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Que pensent les médias britanniques d’Éric Zemmour ?

Eric Zemmour s'adresse aux maires de France pour solliciter leur signatureEric Zemmour s'adresse aux maires de France pour solliciter leur signature
Capture d’écran Youtube
Écrit par Margaux Audinet
Publié le 8 décembre 2021, mis à jour le 8 décembre 2021

Candidat à l’élection présidentielle française, polémiste condamné pour incitation à la haine raciale… Comment est perçu le cas Éric Zemmour par la presse britannique ?

 

Difficile pour l’opinion publique française de ne pas avoir entendu parler d’Éric Zemmour. Né en 1958 à Montreuil et issu d’une famille française juive immigrée d’Algérie en 1952, ce journaliste politique, écrivain et polémiste est omniprésent sur la scène médiatique. Ayant récemment annoncé sa candidature aux élections présidentielles de 2022, il est connu pour ses opinions tranchées sur des questions comme l’immigration, l’Islam ou encore la condition de la femme.

 

Début de campagne sur les chapeaux de roue pour un candidat controversé

Mardi 1er décembre 2021, Éric Zemmour annonçait sa candidature aux présidentielles après plusieurs mois d’omniprésence médiatique rythmée par des débats houleux et des déclarations chocs. Dans une vidéo de dix minutes aux allures de déclaration du général de Gaulle, il se veut l’homme providentiel de la France qu’il entend bien “sauver.” Cette volonté de retour en arrière, désirant renouer avec la France « d’avant », celle de Napoléon et de Jeanne d’Arc, se confirme avec le nom choisi pour son parti politique : Reconquête.

Les idées d’Eric Zemmour, bien qu’elles ne soient pas encore formulées dans un programme écrit, sont déjà tranchées. La priorité absolue, à ses yeux, est l’organisation d’un référendum sur la question migratoire, afin de supprimer le droit du sol. Il entend également mettre en œuvre l’interdiction de porter un premier prénom d’origine étrangère : sur un plateau télévisé, il disait à Hapsatou Sy que sa mère avait fait erreur en lui donnant ce prénom, et que « Corinne » lui irait très bien. Le personnage controversé est connu pour des déclarations hautement polémiques sur de nombreux sujets. Par exemple, à son sens, « tous les musulmans, qu’ils le disent ou qu’ils ne le disent pas » considèrent les djihadistes comme de « bons musulmans ». Les mineurs isolés « comme le reste de l’immigration […] n’ont rien à faire ici : ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs, c’est tout ce qu’ils sont ».

Ce genre d’affirmations a déjà été coûteux pour Éric Zemmour : il a été condamné pour provocation à la haine religieuse envers les musulmans en 2018. Les prises de position politiques du journaliste s’ancrent dans l’extrême-droite, souhaitant également sortir du commandement intégré de l’OTAN, transformer l’éducation française qui serait « infiltrée par le marxisme, l’antiracisme et les idéologies LGBT », et « s’affranchir » de la Cour européenne des droits de l’Homme.

Éric Zemmour est aussi sous le coup de nombreuses plaintes pour agressions sexuelles. Concernant la question des droits de la femme, il a aussi une opinion tranchée : lorsqu’une journaliste lui demande si le pouvoir ne devrait pas rester uniquement dans la main des hommes, il répond derechef « bien sûr que si, sinon il se dilapide ». Zemmour se lamente d’une « féminisation de la société » qui provoquerait son déclin ; quant aux femmes voilées, elles seraient des « mosquées ambulantes ».

Récemment en week-end à Londres afin de rencontrer ses partisans, il a reçu un accueil glacial. Faisant couler de l’encre dans les médias britanniques, il s’agit de comprendre le traitement de la presse outre-Manche concernant le cas Zemmour.

 

Le traitement médiatique britannique d’Éric Zemmour

« Suis-je le Trump français ? Non, je suis plus comme Boris » déclarait le candidat, faisant l’objet d’un article du Times. De nombreux médias britanniques considèrent Éric Zemmour comme la version française de Donald Trump, également connu pour une pluie de déclarations polémiques avant, pendant et après sa présidence des États-Unis. Mais pour le Telegraph, « la France est un pays étranger, on y fait de la politique autrement. Même s'il a été comparé à Donald Trump, Boris Johnson et Nigel Farage, Eric Zemmour, le dernier candidat à la présidence française à faire parler de lui, se trouve dans une catégorie à part. »

La presse au Royaume-Uni insiste lourdement sur les opinions controversées du candidat concernant la Seconde Guerre mondiale, Zemmour déclarant que le maréchal Pétain avait protégé les juifs français. Cette affirmation a hérissé les poils de nombreux historiens, qui dénoncent régulièrement une manipulation des faits et données historiques par le nouveau leader de Reconquête. En dehors de France, la presse le dépeint comme un candidat d’extrême-droite aux opinions peu consensuelles, ce qui ne l’empêche pas de faire couler de plus en plus d’encre au Royaume-Uni. Le Telegraph le qualifie de « franc-tireur », poursuivant en écrivant que « le nom de Zemmour est devenu un raccourci de " fasciste, raciste et dangereux à connaître" pour tous les chroniqueurs mainstream de la bulle parisienne. » Selon les journalistes britanniques, la grande différence entre Trump et Zemmour serait l’éducation élitiste de ce dernier, friand de références littéraires et issu d’une grande école française. Pour autant, le polémiste « a martelé (et martelé) sa version de Make France Great Again » lors de son meeting à Villepinte, selon Anne-Elisabeth Moutet (The Telegraph).

Mais ce qui ne passe vraiment pas auprès des journalistes outre-Manche, c’est la conception de la relation franco-britannique d’Éric Zemmour. Gavin Mortimer, pour le Spectator, explique que Zemmour a « un troisième ennemi mortel, et c'est le monde anglophone. Éric ne nous aime pas beaucoup. Mais Éric n'aime pas beaucoup ceux qui ne sont pas, comme ses semblables ont coutume de dire, Français de souche. » Selon le polémiste, la Grande-Bretagne est l’ennemi invétéré de la France, et le journaliste l’invite à faire un voyage dans la Somme pour se rappeler toutes les vies de jeunes hommes britanniques sacrifiées pour libérer les Français des griffes nazies.

Un journaliste du Guardian considère que l’omniprésence d’un candidat comme Zemmour montre « à quel point la France s’est déplacée vers la droite. » Il analyse le succès d’un tel personnage comme la cristallisation d’une dynamique de droitisation du pays. « Un grand virage à droite est actuellement en cours en France. Ensemble, les intentions de vote de Zemmour, Le Pen, Macron et du candidat Les Républicains représentent entre 70 et 75 % de l'électorat. Le discours public français est de plus en plus marqué par l'islamophobie, la xénophobie et les idées racistes et sexistes - ce que certains appellent la "zemmourisation des esprits". »

Concernant Eric Zemmour, les médias ne sont pas les seuls à exprimer des réserves, ce qui s’est ressenti lors de son escapade londonienne. « L'establishment britannique lui a réservé un accueil froid. Le maire Sadiq Khan a dit qu'il n'était pas le bienvenu. La Royal Institution a annulé son événement. Le gouvernement a ordonné aux conservateurs d'annuler les réunions avec lui. Cela pourrait être dû au fait que Boris Johnson espère réparer les relations très endommagées avec Emmanuel Macron, l'homme que Zemmour veut éjecter du palais de l'Élysée. Ou simplement parce que M. Z est considéré comme tellement à droite qu'il en est toxique » détaille le Spectator dans un autre article, où il interviewe le candidat aux présidentielles.