Malgré une reprise économique modérée, le marché de l’emploi au Royaume-Uni continue de se contracter. Entre pénurie de main-d’œuvre, réformes fiscales et nouvelles attentes des salariés, les employeurs peinent à suivre le rythme. Benoît Glénat, DRH dans une entreprise de spas haut de gamme à Londres nous en dit plus.


Le dernier rapport de l’Office for National Statistics (ONS) est sans appel : le marché du travail britannique reste sous pression. Entre février et avril 2025, les offres d’emploi ont encore reculé de 42 000 pour atteindre 761 000, leur plus bas niveau depuis 2021. Dans le même temps, le taux de chômage est remonté à 4,5 %, signe que les entreprises recrutent avec davantage de prudence. Une prudence nourrie par une inflation persistante, par les incertitudes post-Brexit et par des réformes fiscales qui ont bouleversé les équilibres internes.
« On est clairement dans un marché sous tension », confirme Benoît Glénat, responsable des ressources humaines pour une chaîne de spas de luxe gréco-romains, installée à Londres et Copenhague. Originaire de Clermont-Ferrand, formé en école de commerce à Grenoble puis à Londres, il observe ces évolutions de près, depuis quatre ans dans le secteur de l’hospitalité.
Brexit : des répercussions toujours sensibles
Pour ce DRH, les difficultés actuelles s’inscrivent dans la continuité des effets du Brexit : « nous ressent toujours les restrictions migratoires, surtout dans les métiers dits peu qualifiés comme le ménage ou la réception. Avant, on recrutait facilement des profils européens. Aujourd’hui, avec les visas payants et la non-reconnaissance de certains diplômes étrangers, ça devient très compliqué. »
Les contraintes sont particulièrement fortes pour les postes impliquant un contact physique avec la clientèle. « Nous employons près de 80 masseurs dans notre spa. Or, si leurs diplômes n’ont pas été validés par une entité britannique, on ne peut pas les embaucher, même s’ils ont étudié en Grèce ou en Roumanie. Il y a un enjeu de sécurité important. »
Les récents changements fiscaux ont également perturbé les perceptions internes. « Avec la hausse des cotisations à l’assurance nationale, certains salariés ont eu l’impression de gagner moins, alors que leur salaire brut restait stable. Nous avons dû beaucoup communiquer pour éviter les malentendus. »
Quant à la revalorisation de 6% du salaire minimum effectuée en avril, elle a peu d’impact direct sur les rémunérations de l’entreprise, qui s’alignent déjà sur le “London Living Wage”, “ce n’est pas parce qu’on paie un peu plus que la vie est plus simple pour nos employés” , nuance Benoît Glénat. « Certains vivent dans des logements surpeuplés, parfois insalubres. Quand ils demandent une augmentation, ce n’est pas pour le confort. C’est une question de survie. » continue-t-il.
Miser sur le bien-être plutôt que sur le bonus
Face à ces réalités, l’entreprise de Benoît Glénat mise sur des avantages non salariaux. Accès gratuit à une salle de sport, réductions dans des restaurants, soins préférentiels au spa, programme “employé du mois” avec des récompenses concrètes… « Le plus important, c’est de valoriser les gens pour ce qu’ils sont, pas juste pour ce qu’ils produisent. Nous vons pris le temps d’échanger, d’écouter leurs soucis psychologiques ou financiers, et on propose aussi des formations. »
Des candidats plus nombreux, mais aussi plus exigeants
Du côté des candidats, le changement est également palpable, “ nous recevons plus de CV qu’il y a un an, mais les gens vont droit au but. Ils posent immédiatement des questions sur le salaire, les horaires, les trajets. Avec la flambée des prix des transports à Londres, ceux qui habitent en périphérie refusent de faire des trajets longs pour un salaire modeste. »
L’image de marque de l’entreprise permet néanmoins de rester sélectif, “ mais cela implique une pression : on doit maintenir un cadre de travail attractif, sinon les gens partent.”
Interrogé sur les mois à venir, Benoît Glénat reste prudent : “ le gouvernement a multiplié les réformes sans rassurer. Nous sentons qu’il y a eu un mauvais pilotage post-Brexit, notamment sur la question de l’immigration de travail. Aujourd’hui, on gère les conséquences. »
Pour attirer les talents, il faut être à l’écoute, avant tout
Alors, comment retenir les meilleurs profils dans un marché qui se refroidit ? « Il faut d’abord être à l’écoute. S’assurer que les conditions de travail sont saines, valoriser l’humain avant les chiffres. Dans notre secteur, le bien-être n’est pas qu’un produit, c’est aussi une culture d’entreprise. » Quant à ceux qui cherchent un emploi dans ce contexte, son conseil est clair : « favorisez les entreprises avec une vraie culture d’écoute et de respect. Le salaire est important, mais ce qui fait rester, c’est l’ambiance de travail. »
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