Les restaurants et les hôtels du pays sont confrontés à une « terrifiante » inflation de 18%, selon les députés britanniques. Le responsable du secteur alimentaire et des boissons a averti que les difficultés rencontrées par les chaînes d’approvisionnement, la pénurie de main-d'œuvre et le « fléau » de l'inflation devraient durer des années.
Les représentants de la restauration et de l’hôtellerie sonnent l’alarme face à la situation que traverse leur secteur. Ian Wright, directeur général de l'organisme industriel Food and Drink Federation, a déclaré devant les députés de la commission des affaires, de l'énergie et de la stratégie industrielle que « dans le secteur de l'hôtellerie, qui est un précurseur du commerce de détail, l'inflation se situe actuellement entre 14 % et 18 %. ». Il a ajouté que ce taux « terrifiant » était de mauvais augure pour le futur du secteur de la vente au détail.
Une inflation qui devrait s’installer dans le temps
Wright a averti que les difficultés actuelles du secteur de l'alimentation et des boissons risquent d’être un défi pendant encore plusieurs années. « Il y a six mois, presque toutes nos entreprises pensaient que c'était transitoire. Maintenant, toutes les entreprises que je connais s'attendent à ce que cela dure jusqu'en 2023 et en 2024, chacune d'entre elles », s’est-il désolé.
Lors de son audition, qui avait pour but d’évaluer l’impact de la chaîne d'approvisionnement sur les consommateurs et les entreprises, le directeur général a comparé la situation à celle de la fin des années 1970, où il n’était pas rare pour un employé de supermarché de changer les prix de ses produits plusieurs fois en une heure. « Nous ne pouvons vraiment pas revenir à cette situation. Il nous a fallu 15 ans pour nous en remettre », a rappelé Ian Wright.
Des taux records qui vont impacter les consommateurs
Selon l'indice des prix à la consommation qui mesure l'inflation et les chiffres de l'Office des statistiques nationales (ONS), le taux d’inflation britannique a atteint son plus haut niveau depuis mars 2012. Il était de 3,2 % en août, contre 2 % en juillet, et devrait encore augmenter, ajoutant une nouvelle pression sur les consommateurs alors que le gouvernement s’apprête à accroître les impôts. Une situation navrante pour Wright qui a ajouté que « l'inflation est un fléau plus important que presque tout le reste car elle discrimine les pauvres. »
Une autre variable à prendre en compte est la flambée des prix du gaz et de l’électricité, qui aura également un impact sur les factures des ménages et des entreprises. La Banque d'Angleterre s'attend à ce que l'inflation dépasse 4 % cet hiver. Ces perspectives laissent penser qu’elle sera contrainte de relever les taux d'intérêt.
Les entreprises britanniques vont avoir besoin d’un soutien gouvernemental
Stephen Phipson, directeur général de l'organisme professionnel Make UK, a rapporté que les fabricants sont actuellement confrontés à des hausses de prix à hauteur de 30 à 40 %, pour se fournir en matières premières. Il a ajouté que cette hausse des prix pourrait devenir critique pour certaines entreprises si elles ne sont pas en mesure d’en répercuter ces coûts. « Dans la mesure où nous le constatons actuellement, les entreprises ne répercutent pas la totalité de ces coûts et cela ne peut durer qu'un certain nombre de mois, six mois à mon avis, avant que nous ne commencions à assister à de véritables échecs en termes d’entreprises » a-t-il alerté. Pour ces entreprises, les difficultés liées à la hausse du prix des matières premières sont doublées par le manque de disponibilité des chauffeurs routiers, dont souffrent de nombreux secteurs de l’économie.
Un espoir demeure dans les récentes mesures prises par le gouvernement pour améliorer la situation de la main-d'œuvre dans le secteur de la logistique et du transport. Le gouvernement souhaitait, par exemple, permettre aux chauffeurs étrangers de demander des visas et des permis de travail temporaires, tout en assouplissant le nombre de livraisons autorisées au Royaume-Uni pour les camions immatriculés à l’étranger.
Des mesures encore insuffisantes
L'organisme commercial Road Haulage Association rapporte cependant que ces mesures n’ont pas encore porté leurs fruits et que la situation demeure critique. Duncan Buchanan, directeur des politiques à la RHA, a rapporté que « les rapports ne se sont pas du tout assouplis. Un certain nombre de mesures ont été mises en place, l'intensification de la formation, l'intensification des tests, mais visuellement sur le terrain, elles n'ont pas beaucoup d’effet. »
Les entreprises du secteur de la logistique ont dû faire preuve d’un effort budgétaire afin d’attirer de nouveaux employés ou retenir ceux qu’elles emploient déjà. Les augmentations de salaire qui ont été annoncées font état d'une augmentation des coûts de main-d'œuvre allant jusqu'à 20 % pour certaines entreprises. « Nous assistons à un débauchage massif des chauffeurs, les grandes entreprises ayant les poches les plus profondes s'assurant une main-d'œuvre à des taux plus élevés », a expliqué M. Buchanan.
Les syndicats et les organismes industriels ont fait part de leur mécontentement face à l'assouplissement des règles annoncées par le gouvernement, et la RHA s’attend, pour sa part, à ce que ces changements « suppriment les augmentations de salaire proposées ».
Des difficultés qui se font déjà ressentir dans le secteur de la restauration
Des Gunewardena, directeur général du groupe de restaurants haut de gamme D&D London, estime que la moitié des coûts de son entreprise ont déjà augmenté, notamment la flambée des prix de l’énergie. C’est cependant la pénurie de personnel qui reste son « problème numéro un » alors qu’il a déjà été contraint de procéder à une augmentation de 10% des salaires.
L’entreprise, qui compte plus de 1 700 employés au Royaume-Uni, a confié qu’il lui manquait actuellement 150 personnes. Pour le directeur général du groupe, cette baisse du personnel pourrait conduire à une « situation cauchemardesque » à l’aube de la période la plus chargée de décembre. Son restaurant Quaglino’s, qui sert normalement 4000 couverts le vendredi soir, a été contraint de réduire ce nombre de 100, en raison du manque de personnel.
Mais cette baisse forcée du nombre de clients évolue en parallèle d’une augmentation visible des dépenses des clients. Le restaurateur, prudent, stocke donc des marques de champagne spécifiques à l'avance, afin d'anticiper d'éventuels problèmes d'approvisionnement. Il conclut : « Je pense que nous aurons un Noël très fort, il n'y a donc pas encore de raison de paniquer, mais je m'attends à une nouvelle inflation en janvier, lorsque les dépenses ne seront pas les mêmes pour compenser les coûts supplémentaires ».