été achetés pendant le confinement. La demande en animaux de compagnie a explosé ces derniers mois, propulsée par l’ennui et, parfois, la solitude de la population alors enfermée chez elle. Interrogés au cours de l’enquête, de nombreux acheteurs ont admis ne pas avoir fait beaucoup de recherches pour savoir d’où venait le chiot qu’ils ont accueilli.
Le réseau illégal du commerce de chiots au Royaume-Uni profite illégalement d’une véritable brèche judiciaire. Il est motivé par la différence de prix entre les chiots Nord-Irlandais et ceux de Grande-Bretagne ; les commerçants prospèrent également grâce à l’absence de « Lucy’s Law » en Irlande du nord. Cette loi rend illégal le fait de vendre des chiots ou chatons de moins de 6 mois en passant par un tiers-parti tels qu’un revendeur ou une animalerie.
En 2020, la SSPCA a saisi plus de 150 chiots, et plus de 90% d’entre eux provenaient de Belfast. Le ministre de l’Agriculture et de l’environnement sur place, Edwin Poots, a ordonné une enquête. Il explique que toutes les mesures possibles sont mises en place, mais qu’il est impossible d’arrêter l’ensemble des véhicules passant par le port de Belfast. Selon l’enquête, plus de 20 transporteurs participent à ce commerce illégal. Le rôle de porte d’entrée que joue la capitale nord-irlandaise dans ce réseau pose encore la question des modalités qui régiront à l’avenir la frontière entre l’Irlande et le Royaume-Uni, alors que le protocole en question fait largement débat.