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ROMAN - Charles Daubas ou le procès des rats.

Roman le Proces des ratsRoman le Proces des rats
Écrit par Fernando Couto e Santos
Publié le 31 juillet 2022, mis à jour le 31 juillet 2022

Après avoir fait irruption sur la scène littéraire française en 2019 avec Cherbourg, un polar qui a accueilli des critiques très favorables, Charles Daubas revient avec Le procès des rats, un deuxième roman impressionnant qui nous plonge dans une histoire survenue à Autun en 1510. Ce roman historique et poétique s´attaque au sujet très contemporain du statut des animaux. Un livre passionnant, par son intrigue et ses problématiques philosophiques.    


Un roman qui se rapproche d´un sujet d´actualité : le statut des animaux

Il fut un temps en France où des tribunaux prononçaient des condamnations contre des animaux et où l´autorité ecclésiastique lançait l´excommunication contre les bêtes, de quelque nature qu´elles fussent. Cette conception de justice nous paraît aujourd´hui saugrenue, mais elle était d´usage courant au Moyen Âge et jusqu´au XVIIIème siècle. Plusieurs manuscrits conservés dans les bibliothèques ou possédés par des érudits font état des jugements de l´époque voire des mémoires de frais et dépenses pour l´exécution des sentences prononcées.

La littérature témoigne aussi, en mêlant histoire et fiction, des étranges procès de ces temps aberrants. En 2013, par exemple, le jeune auteur Oscar Coop-Phane, né en 1988, a publié aux éditions Grasset (livre repris en 2020 par la collection de poche La petite Vermillon aux éditions de La Table Ronde) Le procès du cochon et très récemment est paru chez Gallimard un roman fort passionnant, par son intrigue et ses problématiques philosophiques, intitulé Le procès des rats, publié lui aussi par un auteur plutôt jeune –urbaniste, né en 1981 à Hong Kong- qui répond au nom de Charles Daubas. Après avoir fait irruption sur la scène littéraire française en 2019 avec Cherbourg, un polar qui a accueilli des critiques très favorables et qui fut couronné du Prix littéraire du Cotentin, Charles Daubas s´est tourné avec Le procès des rats vers le sujet très contemporain du statut des animaux.


Le procès des rats

En 1510, l´évêché d´Autun intente un procès à des rats, coupables d´avoir saccagé les récoltes. La population souffre après de sombres années de peste. Parmi ces gens «d´en bas», le boucher Caboche et ses apprentis sont les protagonistes d´une étrange affaire se déroulant dans la forêt où se sont réfugiés une adolescente et un ours savant, là où la magie du paganisme est encore présente. Une autre histoire, parallèle en quelque sorte à celle du procès des rats.

Or, les rats ont un avocat, un certain Barthélemy de Chasseneuz, qui les défend en utilisant de multiples artifices de procédures et des réflexions d´ordre philosophique. La personnalité homonyme qui a inspiré le personnage du roman fut un avocat célèbre – né en 1480-, procureur du roi, membre du parlement de Bourgogne en 1525 et premier président du parlement de Provence en 1532. Quoique catholique, il a défendu, pendant la Réforme, les Vaudois des villages de Mérindol et Cabrières. Il a écrit des œuvres de nature juridique dont Commentaria de consuetudinibus ducatus Burgundiae en 1517, ouvrage qui aurait servi d´aide pour le droit coutumier français et le Code Napoléon, et le Catologus de gloriae mundi de 1529, une somme de ses connaissances. Il aurait été étrangement empoisonné par un bouquet de fleurs, en 1541.

Pour en revenir au roman de Charles Daubas, Chasseneuz, devant une foule qui se rassemble pour l´écouter, clame que l´affiche placardée sur le mur est trop haut placée pour que les rongeurs puissent la regarder et s´en rendre compte et il va jusqu´à demander à un homme de se mettre par terre pour confirmer que même un être humain aurait du mal à la regarder et à lire ce qui est écrit sur l´affiche. Chasseneuz s´écrie : «Des affiches pour informer les rats de leur convocation, il y en a, certes !  Mais si elles sont trop hautes pour eux, quel intérêt ? Aussi, je vous le demande, et je demande au tribunal qui siège devant nous : que veut-on ? Leur faire un juste procès ? Pourra-t-on dire demain que nous avons été dignes de la cause que Dieu a mise entre nos mains ? Car il faudrait dans ce cas expliquer comment les rats pourraient se présenter ici pour leur défense sans avoir connaissance de la tenue de ce procès ?». Plus loin, dans son discours, Chasseneuz demande que les rats puissent être entendus avant d´être condamnés, que l´on ajourne le procès et que soit lue l´assignation sur chaque paroisse qui ait connu un ravage afin qu´elle soit entendue par ceux qu´elle vise avant de conclure : «Rappelez-vous qu´il y va du salut de nos âmes. Car il n´y a pas d´autre juge que Dieu. Et il ne nous revient pas à nous, Ses créatures parmi les autres créatures, de dire à Sa place lesquelles valent plus que les autres». C´est sans doute hilarant, mais plein d´intelligence.

Ce beau roman interroge le rapport à l´animal. Dans un entretien récent accordé à radio France-Culture, Charles Daubas affirme : «après cette épidémie de peste, on imagine que les populations étaient déboussolées par ses drames. Puis, c´est l´invasion des rats. Face à cela, l´évêché d´Autun reprend les choses en main par rapport à un chaos et une absence de sens ; ce procès tentait de mettre un peu de sens dans ce désordre généralisé». L´auteur met également l´accent sur la coexistence de l´homme et de l´animal en ce temps-là : «au Moyen Âge, les animaux vivaient avec les humains dans les mêmes lieux, il n´y avait pas de séparation géographique».

Le procès des rats ou quand l´Histoire interroge le présent.  

 

Charles Daubas, Le procès des rats, éditions Gallimard, Paris, avril 2022.

 

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