Une longue attente, pour jeter un baiser, verser une larme, faire une révérence: le public a commencé à défiler mercredi devant le cercueil d'Elizabeth II à Londres, pour plusieurs jours d'ultimes hommages où sont attendues des centaines de milliers de personnes avant les funérailles lundi.
A l'issue d'une procession chargée d'émotion depuis le palais de Buckingham, demeure où elle a passé une partie de son enfance puis qui fut sa résidence officielle durant ses 70 ans de règne, le cercueil de la reine, qui s'est éteinte jeudi dernier à 96 ans, est arrivé à Westminster Hall en début d'après-midi.
Disposé sur un imposant catafalque, il y demeurera dans la plus ancienne salle du parlement britannique, qui restera ouverte sans interruption jusqu'à 06H30 (locale et GMT) lundi, jour des funérailles à l'abbaye de Westminster.
Défilant des deux côtés du cercueil, le public adresse baisers ou révérence à la reine, les yeux souvent rougis par les larmes.
Sue Harvey, comptable de 50 ans, décrit une expérience "incroyablement émouvante", "beaucoup de gens en pleurs", mais dans "un silence total". "Je voulais être sûre de la voir, quelle que soit la longueur de la file d'attente", poursuit-elle, avant de filer déposer des fleurs près du palais de Buckingham.
Nina Kaistoffioson, artiste de 40 ans venue dire "merci" à la reine pour "son service à la nation", s'est sentie "en paix", décrivant "émotion" et "larmes". Elle a attendu deux jours sous la pluie, mais, comme d'autres qui patientaient avec elle, avait prévu une tenue de rechange avant d'entrer dans la cathédrale.
Les yeux mouillés, Vickie Wicks, 36 ans, n'aurait pas hésité à attendre "30 heures si nécessaire" pour un bref instant près du cercueil.
- Harry et William ensemble -
Après avoir quitté le palais de Buckingham sur un affût de canon tiré par des chevaux, le cercueil de la souveraine a été suivi à pied pour rejoindre Westminster, au rythme de 75 pas par minute, par ses quatre enfants, le roi Charles, la princesse Anne et leurs frères Andrew et Edward.
Suivaient, côte à côte, les princes William et Harry, les deux fils de Charles aux relations difficiles, qui s'affichaient ensemble pour la deuxième fois depuis la mort d'Elizabeth II il y a près d'une semaine en Ecosse.
Surmonté de la couronne impériale posée sur un coussin de velours violet et une couronne de fleurs blanches, roses et dahlias, accompagnées de feuillages des châteaux de Balmoral et de Windsor, le cercueil a effectué sa lente progression au son de marches funèbres de Beethoven, Mendelssohn et Chopin.
Les Britanniques sont attendus par centaines de milliers pour se recueillir à Westminster au plus près de leur monarque, saluée pour son dévouement à la Couronne pendant son règne.
Mais il faudra s'armer de patience, avec une longue file d'attente - près de quatre kilomètres mercredi soir - qui pourrait s'étirer jusqu'à une quinzaine de kilomètres.
Ils étaient des milliers mercredi à patienter sur la rive opposée au parlement. Les premiers arrivés ont passé la nuit sur place, ceux qui arrivent mercredi en fin de journée sont prêts à faire de même.
"D'une certaine manière j'ai l'impression qu'on doit quelque chose à la reine, car elle a été là toutes nos vies", explique Andrew Clyde, 53 ans, venu spécialement avec deux amis depuis l'Irlande du Nord. Une région où la reine a contribué à "rassembler les deux communautés" protestante et catholique, secouées par trois décennies de violences, explique ce retraité équipé d'un grand sac à dos avec vivres, eau et thé glacé.
Roc de stabilité dans les crises et les changements, la reine a été une image rassurante pour des millions de Britanniques durant son règne.
Bien plus faible, la cote de popularité de Charles III est montée en flèche depuis son accession au trône. Selon un sondage YouGov mardi, trois personnes sur cinq pensent qu'il fera un bon roi, contre à peine plus de 30% il y a quelques mois.
Mais un instant d'agacement a été remarqué au moment de signer des documents officiels à Belfast, le roi s'énervant contre un stylo qui fuyait.
- Défi logistique -
Tensions en Irlande du Nord, velléités indépendantistes en Ecosse, inflation galopante: Charles III, plus vieux souverain britannique à accéder au trône, s'installe dans ses fonctions dans un moment difficile.
Il s'est entretenu mercredi par téléphone avec le président américain Joe Biden, annoncé aux funérailles, qui lui a transmis ses condoléances et a fait part de son "désir de poursuivre une relation étroite", selon la Maison Blanche.
Le roi a également parlé aux président français Emmanuel Macron et irlandais Michael D Higgins, ainsi qu'aux gouverneurs généraux d'Australie, du Canada et de Jamaïque, selon l'agence de presse britannique PA.
Quelque 500 dignitaires étrangers sont attendus pour les obsèques d'Elizabeth II, premières funérailles nationales depuis 1965 - celles de l'ancien Premier ministre Winston Churchill (1874-1965). Quelques pays, notamment la Russie, l'Afghanistan, la Syrie et la Birmanie, n'ont pas été invités.
Hôtels complets, transports perturbés, pubs bondés: la capitale britannique se prépare dans la fébrilité à cet événement, immense défi sécuritaire pour la police et changement d'ère au Royaume-Uni et dans les 14 autres Etats dont Elizabeth II était la cheffe d'Etat.