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LITTERATURE – "La seconde mort de Lazare" de François Debluë

François Debluë littérature François Debluë littérature
François Debluë ©Patrick Gilliéron Lopreno
Écrit par Fernando Couto e Santos
Publié le 28 octobre 2020, mis à jour le 29 octobre 2020


La figure biblique de Lazare a toujours inspiré les écrivains. Un nouvel exemple nous vient de la Suisse où François Debluë a publié l´année dernière une fiction -qu´il a décrite comme «une rêverie»- intitulée La seconde mort de Lazare. Il s´agit d´un récit lumineux où l´auteur met en scène la solitude du célèbre personnage après sa «résurrection».

François Debluë, une figure respectée des lettres suisses

La toute-puissance des  milieux éditoriaux parisiens dans la divulgation de la littérature en langue française nous fait parfois oublier qu´il y a de très bonnes maisons d´éditions ailleurs qu´à Paris, non seulement dans d´autres villes de France, mais aussi dans tous les pays francophones. C´est le cas, entre autres, de la Suisse qui compte de remarquables maisons d´édition comme, entre autres Zoé, Héros-Limite, La Baconnière, Éditions de L´Aire ou L´Âge d´Homme. C´est chez ce dernier éditeur qu´a été publiée en mars 2019 une des meilleures fictions que j´aie lues ces derniers temps. Elle nous est présentée comme «une rêverie» et l´auteur n´est autre que François Debluë, figure respectée des lettres suisses, écrivain, poète, chroniqueur et enseignant vaudois –neveu de Henri Debluë-, né le 4 mars 1950 et qui a à son actif une œuvre considérable composée d´une trentaine de titres dont le premier, Lieux communs (proses), remonte à l´année 1979.  

Son dernier titre, La seconde mort de Lazare, fut récompensé du prix Suisse de Littérature et ce n´est que bien des mois après sa parution que l´on a pu lire des critiques dans la presse française, fort élogieuses, à juste titre, mais plutôt discrètes. Dans une chronique publiée dans En attendant Nadeau, Stéphanie de Saint-Marc nous apprend que quand on interroge François Debluë sur sa curiosité sur Lazare, figure biblique amie de Jésus, il répond d´une manière désarmante :« j´étais au volant de ma voiture et je me suis dit : Lazare a dû mourir une deuxième fois».

Lazare

La figure de Lazare a essaimé la littérature, inspirant les fictions les plus diverses. Néanmoins, contrairement à Dostoïevski dans Crime et châtiment, Andreïev dans une nouvelle éponyme ou Jean Cayrol, dont l´œuvre est dominée par la figure de Lazare  en tant que représentation de l´univers concentrationnaire, François Debluë n´a pas transposé la figure dans l´époque contemporaine et sa «rêverie» se place justement dans l´époque histoire d´avant le christianisme. C´est Jean l´évangéliste qui rapporte le miracle de la résurrection de Lazare réalisée par Jésus Christ. Ce geste aura été considéré comme un sacrilège par les autorités religieuses de l´époque et le Christ aura été crucifié dans les jours suivants. Pourtant, ce qu´il est advenu de Lazare par la suite demeure une énigme. On ignore dans quels tourments et dans quelles joies il a survécu.

La résurrection

Le récit  de François Debluë commence pratiquement par le moment où un pêcheur découvre le corps inerte de Lazare auprès du petit lac se trouvant à une heure de marche de Béthanie où il habite. Après avoir ramené sa dépouille chez lui, on a pris soin de la laver, on l´a frottée d´aromates et de parfums, on l´a enveloppée dans un suaire. On a déposé le corps dans l´endroit le plus frais de la maison, au plus sombre de la cave. Des voisins sont arrivés aussi bien que des voisines, soucieuses d´entourer Abigaïl -la femme de Lazare- et ses enfants, David, Myriam et Nathanaël.

On a fait venir Joshua (en fait, Jésus Christ) et, dès son arrivée, il a exigé qu´on le conduise sans délai au tombeau où reposait Lazare.

Lazare s´est réveillé grâce aux paroles proférées par Joshua. Il a eu du mal à s´apercevoir de quoi il retournait et ce n´est qu´au fil d´une lente récupération que sa vie a pu reprendre son cours. Joshua lui a rendu une fois visite, mais il resté plutôt silencieux et a dû partir plus tôt face à la foule furieuse qui s´était agglomérée auprès de la maison de Lazare. C´est que nombre de ceux qui se déchaînaient contre Joshua, et dans une moindre mesure contre Lazare lui-même, criaient à l´imposture. Depuis un certain temps déjà, les mauvaises langues prétendaient que l´histoire de la résurrection de Lazare n´avait été que théâtre et mise en scène et que Lazare lui-même, vieil ami de Joshua, avait été complice en prêtant la main aux manœuvres du thaumaturge.

Joshua fut arrêté à Jérusalem, dénoncé comme malfaiteur, blasphémateur et faux prophète. Mis à mort, il fut cinglé de coups de fouet,  cloué sur une croix,  injurié par une foule fanatisée. Avant de pousser son dernier soupir, Joshua a prononcé d´ultimes paroles que seuls les plus proches avaient pu distinguer. Quelques jours plus tard,  le bruit courait déjà que Joshua était revenu, quelqu´un l´aurait vu…

La seconde mort de Lazare

Pendant ce temps, Lazare était en proie à des cauchemars, il doutait de lui-même, il se sentait solitaire parmi les gens. Il n´était plus amoureux de sa femme et brûlait de désir pour la belle Sarah, épouse de son contremaître Zacharie. Le gouffre était tout près…

On retrouve Lazare, quinze ans plus tard, vieux, de plus en plus solitaire et pratiquement aveugle, alors que sa seconde mort n´est pas loin…

En 102 courts chapitres et un style épuré, François Debluë a écrit avec La seconde mort de Lazare un récit lumineux qui est assurément une des meilleures surprises que la littérature de langue française ait produites l´année dernière.

François Debluë, La seconde mort de Lazare, éditions L´Âge d´Homme, Lausanne, mars 2019 (diffusion et distribution en France aussi).

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