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Hélène Duchêne : « Nous construisons ensemble notre avenir avec les Britanniques »

Au vu de la longue liste des missions qui lui incombent, Hélène Duchêne ne s’ennuie pas. « Mais j’ai une excellente équipe », nous confie-t-elle, souriante. L’Ambassadrice de France au Royaume-Uni est arrivée en poste alors que les relations franco-britanniques entrent dans une nouvelle ère. Le hasard du calendrier fait que cette année 2024 marque les 120 ans de l’Entente Cordiale, un moment charnière de l’histoire bilatérale, tout comme celui que nos deux nations traversent.  Mais à l’heure de la mobilisation pour les élections européennes et de l’inquiétude de la mobilité vers le Royaume-Uni, madame l’ambassadrice ne s’attarde sur le passé que pour mieux comprendre les enjeux d’un avenir qui se conjuguera forcément au pluriel. 

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Damien Bouhours et l'Ambassadrice de France au Royaume-Uni, Hélène Duchêne (Crédit : Ambassade de France au Royaume-Uni)
Écrit par Damien Bouhours
Publié le 12 avril 2024, mis à jour le 17 avril 2024

L’Entente cordiale fête ses 120 ans cette année, pourquoi est-il important de les célébrer dans le contexte actuel des relations franco-britanniques ?

Cette célébration de l’Entente cordiale arrive au moment où nous assistons à une relance de la relation bilatérale. L’Entente cordiale symbolise l'histoire du rapprochement pragmatique entre la France et le Royaume-Uni, après une période marquée par nos différends coloniaux au début du XXème siècle. Ces traités augurent des configurations d'alliances pendant la Première Guerre mondiale. L’Entente cordiale représente donc un changement de nos relations. Cet anniversaire célèbre aussi le rapprochement que nous connaissons aujourd’hui. Les Français et les Britanniques restent très proches sur beaucoup de questions essentielles. Nous le voyons aujourd’hui sur les discussions stratégiques liées à l’aide à l’Ukraine. Les Français et les Britanniques partagent les mêmes valeurs et sont d’accord sur une grande majorité des textes proposés au Conseil de sécurité de l’ONU par exemple. Au fond, le Royaume-Uni, comme la France, ne se conçoivent pas comme des puissances uniquement régionales car nous avons cette histoire qui a traversé le monde. 

Le sommet franco-britannique en 2023 a démontré que nous avons besoin de ce rapprochement. Nous devions relancer le dialogue. Les Britanniques, s’ils ne sont plus membres de l’Union européenne, mesurent l’importance d’avoir une relation constructive avec l’Europe. Nous construisons ensemble notre avenir avec les Britanniques qui, comme ils se plaisent à le répéter, ont quitté l’Union européenne mais n’ont pas quitté l’Europe.

 

Relevée de la garde croisée pour l'Entente Cordiale
(Crédit : Ambassade de France au Royaume-Uni)

 

Pour marquer cet anniversaire, un événement très symbolique s’est tenu le 8 avril dernier, date correspondant la signature de l’Entente Cordiale le 8 avril 1904. Une relève croisée de la Garde, impliquant la Garde Républicaine et la Garde royale, s’est tenue à la fois à l’Elysée et à Buckingham Palace, en présence du Président Macron à Paris et du Duc d’Edimbourg à Londres. Pour la première fois dans l’histoire des deux pays, des soldats ne faisant pas partie du Commonwealth ont participé à la relève de la Garde à Buckingham, et une troupe étrangère a été invitée à participer à ce rituel militaire à l’Elysée. « God Save the King » et « La Marseillaise » ont résonné dans la cour des deux palais, célébrant une amitié à la fois ancienne, toujours d’actualité et projetée vers l’avenir.

 

Hélène Duchene lors de l'inauguration de l'exposition consacrée à l'Entente Cordiale à l'Institut Français de Londres
Hélène Duchene lors de l'inauguration de l'exposition consacrée à l'Entente Cordiale à l'Institut Français de Londres (Crédit : Ambassade de France au Royaume-Uni)

 

When Marianne and Britannia Meet, l'exposition pour célébrer l'Entente cordiale

Une très belle exposition a en outre été inaugurée le 27 mars à l’Institut français de Londres pour présenter les traités signés par les Britanniques et les Français, et j’invite tous vos lecteurs à aller la voir jusqu’au 27 avril. Il y aura toute une série d'événements au cours de l’année, dont un Prix littéraire de l’Entente sous l’impulsion de la Reine Camilla et de Mme Brigitte Macron. Les célébrations du 80ème anniversaire du Débarquement marqueront également ce lien fort entre nos deux nations. 

 

J’encourage les Français de l’étranger à voter

 

Le Royaume-Uni ne fait plus partie de l’Union européenne. En quoi les prochaines élections européennes demeurent essentielles pour les ressortissants français ?

