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La Royal Institution de Londres déprogramme la conférence d’Eric Zemmour

Eric Zemmour, polémiste et potentiel candidat aux présidentielles françaises 2022Eric Zemmour, polémiste et potentiel candidat aux présidentielles françaises 2022
Wikimedia Commons - Cheep
Écrit par Margaux Audinet
Publié le 19 novembre 2021, mis à jour le 19 novembre 2021

La veille de son arrivée à Londres, la Royal Institution a annulé la conférence du polémiste français. Sadiq Khan s’est ouvertement prononcé contre sa prise de parole dans la capitale britannique.

 

Inondant les médias depuis plusieurs mois, le nom de Zemmour risque de ne pas vous être étranger. Polémiste et essayiste français aux opinions controversées, condamné en 2011 pour provocation à la discrimination raciale et en 2018 pour incitation à la haine contre les musulmans, il semble maintenant mettre le cap sur les présidentielles. Bien que sa candidature ne soit pas officielle, il multiplie les débats télévisés et les interventions médiatiques : une stratégie payante puisqu’il navigue entre 12 et 17% d’intentions de vote dans les différents sondages français. Alors qu’il part à Londres pour le week-end afin de se s’assurer une visibilité et un soutien internationaux, de vives oppositions à sa venue se manifestent du côté de la mairie londonienne.

 

La Royal Institution annule la séance de dédicaces d’Eric Zemmour

Eric Zemmour devait tenir une conférence et une séance de dédicaces à la fameuse Royal Institution, qui a annulé l'événement au dernier moment. Les 300 expatriés inscrits pour participer à la prise de parole du polémiste n’ont pas empêché la société savante britannique d’informer sa rétractation à son équipe avec « un simple mail, sans aucune justification ». L’entourage d’Éric Zemmour a qualifié cette décision de « faute majeure », la jugeant « incompréhensible sur le plan du droit commercial ».

L’antenne britannique d’Europe Écologie les Verts (EELV UK) a publiquement appelé Sadiq Khan, le maire de la ville, à faire barrage à la venue du polémiste à Londres. Ce dernier a pris position contre Zemmour, en expliquant au cours d’un conseil municipal jeudi : « je veux être clair. La force de notre ville est sa diversité. Alors ceux qui souhaitent diviser nos communautés et inciter à la haine contre des gens à cause de leur couleur de peau ou de leur religion ne sont pas les bienvenus dans notre ville ». Membre du Parti travailliste, élu en 2016 puis réélu cette année, Sadiq Khan est le premier maire musulman d’une capitale européenne. Des boucliers levés qui n’ont pas empêché à Eric Zemmour de rebondir : il a trouvé un nouvel établissement pour accueillir sa prise de parole, se permettant un tweet incisif le photographiant à bord de l’Eurostar en interpellant le maire londonien.

 

La prise de position controversée de Sadiq Khan

De nombreux partisans du polémistes français ont été déçus de ce contretemps, dans une ville souvent considérée comme la « sixième plus grosse ville de France » du fait de l’importance de sa communauté française. L’équipe de Zemmour n’a pas manqué de déplorer ce rejet, son porte-parole dénonçant que « si cette information est vraie, elle serait très surprenante dans une ville où les appels au djihad sont autorisés dans les rues. Il nous semble que ce n'est pas au maire de Londres de dire qui peut dire quoi, où et à quelle heure. C'est une situation bizarre dans le pays de la liberté d'expression ». Filtrer les intervenants politiques habilités à prendre la parole dans son pays serait-il un frein à la liberté d’expression ? Selon les élus londoniens, il s’agit de différencier le « free speech » (discours libre) du « hate speech » (discours de haine). La limite entre les deux semble difficile à discerner, ce qui n’a pas manqué d’animer les réseaux sociaux.

 

 

Le Royaume-Uni, connu pour son cosmopolitisme à toute épreuve et sa conception particulière de la liberté d’expression, semble tout de même vouloir museler celui qui est connu à l’étranger comme le nouveau Trump français. Alors qu’Éric Zemmour fait souffler depuis quelques semaines un vent de zizanie dans le paysage médiatique français, entre débats endiablés et prises de positions marquées, cette tendance semble s’exporter outre-Manche. En dépit des bonnes intentions de cette prise de position britannique, celle-ci semble avoir pour seul effet de jeter une nouvelle fois de l’huile sur le feu des canaux médiatiques, confortant la visibilité du polémiste.

 

Après Londres, Genève se prononce aussi contre la présence de Zemmour sur son territoire

Zemmour n’a pas encore officialisé sa candidature, bien qu’il débatte avec des politiciens français et fasse les choux gras des médias français, qui frôlent l’obsession à son sujet. Il a évoqué à de nombreuses reprises cette décision qu’il tarde à prendre, laissant en suspens l’opinion publique française. Cette opposition à sa visite londonienne semble être une première tentative de coup d’arrêt international à sa potentielle campagne, d’autant plus que la maire de Genève a rejoint Sadiq Khan dans sa prise de position. Alors que le polémiste et ancien éditorialiste devait se rendre en Suisse pour une conférence le 24 novembre, Frédérique Perlier se prononce : « (Sa présence) ferait, d'une part, la démonstration que la ville de Genève serait complice de la propagation de ses messages haineux. Ce serait, d'autre part, contraire aux valeurs défendues par la ville de Genève, dans le cadre de ses politiques publiques. Nous serions donc en totale contradiction ». Jean-Marie Le Pen, figure symbolique de l’extrême-droite française ayant déjà mentionné son soutien au polémiste, estime qu’Eric Zemmour commence à patiner dans sa course à la notoriété. Dans un entretien avec le Télégramme, il explique que Zemmour a « brûlé ses cartes sans s’en rendre compte », et « n’est pas à la hauteur de l’évènement ».