Les élections européennes sont un sujet très important. Il faut que les Français qui vivent au Royaume-Uni se souviennent que la France continue l'aventure européenne. Dans cette période où la démocratie est fragilisée sur le continent européen, nous avons plus que jamais besoin d’institutions européennes fortes. 

Il faut donc rappeler aux Français du Royaume-Uni l’importance de ce vote. Ils peuvent d’ailleurs voter en France à l’urne ou par procuration, ou bien le faire depuis le Royaume-Uni, où nous avons ouvert de nombreux bureaux de vote à travers le territoire britannique, dont un nouveau à Canary Wharf pour couvrir l’Est de Londres où résident certains de nos compatriotes. Ils ont jusqu’au 3 mai pour s’inscrire sur les listes pour pouvoir participer à ce scrutin à un tour le 9 juin. J’encourage les Français de l’étranger à voter. A ceux qui ne se sentent pas concernés, je veux leur répondre que s’ils ne s’occupent pas de politique, la politique s’occupera toujours d’eux. La conquête du droit de vote a été un long combat. Gardons à l’esprit qu’en France il a fallu attendre 1944 pour que les femmes obtiennent le droit de vote et de se présenter à une élection, après plus de 150 ans de mobilisation.

 

Nous voulons donc accompagner des programmes qui permettent de faciliter l’apprentissage de la langue française

 

Depuis le Brexit, la mobilité entre la France et la Grande-Bretagne s’est complexifiée, notamment pour les jeunes. Est-ce une crainte pour l’avenir de la relation bilatérale ?

Nous avons obtenu un grand succès avec des démarches simplifiées pour les voyages scolaires entre les deux pays. Mais cela ne résout pas tout. Les difficultés persistent pour des questions de visa pour les étudiants ou les jeunes au pair. Je suis préoccupée de voir le nombre d’étudiants français péricliter depuis la fin du programme Erasmus. Cela peut, à terme, peser sur les relations et nous sommes en discussion avec les autorités britanniques sur ce point.

C’est d’autant plus dommage que l’une de mes missions est de soutenir la francophonie. Elle mérite d’être encore davantage appuyée, y compris par les autorités britanniques. Nous voulons donc accompagner des programmes qui permettent de faciliter l’apprentissage de la langue française. J’étais récemment en déplacement à Newcastle et l’Institut français y a lancé le programme Francophonie on the road, qui permettra à 500 étudiants de 20 établissements de découvrir le français et de le pratiquer. 

 

J’ai pu le constater depuis mon arrivée : le Royaume-Uni est une grande nation sportive.

 

L’année 2024 sera également olympique. Quelle est l’importance de la diplomatie sportive dans le soft power tricolore ?

Le sport permet de rééquilibrer les relations. Le pays le plus puissant est celui qui gagne. La diplomatie sportive permet aussi aux jeunes de se croiser. Depuis Londres, nous allons avoir de nombreux évènements liés aux Jeux Olympiques et Paralympiques. D’ailleurs, la flamme des Jeux Paralympiques part de Stoke Mandeville et traverse la Manche, car les Britanniques sont à l’origine de ces Jeux. J’ai pu le constater depuis mon arrivée : le Royaume-Uni est une grande nation sportive. Les Britanniques seront d’ailleurs les premiers contingents de visiteurs pour ces JO, avec 500.000 places vendues. Le Consulat sera particulièrement mobilisé sur ce sujet. 

 

La féminisation de la diplomatie, où en est-on en France ?

 

La féminisation de la diplomatie fait partie des objectifs fixés par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. En tant qu’ambassadrice, quels sont les enjeux ou les obstacles encore persistants de la diplomatie féministe ?

La question de la diplomatie féministe regroupe deux sujets à la fois. Il s’agit de promouvoir les femmes dans le système diplomatique mais aussi promouvoir une vision de l'égalité des genres sur la scène internationale. Les difficultés rencontrées par les femmes dans la diplomatie sont finalement les mêmes que celles dans le reste du monde du travail. Les femmes restent moins bien payées et leur carrière est fragilisée si elles décident d’avoir des enfants. Lorsque l’on choisit la voie de la diplomatie, on choisit un certain mode de vie et d’accepter la mobilité. Cela a un impact sur la vie de famille. 

Les progrès sont significatifs et le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a notamment pris en compte la question du travail des conjoints. Il y a des efforts faits pour faciliter la progression des femmes à des postes à responsabilité. Depuis 2012, la loi Sauvadet impose ainsi des quotas de 40% de femmes dans la fonction publique. Au Royaume-Uni, il n’y a pas de quota mais une vraie volonté politique au sein du FCDO (Foreign, Commonwealth and Development Office). Au Quai d’Orsay, des mesures pour accompagner les agents et leur famille bénéficient à tous. Ainsi, une attention particulière est portée au travail du conjoint et un soutien a été mis en place pour développer le mentorat des plus jeunes diplomates et les soutenir notamment dans la période charnière d’une première prise de poste à l’étranger.

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